musicologie   Jeudi 22 août 2019

Musique de chambre à Giverny 2019 : I. Schumann et Brahms

Jeudi 22 août 2019, 20h00, Musée des impressionnismes : Les yeux de Clara, œuvres de Robert Schumann et Johannes Brahms

Avec Zijiang Wei, Jean-Claude Vanden Eynden (piano), Anton Ilyunin, Sarah Decamps, Ryo Kojima (violon), Vladimir Bukac, Xavier Jeannequin (alto), Michel Strauss, Alexis Derouin (violoncelle).

Michel Strauss présente la 16e session de musique de chambre à Giverny. Photogrtaphie © musicologie.org.

La session 2019 de Musique de chambre à Giverny commence par une moitié d’histoire d’amour.

Clara Wieck est née le 13 septembre 1819, à Leipzig, dans un milieu musical. À l’âge de 9 ans, pianiste confirmée et admirée, elle croise pour la première fois Robert Schumann, plus neuf ans égal 18. Ce dernier, rêvant d’atteindre la virtuosité pianistique prend des cours avec Friedrich Wieck le père, un professeur de renom. Comme cela est l’usage à cette l’époque, l’élève loge chez son professeur. La complicité souvent espiègle des deux jeunes pianistes devient, les années passant, un profond amour.

Dès qu’il entend le mot « mariage », le père fait des pieds, des mains et des coups bas pour conjurer le destin que deux procès remettent dans son cours. Clara et Robert se marient en 1840. Ils forment un couple qui fusionne dans la musique, un journal intime à quatre mains et huit enfants. Clara continue les tournées pour faire bouillir la marmite, mais renonce à la carrière de compositrice. Les concerts, les tâches ménagères, l’assistance qu’elle apporte à Robert, les leçons de piano, ne lui en laissent pas le temps. Elle se range aussi docilement à l’opinion générale : la composition musicale n’est pas une activité pour les femmes.

La littérature musicographique présente Friedrich Wieck comme une personne assez psychorigide. Peut-être avait-il aussi quelque jugeote.

Cette même année 1840, à trois-cent-trente kilomètres au Nord-Nord-Est de Leipzig, Johannes Brahms qui est âgé de sept ans, mâchonne encore ses crayons à l’école de Hambourg. Son père multi-instrumentiste joue dans les tavernes, les bals, la fanfare locale, dans des lieux prisés à la mode. Plus tard, usant de son influence, Johannes l’imposera comme contrebassiste dans l’orchestre de l’Opéra. Sa mère est couturière. Comme Clara Schumann, Johannes Brahms est un enfant prodige du clavier. Dès qu’il quitte l’école, il améliore le quotidien familial en donnant des cours de musique ou en jouant dans les cafés bourgeois, en réalisant des arrangements, ou comme accompagnateur au théâtre.

Il compose ses premières œuvres (pour le piano) en 1853, et le 30 septembre, partitions sous le bras, les yeux brillants d’admiration, il est accueilli par les Schumann alors installés à Düsseldorf. C’est le coup de foudre musical. Clara et Robert sont emballés par la musique de Johannes.  Robert lui consacre, en octobre, un article intitulé Voies nouvelles, dans la revue qu’il dirige. Johannes tombe amoureux de Clara et sans aucun doute, Clara de Johannes. L’état de santé Robert Schumann se détériore (ses troubles psychiques sont apparus en 1833, l’année de naissance de Johannes Brahms).  Le 27 février 1854, il se jette dans le Rhin. Sauvé, il est interné, le 4 mars, près de Bonn, où il meurt le 29 juillet 1856.

Puis Clara s’installe  à Berlin avec ses enfants, Johannes retourne un temps à Hambourg. Clara se consacre à la mémoire de son génial mari, corrige ses partitions, édulcore le journal intime, entretient avec Johannes pendant quarante années, amitié et chamailleries épistolaires, elle ne manquera pas les premières de ses œuvres.  Arrivée à un âge avancé, elle propose à Johannes que chacun retourne à l’autre sa correspondance. Elle a détruit toutes ses lettres à Johannes, mais il a conservé une partie des siennes, adressées à celle qui fut la femme de sa vie. Il ne reste que la moitié de l’histoire.

1. Robert Schumann (1810-1856), Quatuor avec piano, en mi bémol majeur, opus 47 (1842)

1. Sostenuto assai, Allegro ma non troppo, 2. Scherzo, Molto vivace, Trios I et II, 3. Andante cantabile, 4. Finale, Vivace. Dédicacé au Comte Mathieu Wielhorski. Auditions privées le 5 avril 1843, chez les Schumann, le 6 décembre 1844, chez Félix Mendelssohn, création publique le 8 décembre 1844, à la Gewandhaus de Leipzig par Clara Schumann (piano), Ferdinand David (violon), Niels Gade (alto), Carl Wittmann (violoncelle).

Bien avant la folie des emballages en plastique, on a aimé mettre les artistes en barquettes. Ainsi, pour Robert Schumann en fine tranches, l’année 1840 est celle du Lied (et du suicide de sa sœur), 1841 est celle de l’orchestre, et 1842 celle de la musique de chambre. Ce qui correspond à une certaine véracité.

Au cours cette années 1842, il compose ses trois quatuors opus 41, en juin,  l’admirable quintette avec piano opus 44, en octobre, ce tout aussi admirable quatuor avec piano, achevé en cinq semaines. Il n’y a encore qu’un enfant à la maison, Clara et Robert eurent le temps d’étudier des trios et des quatuors de Mozart et de Beethoven.

Le troisième mouvement culmine l’œuvre. On loue en général la liberté des variations, le violoncelle chantant dont on remarque l’accordage inusité (on appelle cela scordatura), pour atteindre le si bémol grave. On peut aussi avoir des faiblesses pour le premier mouvement quasi ouverture. Son introduction élégiaque accentuée par un pseudo tocsin discret de piano, sa partie centrale joyeuse et lumineuse s’étoffant d’inquiétude dramatique, et le retour symétrique de la partie élégiaque d’introduction, cette fois comme interrogation à laquelle les trois mouvements suivant vont répondre.

Au cours de ce premier mouvement, Schumann cite les premières notes du choral Wer nur den lieben Gott lässt walten (Celui qui laisse Dieu régner… Dieu le soutiendra dans les tourments et les chagrins), il évoque aussi son Lied « Er, der Herrlichste von allen » (« Lui, le plus magnifique de tous » du cycle L’amour et la vie d’une femme). On peut aussi questionner la rhétorique de la longue phrase descendante et remontante dans le Finale, descente aux enfers et résurrection ? Une allégorie qui s’applique à bien des situations humaines. Ce quatuor est une course poursuite autour d’un chant amoureux qui s’achève bien entendu en fuguant.

Zijiang Wei (piano), Ryo Kojima (violon), Vladimir Bukac (alto). Photogrtaphie © musicologie.org.

2. Johannes Brahms, Quintette pour piano et cordes, en fa mineur, opus 34

1. Allegro non troppo, Poco sostenuto, Tempo I, 2. Andante, un poco Adagio, 3. Scherzo, Allegro, Trio, 4. Finale, Poco Sostenuto, Allegro non troppo, Tempo I, Presto non Troppo. Créé le 22 juin 1866, au Conservatoire de Leipzig.

Cette œuvre a une genèse improbable. Commencée en 1861, elle est d’abord un quintette à cordes qui ne fait pas l’unanimité dans le cercle des amis. Le très proche et violoniste adulé Joseph Joachim en fait une critique assez dure. Brahms transforme alors son quintette en une sonate pour deux pianos, qui est éditée et jouée. Mais là encore ça critiques dans les coins. Clara Schumann écrit à Brahms le 10 mars 1864 : « L’œuvre est merveilleusement grande, mais ce n’est pas une sonate ! … S’il te plaît cher Johannes, travaille l’œuvre à nouveau ». La dernière version, « solutionnée » avec les conseils du chef d’orchestre Hermann Levi a cette fois impressionné tout le monde. « Avec cette œuvre » écrit Clara, qui aimait le caractère symphonique des thèmes, « J'ai l'impression d'avoir lu une grande histoire tragique ».

Sarah Decamps (violon), Alexis Deroin (violoncelle), Xavier Jeannequin (alto), Jean-Claude Vanden Eynden (piano) Anton Ilyunin (violon). Photogrtaphie © musicologie.org.

Jean-Marc Warszawski

Lire : Musique de chambre à Giverny poussée dehors par la Fondation Terra.

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