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Théâtre de l’Athénée, 18 novembre 2021 —— Frédéric Norac.

Bric-a-brac baroque : Cupid & Death de Matthew Locke et Christopher Gibbons

Cupid and Death, Fiamma Bennett, Sofiane Guerraoui, Nicholas Merryweather. Photographie © Alban van Wassenhove.

Pour monter ce « mask » de 1753 révisé en 1759, l’unique spécimen du genre à nous être parvenu intégralement, texte et musique, Emily Wilson et Jos Houben ont choisi le registre du méta-théâtre, un savant bricolage qui convoque costumes farfelus, masques, projections, pancartes, chorégraphies burlesques, jeux de boîtes, bref toutes les ficelles (apparentes) d’un théâtre au second degré, tirées avec beaucoup de virtuosité.

Le livret de James Shirley met en scène l’histoire d’une confusion, celle des flèches de l’Amour et de la Mort, qu’un méchant plaisantin, le chambellan, effrayé à l’idée de mourir, a échangées à l’insu des deux déités. Cupidon étant aveugle, il ne peut voir les dégâts que font ses flèches sur les jeunes cœurs. Il va donc falloir lui ouvrir les yeux, car la Nature elle-même s’épuise.

Au fil des cinq entrées, la mise en scène fait émerger avec beaucoup de poésie un texte aux multiples lectures où l’humour absurde le dispute à la philosophie, la satire sociale au lyrisme et qui possède des résonances très contemporaines. Cette Nature au bout du rouleau qui en appelle aux Dieux pour remettre de l’ordre dans le chaos, la mort des jeunes amoureux et la folie amoureuse chez les vieillards, pourrait bien avoir quelque chose à nous dire sur notre époque. La mise en scène prend quelques libertés avec le synopsis original qu’elle déstructure à plaisir et crée quelques personnages comme ce M. Loyal (le comédien Sofiane Gerraoui) qui en est un peu le narrateur et le meneur de jeu ou ce majordome franco-britannique merveilleusement campé par le baryton Nicolas Merryweather.

Cupid and Death, Nature. Photographie © Alban van Wassenhove.

La partie musicale assurée par l’Ensemble Correspondances de Sébastien Daucé qui en a élaboré l’instrumentation offre de beaux ensembles madrigalesques où brille le petit chœur, des danses raffinées et quelques airs que se partage une distribution de six chanteurs dont on distinguera particulièrement la Nature au timbre corsé de la mezzo Lucile Richardot et le Mercure puissant de la basse Yannis François, parfois un peu sur le fil en termes d’intonation. L’ensemble Correspondances en petite formation est évidemment au-dessus de tout éloge dans une musique qui lui va comme un gant. Si la densité et la complexité du spectacle dont la créativité visuelle se renouvelle sans cesse peut déconcerter, dès la troisième entrée tous les éléments s’ordonnent en un seul discours et, de ce qui d’abord paraissait un bricolage un peu surchargé, émerge une harmonie au ton particulier et pleine de charme qui culmine dans les derniers tableaux particulièrement réussis.

Représentations jusqu’au 27 novembre.

Spectacle repris au Théâtre impérial de Compiègne les 9 et 10 décembre et à l’Opéra de Rouen, les 14 et 15 décembre.

plume 7 Frédéric Norac
18 novembre 2021.


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