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Théâtre des Champs-Élysées, 16 octobre 25022 — Frédéric Norac

Alexis Kossenko fait triompher le premier Zoroastre

Alexis Kossenko. Photographie © Aurélie Remy.

Révisé par Rameau et son librettiste Cahuzac en 1756 au point que l’on puisse en considérer, comme l’écrit Benoït Dratwicki dans sa note de programme, les deux versions comme « deux opéras distincts », Zoroastre tel qu’il fut créé en 1749, et alors plutôt mal reçu, avait totalement disparu des scènes.

C’est donc à une quasi-recréation que s’attelait Alexis Kossenko avec son nouvel ensemble, résultat de la fusion de ses Ambassadeurs et de la Grande Écurie (et la Chambre du Roy) dont il a hérité, après la disparition de Jean-Claude Malgoire. De fait, c’est à lui d’abord que l’on doit la réussite de ce concert, tant il est vrai que, dans cette œuvre, souvent peu convaincante au plan dramatique, c’est sur l’orchestre et la concertation d’ensemble qu’elle repose. La richesse de l’orchestration profuse (abondance des bois et richesse des percussions) et sans cesse renouvelée, alliée à la finesse de sa direction et à un sens aigu de la dynamique réussissent à maintenir l’intérêt au fil de péripéties peu convaincantes et d’une action dont les ambitions « philosophiques » restent bien floues et se noient un discours d’une pertinence limitée. L’énergie et l’engagement physique du chef qui finit quasiment dansant lui-même dans la suite orchestrale, qui clôt l’opéra, parviennent à convaincre pleinement malgré les évidentes faiblesses dramaturgiques.

Les deux premiers actes en effet (essentiellement d’exposition) paraissent un peu languissants, faute d’un propos plus affirmé, et donnent l’impression que le compositeur et le librettiste, pris entre une conventionnelle histoire d’amour et une intrigue basée sur la lutte pour le pouvoir entre Bons (les sectateurs du Dieu de la Lumière Orosmade) et Méchants (ceux du Dieu du Mal et des Ténèbres), se cherchent et en sont réduits à remplir une certaine vacance dramatique avec des séquences de ballet et des divertissements.

Les trois derniers en revanche prennent un peu plus d’épaisseur et le quatrième qui met en scène les horreurs et les fracas de la guerre des partisans d’Abramane contre le peuple des Bactriens qui, sous l’impulsion de Zoroastre, veut conquérir sa liberté, se révèle époustouflant de virtuosité et de complexité.

Du côté du plateau, n’était un Abramane que l’on souhaiterait un peu moins gris et avec un grave moins limité, tous ne méritent que des éloges depuis le rôle-titre où Reinoud Van Mechelen déploie toute l’autorité de sa haute-contre héroïque capable de demies teintes et de douceur, jusqu’aux utilités, le baryton David Witczak donnant le meilleur de lui-même dans quatre rôles épisodiques tout comme les deux coryphées Gwendoline Blondeel et Marine Lafdal-Franc très sollicitées. En Amélite, Jodie Devos donne à entendre une voix très étoffée qui n’a rien perdu de ses capacités colorature et délivre une ultime ariette de toute beauté. Véronique Gens apporte aux quelques apparitions de la vindicative Erinice toute la noirceur et l’agressivité voulues. Mathias Vidal, et son émission puissante donnent beaucoup de relief en Orosmade tandis que le chœur de chambre de Namur à l’articulation parfaite est toujours au-dessus de tout éloge. Il faut dire que cet ensemble a été largement préparé par quelques concerts antérieurs (à Namur, Gand, Tourcoing et Compiègne) et la réalisation d’un enregistrement que vient de faire paraître le label Alpha et qui permettra à ceux qui n’ont pu l’entendre en concert de découvrir cette œuvre qui possède une véritable originalité et dont le moindre intérêt n’est pas l’importance du récitatif accompagné presque plus développé que les airs, assez rares de cette version.

En conclusion d’une soirée triomphale, le chef reprend le chœur « Douce paix, régnez sur le monde », une pièce on ne peut plus de circonstance, et dont la pertinence est très applaudie par un public visiblement conquis.

 

plume_07 Frédéric Norac
16 octobre 2022


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