Pulcinella Swing. Photographie © Olivier Dhenin.
La dernière création d’Olivier Dhenin et de sa compagnie Winterreise fait un audacieux pari. Ramener Pulcinella, ballet néoclassique de Stravinsky inspiré de Pergolèse et du xviiie siècle italien dans l’univers des adolescents du xxie en leur prêtant voix à travers les mots de Robert Walser, romancier, poète et dramaturge suisse de la première moitié du siècle dernier.
À la convergence de la danse, du théâtre et du chant, la pièce réunit treize grands adolescents et jeunes adultes, de 16 à 22 ans, dans un jeu de variations sur l’amour et ses affres, plein d’ironie, de cruauté et de tendresse, où l’humour le dispute à un certain pathos. Ses jeunes interprètes ne sont ni chanteurs, ni comédiens, ni danseurs, mais un peu tout cela à la fois et, peut-être, certains dont les dons pour la scène crèvent déjà l’écran, deviendront-ils professionnels dans quelques années.
Ils se prêtent en tout cas au jeu et au risque avec la candeur et l’enthousiasme de leur talent en herbe. De fait, on leur pardonne quelques maladresses scéniques, des voix parlées ou chantées qui, pour certains, peuvent encore gagner en fermeté et en projection, pour ce que leur jeunesse apporte de vérité à un texte exigeant d’un extrême raffinement littéraire et d’une belle profondeur.
Pour faire bonne mesure, le metteur en scène a eu l’idée d’introduire quatre chansons de Françoise Hardy dont trois, interprétées à nu face au public, apportent une touche d’émotion concentrée au milieu d’une première partie plutôt dominée par la comédie et le marivaudage.
La seconde, plus sombre, tourne autour du personnage d’Arlequin en proie à ses tourments existentiels. D’un palais et d’un jardin néoclassique, suggéré par quelques toiles et deux lustres à pendeloques, la scène passe alors dans une forêt nocturne où se joue une partie plus dramatique. Mais elle revient, après la disparition du personnage central, au premier univers dans une sorte de ballet blanc pour conclure le spectacle lorsque Arlequin réapparait malicieusement au milieu du désarroi et du "deuil" de ses congénères. L'ensemble se termine sur un chœur polyphonique qui célèbre l’éternelle vitalité du sentiment amoureux.
Si, malgré les subtiles allusions dont s'émaille la mise en scène, la scénographie et les costumes, les personnages de la commedia dell’arte (Pulcinella, Colombine, Lelio ou Matamore...) se dissolvent quelque peu dans l’univers des adolescents de l’auteur suisse, la musique de Stravinsky, dans sa version pour piano, quant à elle, résiste bien au découpage que l’adaptation lui impose et à une interprétation hors normes de ses passages chantés par des voix qui ne sont pas exactement dans les canons lyriques. Les chorégraphies allient mouvements classiques, break dance et pantomime et séduisent par leur parfait naturel. Vu en avant-première, au bout d’un montage en « urgence » au cours d’une résidence de dix jours, le spectacle peut encore gagner en précision et en densité, mais il possède déjà les qualités communes à toutes les créations d’Olivier Dhenin, une originalité dans la démarche et un sentiment de spontanéité qui cache un travail théâtral très abouti.
Reprise prévue du 7 au 9 octobre à Tonnay-Charente et en 2022-23 au Théâtre Dunois à Paris
Frédéric Norac
juin 2021
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Mercredi 15 Janvier, 2025 14:37