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Salle Gaveau, 19 novembre 2021 —— Frédéric Norac.

Le voyage d’hiver « vécu » de Benjamin Appl

James Baillieu et Benjamin Appl, Salle Gaveau, 19 novembre 2021. © musicologie.org.

Passé discrètement à Paris en mai dernier dans une Passion selon saint Jean sans spectateurs au Théâtre du Châtelet où il incarnait le Christ, Benjamin Appl fait un retour remarqué avec ce Voyage d’hiver Salle Gaveau où son interprétation a visiblement conquis le public parisien. Si en début de concert le baryton semble privilégier le texte sur la musique et naviguer entre déclamation et chant (sans doute l’héritage de son maître Dietrich Fischer-Dieskau dont il fut le dernier élève), très vite sa voix trouve une pleine musicalité et se déploie dans une variété de registres qui paraît absolument inépuisable, servie par un sens aigu de la dynamique, des colorations et une capacité à diminuer le son dans d’impalpables pianissimi comme à enfler la voix qui semble alors d’une puissance disproportionnée dans ce corps de jeune homme longiligne.

Qui, à son entrée sur scène, aurait imaginé dans ce visage si sage aux traits fins et réguliers de presque adolescent (malgré la quarantaine approchant) une telle capacité à s’identifier aux souffrances du héros schubertien dont il nous transmet l’angoisse et la révolte, les moments de rêve lumineux et le désespoir qui leur succèdent, et dont il semble aller chercher le souvenir au tréfonds de sa propre expérience ? Sa vision très incarnée et souvent théâtrale passe aussi dans ses regards, les expressions du visage autant que par la voix et semble vraiment s’adresser à l’auditeur et vouloir l’impliquer. Cette version « vécue » du cycle est soutenue à la perfection par le piano expressif et subtil de James Baillieu qui semble respirer avec lui sans qu’ils aient besoin d’échanger le moindre regard. Il est vrai qu’ils ont déjà réalisé deux disques ensemble et que le pianiste l’a souvent accompagné en récital. Commencée dans une quasi-obscurité, la performance s’achève dans le même fondu au noir et sous les nombreux rappels d’une salle visiblement touchée.

plume 7 Frédéric Norac
19 novembre 2021


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