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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.

La musique de George Frederick Pinto (1785-1806)

Anglais, ce que son nom n’indique pas forcément (il adopta le nom de famille de sa mère qui était d’ascendance italienne), ce musicien disparu prématurément à vingt ans (comme Arriaga) n’a guère eu le temps de produire, mais le peu qu’il a laissé, notamment ses trois grandes sonates pour piano (les deux de son opus 3 et celle en ut mineur dédiée à John Field),

George Frederick Pinto, Grand sonata en mi bémol mineur, opus 3, no 1, I. Allegro moderato con espressione, II. Adagio con giusto, III. Allegro con brio, par Míċeál O'Rourke.

ainsi que son ambitieuse fantaisie et sonate en ut mineur opus posthume,

George Frederick Pinto, Grand Sonata en ut mineur, I. Allegro espressivo con fuoco e risoluto, II. Adagio, III. Rondo, par Ian Hobson.

devrait suffire à lui assurer l’immortalité, et, pour commencer, une plus large notoriété. Achevées à l’âge de dix-sept ans, « les trois premières sonates classent Pinto parmi les maîtres […]. Elles sont la gloire de ce brillant Londres pianistique des jeunes années 1800, qu’enrichit le talent de plus d’un expatrié, et qui voit naître côte à côte les chefs-d’œuvre de Clementi, de Dussek, de Cramer, de Field. Le benjamin combine l’influence de ces aînés, et les dépasse. Dominant d’emblée forme et technique instrumentale, il pressent la sonorité du piano romantique;  il entend des harmonies et des enchaînements qui n’entreront dans la règle que longtemps après lui ; il trouve les inflexions émouvantes qui empêchent le moteur de la sonate de tourner à vide. Avec cela, du souffle, de l’ampleur : on a beau, à chaque page, buter sur des détails extraordinaires, un tour imprévu de la phrase, un accord improbable, la vision d’ensemble n’en est pas affectée. »1

Qu’on écoute en particulier la sonate en la majeur opus 3 no 2, au lyrisme étonnamment schubertien dans ses deux premiers mouvements, et on ne sera pas loin de crier au génie.

George Frederick Pinto, Grand sonata en la majeur, opus 3, no 2, I. Allegro moderato, II. Poco adagio affettuoso, III. Rondo molto allegro con spirit, par Marek Toporowski, pianoforte.

Plus généralement, en découvrant une à une les quatre grandes oeuvres citées plus haut, on  cédera souvent à l’ébahissement exprimé par le même Guy Sacre: « Qu’un adolescent […] ait écrit des œuvres si mûres, si personnelles, si chargées de sens, cela d’abord étonne ; qu’à l’aube du XIXe siècle, entre le jeune Beethoven et le vieux Haydn, il ait de surcroît multiplié les signes avant-coureurs de Schubert, de Mendelssohn, voire de Chopin, voilà qui ne finit pas de nous déconcerter… »

George Frederick Pinto, Fantasia and Sonata en ut mineur par Míceál O'Rourke.

 

plumeMichel Rusquet
25 août 2020
© musicologie.org
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Notes

1.  Sacre Guy, La Musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998, p. 2103.

 

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Mardi 25 Août, 2020 2:59