Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.
L'œuvre instrumentale de Franz Schubert ; la musiqe de piano, les sonates ; D 157 ; D 279 ; D 459 ; D 537 ; D 557 ; D 566 ; D 567 ; D 568 ; D 571 ; D 575 ; D 613 ; D 625 ; D 664 ; D 784 ; D 840 ; D 845 ; D 850 ; D 894 ; D 958 ; D 959 ; D 960.
Autre chef-d’œuvre incontesté, cette sonate ouvre la fameuse trilogie que Schubert, dans une formidable explosion d’énergie créatrice, composa en septembre 1828, deux mois avant de disparaître. De ces trois immenses sonates qui, à bien des égards, ont valeur de testament artistique, celle-ci, « ainsi que l’annonce sa tonalité, est la plus agitée, la plus sombrement passionnée et la plus violente, la plus beethovénienne aussi, encore qu’elle ne contienne pas une mesure qu’un autre que Schubert eût pu écrire. »32 D’entrée, on croit entendre Beethoven derrière les élans farouches et la puissance titanesque du thème initial du premier allegro, mais bientôt va apparaître un second thème doucement rêveur, typiquement schubertien, et surtout, avant de déboucher sur une conclusion presque désespérée, le mouvement va connaître un développement bien éloigné des schémas classiques, une sorte de musique informelle, aux antipodes de Beethoven, où Schubert associe ballade funèbre et marche héroïque, chromatismes mystérieux et motifs obsessionnels.
L’adagio, un des rares adagios véritables du musicien, adopte une forme de rondo avec, entrecoupés d’épisodes sombres et véhéments, des refrains dont l’ample mélodie, d’un détachement presque mystique, fait l’effet d’un chant de pèlerinage, non sans évoquer par instants les sombres paysages du Voyage d’hiver. L’étrange menuetto qui suit, un scherzo en réalité, n’apporte guère de détente qu’à travers son lumineux trio car, avec ses lourds accents, ses brusques cassures de rythmes et ses contrastes dynamiques abrupts, on y sent avant tout une forte passion dramatique. Et cette œuvre décidément sombre et passionnée s’achève sur une chevauchée infernale, une cavalcade effrénée, d’une allégresse sardonique et macabre, effrayante aussi bien par ses dimensions que par son déchaînement presque ininterrompu. Rares en effet sont les moments de répit dans cette course frénétique où l’instabilité tonale est permanente. On aura bien, peu avant la fin, une brève échappée vers on ne sait quel Paradis perdu, mais ce sera pour mieux replonger dans le tourbillon lugubre de ce finale dantesque.
Franz Schubert, Sonate pour piano en do mineur, D 958, I. Allegro, II. Adagio, III. Menuetto, IV. Allegro, composée en septembre 1828, Publiée à Vienne par Diabelli en 1839, par Seong-Jin Cho, Gilmore Keyboard Festival, 2016.
Franz Schubert, Sonate pour piano en do mineur, D 958, I. Allegro, II. Adagio, III. Menuetto, IV. Allegro, composée en septembre 1828, Publiée à Vienne par Diabelli en 1839, par Sviatoslav Richter, enregistrement public, Théâtre Erkel, Budapest, 18 mars 1973.
Michel Rusquet
21 mars 2020
Harry Halbreich, dans Tranchefort François-René (dir.), « Guide de la musique de piano et de clavecin », Fayard, Paris 1998, p. 674.
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Samedi 21 Mars, 2020 5:28