Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.
L'œuvre instrumentale de Franz Schubert ; la musiqe de piano, les sonates ; D 157 ; D 279 ; D 459 ; D 537 ; D 557 ; D 566 ; D 567 ; D 568 ; D 571 ; D 575 ; D 613 ; D 625 ; D 664 ; D 784 ; D 840 ; D 845 ; D 850 ; D 894 ; D 958 ; D 959 ; D 960.
Gros contraste avec cette troisième et dernière des sonates de l’année 1825 : c’est une « sonate de vacances ; Schubert l’écrit en villégiature à Gastein, d’où le nom de Gastein-Sonate qu’on donne quelquefois à l’œuvre. Contrairement aux deux autres sonates de l’année, elle est résolument optimiste, et d’une vitalité, d’un bonheur d’exister bien surprenants après les sombres pensées de la précédente. D’ailleurs elle se laisse aller au plaisir de briller, favorisant les doigts du concertiste à qui elle est dédiée. »26
Deuxième « grande » sonate publiée du vivant de Schubert, elle se signale tout particulièrement par la constante recherche rythmique dont sont nourris ses quatre mouvements, à commencer bien sûr par l’allegro vivace initial qui affirme d’entrée la primauté du rythme à travers la force impulsive de son thème initial en notes répétées et martelées, et dont les développements manifestent à la fois une joie héroïque et une vitalité éclatante.
Ce sont cependant les deux mouvements suivants qui sont les joyaux de l’œuvre : dans le con moto, Schubert s’abandonne, et nous avec lui, aux délices de l’harmonie et des « divines longueurs », dans une ineffable contemplation des mystères de la nature qui reflète sans doute les sensations d’apaisement et de jubilation intérieure éprouvées devant les beautés enchanteresses des Alpes salzbourgeoises ; dans le fougueux scherzo, c’est de nouveau la primauté du rythme, et l’apothéose du rythme pointé, mais il y passe aussi de tendres et touchants échos de Ländler, et, avec le trio, c’est le retour au rêve, dans un de ces moments d’exception où les rythmes s’estompent pour faire place à la magie harmonique dont Schubert a le secret. Reste le rondo final (allegro moderato) qui, dans son innocente simplicité formelle, et avec son thème si bon enfant qu’on le croirait sorti d’une boîte à musique, continue de diviser les commentateurs. En son temps déjà, Schumann le trouvait « peu en harmonie avec l’ensemble et passablement burlesque », refusant de « prendre ce morceau au sérieux ». Sans doute ce final est-il un peu en retrait par rapport aux trois premiers mouvements, mais l’invention schubertienne y est souvent à l’œuvre et, derrière cette candide simplicité et cette grâce un peu surannée, se cachent encore des petits trésors de spontanéité et de poésie.
Franz Schubert, Sonate en ré majeur, D 850, opus 53, I. Allegro vivace, II. Con moto, III. Scherzo, IV. Rondo, composée en août 1825, édité en 1826 par Artaria, dédicacée à Carl Maria von Bocklet, par Emil Gilels (enregistrement en public).
Michel Rusquet
13 mars 2020
26. Sacre Guy, La Musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998, p. 2489.
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