Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 10 juin 2021 —— Frédéric Norac.
Pelléas et Mélisande, Nouvel Opéra Fribourg. Photographie © Magali Dougados.
L’adaptation de Pelléas et Mélisande que propose le Nouvel Opéra Fribourg dans une mise en scène de Julien Chavaz en collaboration avec Nicole Morel est une sorte de squelette de la pièce de Maeterlinck, réduite à quelques scènes essentielles. Encore sont-elles largement abrégées. La « chair », le climat du drame sont entièrement créés par l’habillage sonore de Nicholas Stücklin, qui mixe des éléments musicaux et sonores auquel s’ajoute un travail sur les voix, captées par les micros, en les superposant, les imbriquant, exaltant ainsi la dimension musicale du texte, au point qu’il parait parfois difficile de savoir qui parle, ce qui finalement est bien dans l’esprit de la pièce et du caractère fantomatique de ses personnages.
Si le metteur en scène a choisi le texte définitif, celui de l’édition de 1902, et non celui du « livret » de Debussy basé sur l’original de 1892 (on y trouve du reste la scène 1 de l’acte III coupée par le compositeur et de nombreuses variantes par rapport au texte debussyste), il ne pouvait échapper à une allusion à l’opéra. Elle se concentre évidemment dans le célèbre épisode de la tour avec sa mystérieuse cantilène « Mes longs cheveux » où la musique de Debussy est citée de façon allusive dès l’introduction.
Pelléas et Mélisande, Nouvel Opéra Fribourg. Photographie © Magali Dougados.
Traitant les personnages sur un mode dérisoire, le metteur en scène en fait des marionnettes drolatiques : Arkel est transformé en une sorte de vibrion hystérique aux allures de guerrier indien ; Geneviève réduite à un porte-voix ; Mélisande et Pelléas en costumes pseudo moyenâgeux ont l’air de caricature d’eux-mêmes ; Yniold en enfant pleurnichard habillé en femme. Quant à Golaud il est interprété par une femme, avec un costume dont l’esthétique semble sortir tout droit d’un conte façon heroic fantasy. Il rejoint ainsi les préoccupations du dramaturge qui souhaitait faire disparaître l’acteur dans le théâtre.
Le dispositif scénique se réduit à un praticable demi-circulaire sorte de bord de piscine et un rideau de plastique criard derrière lequel se cache Florent Lattuga qui orchestre aux claviers ce « théâtre musical », et qui se lève pour laisser apparaître les personnages.
Ce que l’approche peut avoir de volontairement caricatural n’empêche pas une incontestable poésie de se dégager, notamment grâce à de très beaux effets de lumière, de cet étrange « digest », souvent farfelu d’une heure quinze, mais que porte une équipe de comédiens épatants et que transcende au final la création sonore de Nicholas Stücklin.
Prochaines représentations les 15, 16, 19 et 20 juin
Frédéric Norac
10 juin 2021
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Samedi 12 Juin, 2021 0:51