Madame Favart à l'Opéra-Comique de Paris. Photographie © S. Brion.
On ne sait trop à qui s’en prendre : les librettistes Chivot et Duru et leur intrigue sans ressort, le compositeur qui semble à court d’inspiration et nous ressert sous une sauce modernisée ses vieux plats de la grande époque ou la mise en scène atone et inefficace d’Anne Kessler ? Toujours est-il qu’on a beau chercher à rire, puis à défaut à sourire, au moins à s’intéresser, on s’ennuie ferme dans le premier acte de cette Madame Favart, opéra-comique oublié d’Offenbach, que tentent de faire revivre l’Opéra-comique et le Palazzetto Bru Zane, en collaboration avec les opéras de Caen et de Limoges.
D’évidence, après la débâcle du Second Empire, Offenbach en perte de vitesse, avait bien du mal à renouer avec ses succès des années 1860. Certes, le métier est là, avec quelques airs à couplets bien troussés, une recherche évidente dans des ensembles plus sophistiqués, une orchestration solide, mais le cœur ou plutôt l’esprit n'y est pas vraiment et les aventures de la diva de l’opéra-comique du XVIIIe, poursuivie par les assiduités du Maréchal de Saxe, et ses travestissements pour lui échapper n’arrivent guère à stimuler son inspiration et notre imaginaire.
Certes le deuxième acte est quelque peu sauvé par l’apparition du Marquis de Pontsablé d’Eric Huchet, irrésistible dans son numéro d’aristocrate imbu de sa personne où l’on croit reconnaître un Jean Tissier de la grande époque. Son air "Je fais comme mes aïeux" est avec le fameux "Trio de l'échaudé" le seul à porter cet esprit satirique qui fait le charme d'Offenbach. Marion Lebègue, dans le rôle-titre, qui jusque là paraissait d’une singulière platitude pour un personnage qui devrait manger la scène, trouve un moment de grâce dans son déguisement en douairière avec bichon-balai. Mais cela ne suffit qu’un temps à masquer la vacuité du propos et l’éclectisme d’une partition dont les numéros ont souvent l’air d’être là pour meubler, voire racoler un peu! : finales artificiellement montées, chœurs patriotiques plaqués, airs tendres sans situation qui les justifierait, bref tous les symptômes d’un produit fabriqué. Le troisième acte retombe dans la même impression laborieuse malgré les facéties lourdingues d’un tourlourou repassant son pantalon en caleçon à l’avant-scène (ah! ah! ah).
Madame Favart à l'Opéra-Comique de Paris. Photographie © S. Brion.
Peut-être l’affaire aurait elle pu être sauvée par une mise en scène plus directe, mais ces élucubrations sur l’atelier de costumes de l’opéra-comique et ce chœur qui n’est ni dans ni hors de l’action n’aident guère à la faire vivre, d’autant moins que le jeu d’acteurs languissant ne suffit pas à animer des dialogues et des situations conventionnels. On exceptera tout de même de ce plat tiède quelques numéros chantés et leurs interprètes, Marion Lebègue, qui faute d’une personnalité plus affirmée (mais elle était annoncée malade), possède au moins la voix du rôle et donne le meilleur d’elle-même dans son « Je n' sais comment ça s' fit » le seul air passé à la postérité dans les 23 numéros que compte la partition (un signe tout de même), Anne Catherine Gillet qui fait preuve d’un bel abattage dans un personnage sans le moindre relief, Christian Elmer en Favart à qui l’on reconnaîtra incontestablement une bonne voix et de la musicalité, mais qui, pas plus que le Hector de Boispreau de François Rougier, n’arrive à faire exister son personnage. Dans la fosse, Laurent Campellone à la tête de l'orchestre de Paris, de bonne tenue a beau s’agiter sans réserve, Madame Favart a la saveur d'un plat réchauffé.
Représentations jusqu'au 30 juin
Frédéric Norac
24 juin 2019
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