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Paris , Saint-Louis des Invalides, 15 octobre 2020 —— Frédéric Norac.

Kevin Amiel : hommage à Pavarotti

Il faut beaucoup d’audace et sans doute pas mal d’humilité aussi de la part d'un jeune ténor en début de carrière pour rendre hommage à une pointure comme Luciano Pavarotti et se confronter à son répertoire. À vrai dire, le programme de Kevin Amiel comporte au moins deux exceptions : l’air de Malcolm dans le Macbeth de Verdi et celui de Don José dans Carmen, des rôles que le roi du contre-ut n’a jamais abordés ni à la scène, ni au disque. Si le premier ne lui eût certes pas posé de problème particulier, Kévin Amiel pour sa part lui apporte une concentration et une coloration expressive où passent toutes les nuances du deuil et du remords à la révolte, prouvant qu'il est sur le chemin de faire un grand ténor verdien dont il a déjà abordé avec bonheur Alfredo dans La Traviata à Bordeaux en septembre dernier. Dans le second, plus risqué, car aux limites entre ténor lyrique et ténor dramatique, il fait preuve d’une conduite de voix irréprochable, maniant avec subtilité le subito piano dans la coda de l’air, et laissant entendre ça et là quelques accents qui rappellent un autre de ses devanciers fameux.

Depuis sa sortie de l'Académie de l'Opéra de Paris et La Bohème en français à l'Opéra-Comique en 2018, le chanteur a pris du galon et s'est illustré dans quelques rôles de premier plan. Sa voix s’est élargie pour devenir celle d’un authentique ténor lyrique, brillante, à l’aigu facile et épanoui, et apparemment inépuisable. Désormais le Rodolfo original en italien est entièrement à sa portée et il n'en fait qu'une bouchée, avant d'aborder avec la même évidence la fameuse « Furtiva lagrima » de l'Élixir d'amour dont il maîtrise toutes les demi-teintes et la chaleur passionnée. Son programme remarquablement construit alterne les airs deux à deux avec des plages orchestrales où le relaie l'Orchestre de Cannes PACA, remarquablement dirigé par Benjamin Lévy, avec qui la complicité parait évidente. La distanciation des pupitres confère une transparence inaccoutumée à la pâte orchestrale qui bénéficie singulièrement aux pièces lyriques comme les intermezzi de Pagliacci et de Cavalleria rusticana, le prélude de Traviata ou les Crisantemi de Puccini, mais montre ses limites dans l'ouverture de Don Pasquale, où l'orchestre parait quelque peu « explosé », une impression renforcée par l'acoustique très réverbérée du dôme des Invalides.

Que ce soit dans les romances populaires comme « Non t'amo più » de Tosti, « Funiculi, Funiculà » de Denza ou La Danza de Rossini et ses deux bis « O sole moi » et « Non ti scordar di me » - ou dans les airs d'opéras plus exigeants, le chanteur fait toujours montre d'un goût parfait sans excès démonstratifs ou histrioniques. Touchant dans les adieux de Cavaradossi (« E lucevan le stelle ») comme dans ceux d'Edgardo dans la scène finale de Lucia di Lammermoor (dont on regrette qu'elle s'achève avant le fameux « Tu che a Dio »), il se révèle un interprète investi et très sobre. Le dernier air du concert - le célèbre Lamento de Frederic de L'Arlesiana de Cilea -, d'une grâce pathétique captivante, nous a  rappelé que c'est dans ce morceau que, dans Musiques en fête 2017, nous avions entendu pour la première fois la promesse du merveilleux ténor lyrique qu'en à peine trois ans Kevin Amiel est devenu. Il devrait aborder Lensky dans Eugène Onéguine début novembre à Massy (si le Covid le permet) puis reprendre Nadir (Les Pêcheurs de perles) et Fenton (Falstaff), en 2021, mais son grand désir reste Werther de Massenet. On ne doute pas qu'il devrait assez rapidement se concrétiser et cette prise de rôle sera, pour nous comme pour lui,  désormais très attendue.

Concert enregistré et diffusé sur Radio-Classique le 7 novembre, et repris le 18 octobre au Palais des congrès de Cannes.

Frédéric Norac
15 octobre 2020
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Samedi 17 Octobre, 2020 4:28