musicologie

Le voyage au Castenet

Par Albert Lanonyme ——

Table des chapitres

36. Moine, cheval et écritoire sont du voyage

— Alors ! dit-il… Frère, si je te dis : Descartes, Gassendi, musica, que réponds-tu ?

— Descartes et Gassendi sont deux philosophes qui s'occupent en ce moment de leur naissance. Mais ils ne sont pas des musiciens. Par contre si tu me présentes les deux noms ensemble, je pense au mot « chamaillerie ». Ces deux-là n'ont pas arrêté de se donner la bisbrouille.

— C'est une bonne nouvelle. Quand ils ne se chamaillent pas, les philosophes passent leur temps à brosser le manteau des princes. Un philosophe qui ne dispute pas est un philosophe qui n'a rien à philosopher. Bien ! Ils n'étaient pas musiciens… Mais… Ils ont peut-être écrit sur la musique ? C'est presque une règle. C'est rare qu'un musicien écrive sur son art. Le père Galilée l'a fait… Mais les philosophes…

— Tu as raison, frère. Descartes a écrit un traité de musique. Son premier livre d'ailleurs.

Raconte !

— Il avait un ami, professeur de mathématique en France, en Normandie...

— C'est pas vraiment la France...

— Frère tu leur diras toi-même aux Normands !

— Toujours les mêmes qui vont à la bigorne et au poussaillage ! Accouche frère accouche ! Narre donc la suite...

— Il s'appelait Beeckman, un de Hollande. C'est lui… Il a demandé à Descartes de lui écrire un petit traité de musique. Il l'a fait, en latin, mais a de son vivant refusé la publication. Plus tard, bien après sa mort, un abbé du nom de Nicolas Poisson l'a édité en français.

— Ça se précise. Je parie que l'autre a aussi écrit un traité de musique. Rien que pour faire chier son pote, non ?

— Exact… Son pote… Faut le dire vite ! Mais l'autre l'a apparemment écrit pour lui. On a retrouvé le traité enfermé dans son coffre après sa mort.

— Énigme de merde. Je peux te dire que l'ancêtre van der Reynet a emporté aux Amériques les codes destinés à décrypter ces deux livres. Je sais même de quoi ça cause. Regarde comment les pages sont numérotées dans le carnet. 58, 59, 70, 94, 106, 136, 161, 168, 184, 0. Note bien le zéro. Puis ça recommence. 42, 45, 70, 70, 75, 99, 139, 140, 0. Encore zéro. Puis : 58, 59, 0. Puis : 6, 35, 70, 89, 94, 106. Tu n'as plus qu'à compter les caractères depuis le début.

— Mais le contenu ?

— Musique de l'univers. Tu l'as dit de Copernic. L'exactitude de ses calculs prouve qu'il sait que la terre tourne autour du soleil, que toutes les planètes sont en mouvement. Il a du fric, et des protections. Sinon ce serait une andouille. Les autres c'est pareil, sauf qu'ils planquent leurs calculs.

— Je ne vois pas le rapport avec un traité de musique.

— Tu n'en as jamais lu un ? mais qu'apprenez-vous de vos jours ? La musique est une part essentielle des mathématiques et de l'astronomie. Le rapport des notes entre elles est déduit de la position et de la grosseur des astres. Je te fiche mon billet que chez tes deux philosophes, on y trouve les mesures nouvelles. Mais tout le monde les connaît. Encore une fois, ce n'est pas de le savoir, qui est dangereux, mais de le dire. Comprends-tu, c'est un problème de pouvoir. Mais ton van der Reynet est un drôle incroyable. J'aimerais bien le connaître.

— Je suis justement en chemin pour le rencontrer.

Le moine s'était levé, et regardait le ciel qui prenait ses quartiers de nuit. Il leva le nez vers la lumière naissante des étoiles.

— Il est vraiment ridicule de penser que ces mondes sont encastrés dans une coupole. Quelle notion stupide ! ... Seuls des enfants pourraient penser ainsi, imaginant peut-être qu'au cas où ces mondes ne seraient pas attachés à cette tribune et surface céleste par quelque bonne poix ou cloués de quelques clous solides, ils nous tomberaient dessus comme une grêle. Où crèche donc ce diable de bougre  ?

— Dans les Cévennes, frère.

— Que de coïncidences, dit-il, sans quitter le ciel des yeux. Je m'y rends justement pour visiter un camisard de mes amis… Il est en train de caponner et il se pourrait bien qu'il troque sa chemise blanche contre les fanfreluches et les breloques de l'armée de votre roi. Je t'accompagne… M'invites-tu à expérimenter ta machine ?

— Et ton destin frère ?

— Il me semble qu'il est déjà écrit, non ?

— Il restait à régler quelques détails pratiques, comme celui du cheval. Le moine avait du mal à comprendre que ma machine pouvait rouler sans se fatiguer plusieurs fois aussi vite que sa monture. On ne pouvait pas envisager qu'elle puisse nous suivre. Il semblait navré. La nuit avançant au noir,  nous étions d'accord pour remettre la discussion au lendemain matin.

— Putain, que c'est chaud !

Ce fut les dernières paroles de mon nouvel ami, avant qu'il ne s'endorme. Il parlait ainsi du sac de couchage que je lui avais prêté. Cette nuit là ni Angela ni Che ne me rendirent visite. Par contre j'entendis craquer tout au long du sommeil,  la musique de l'univers et les mécanismes rouillés du vieux manège planétaire. Au matin, j'étais seul. Le moine et son cheval avaient disparu. Le duvet froissé et l'écritoire qui traînaient près de moi prouvaient que je n'avais pas rêvé. Je ne savais que faire. J'attendis un bon moment, puis, après avoir mis de l'ordre dans la Landrover, je repris la route. L'écritoire était posée sur la banquette du passager. Énigmatique

Je n'avais pas parcouru dix kilomètres quand j'aperçus le moine. Il avait attelé son cheval à une carriole impossible. Je compris aussitôt. La carriole fut rapidement attelée à la Landrover. Elle était usée, mais son bois gris avait encore de la dureté. Du chêne noir, m'avait dit le moine. Il lui avait fallu longuement négocier. Avec son air malicieux, il m'avoua qu'il avait usé de certains stratagèmes, lesquels en vertu de son apparence ecclésiastique lui étaient permis. En définitive, il avait obtenu la carriole contre une absolution générale et illimitée. Il avait quelques remords, car il ne voyait pas en quoi les pauvres bougres du village avaient péché... Raisonnablement, un homme, surtout une femme,  qui ne serait pas en faute... Il ne faut pas exagérer... À part Dieu et le saint frusquin consubstantiel, tout pêche... Une vieille carriole pour un rachat général ce n'est pas tant demandé...

Ils avaient même réveillé le forgeron, ces bonnes gens, pour qu'il contrôle les cerclages.

Le cheval, ce fut une autre histoire. La carriole cahotait sérieusement ; on ne pouvait pas ignorer le malaise et les protestations de l'alezan. J'expliquai les bienfaits du pneumatique et du caoutchouc au moine qui n'en perdit pas une parole. Alors que nous arrivions au village, il me demande de m'arrêter.

— As-tu du pneumatique en réserve ?

J'avais quatre roues de secours. Il sembla satisfait, me demanda de les préparer. Il voulait qu'on les installe sur la carriole. Il s'empara de l'écritoire puis disparut en direction du village. Je dégageai deux roues qui étaient fixées sur le toit, et je me glissais à l'arrière du véhicule, me lovai dans un duvet. Je vérifiais la pagination du carnet de van der Reynet. Ce que m'en avait dit mon ami était vrai. Le temps passait. Je relus une fois de plus le carnet. Je ne sais pas si j'avais toujours envie de rencontrer le savant mais l'idée de voyager avec le moine m'excitait. Celui-ci apparut enfin. Il était accompagné par quelques paysans. Sans un regard pour moi, il dirigea les opérations.

Ils firent descendre le cheval, détachèrent la carriole, chargèrent les roues qu'ils regardèrent avec un grand étonnement le futur. Tirant et poussant, ils repartirent en direction du village. Le moine avait agrippé son écritoire.

Le soleil était déjà bien haut quand la petite troupe revint. Les roues de secours de la Landrover équipaient la carriole. Ils la laissèrent à quelque mètre de là, congratulèrent chaleureusement le moine chargé de provisions et de son écritoire. Nous avons de nouveau attelé la carriole et fait monter le cheval qui rechigna tant et plus. Et nous avons repris le chemin.

— Ils m'auraient donné leurs âmes les cons. C'est peut-être la mienne que j'ai perdue. Chienne de vie. Tu sais frère, ce que j'ai fait ?... J'ai rédigé toutes leurs réclamations. Pour le Bon Dieu, pour le curé, pour le comte, l'évêque, le pape, le fermier général...

— On appelle cela des doléances.

— Très juste... Ils n'auront pas de réponse. Aucune. Mais on ne leur fera aucun mal. Ils vont mettre les argousins sur les dents. Qui donc a rédigé ces dolérance ?...

— Doléances !

—  Très juste... Le cureton capelan ? … Le seul qui sait à peu près écrire ?... C'est pourquoi on l'a mis dans le paquet. Remarque, il le mérite. C'est une teigne  vicelarde ! … Il menace de l'enfer toutes les pucelles… Bien... Tu vois le truc !...  Gerberifiant ! …  Gaffe le canasson ! À la bonne heure !

En effet, les pneumatiques amortissaient convenablement les aspérités du chemin, pour autant que je ne roulais pas trop vite.  Dans l'habitacle nous restâmes alors silencieux.

37. Les dernières pages de l'auteur

J'étais quelque peu vexé du fait que le moine ne montrait aucune curiosité pour le camion. Il regardait de temps en temps, passivement et sans émettre le moindre commentaire le tableau de bord. Je lui en fis la remarque. Il me répondit qu'il ne saurait comprendre le centième de mes explications. Il ne fallait pas que je m'inquiète. Rien ne lui échappait, il préférait s'emplir d'images, d'odeurs qui sont des puanteurs, de sons et d'impressions, plutôt que d'un vocabulaire inassimilable en ses horizons.

— Cette machine est un rêve, mon frère… contrairement à ce que tu peux croire, mon esprit est bien confus. Vois-tu compère, dans l'infinité de l'univers et la pluralité des mondes, il doit se trouver bien plus de merveilles qu'on ne le suppose. Il ne nous reste alors qu'à fermer le bec et à observer, nous emplir les yeux et les oreille, même si on n'a rien à chialer.

— Dis-moi, frère, ne commets-tu pas une erreur en rejetant Dieu ? Quels repères pouvons-nous avoir alors ? Je sais que la question est complexe. Si tu dis que le monde est infini, Dieu comme début de tout devient une idée absurde. Mais en même temps il s'impose comme une nécessité. Comme origine permanente de toute chose. Il n'y a plus d'avant Dieu ni d'après. Mais il n'y a plus d'avant le temps et d'après. Et si le temps n'a pas d'origine ni de fin, il se pourrait très bien que nous n'existions pas.

— Oh là là ! Serais-tu à ce point paumé, frère ? Ce n'est pas le temps qui prouve que tu existes. Mais le fait que tu travailles de la citrouille. Et plus exactement que tu es capable de te prendre une gamelle. Je ne dirai rien de la nécessité de Dieu. C'est une pure injure. S'il y a une chose qui ne doit servir à rien, c'est bien Dieu. On se sert d'une casserole, de ta machine pour aller plus vite que mon cheval, de sa bitte pour baiser. Mais un Dieu ne peut pas être utile ou inutile. Moi, j'y crois, en Dieu, justement depuis que je vis dans un univers infini peuplé de mondes divers. Mais pour bien d'autres raisons que celles de l'utilité. Question utilité, chacun voit midi à sa porte. Ce qui est répugnant est que Dieu n'est plus une question de croyance, mais de vie ou de mort. Comment imaginer que Dieu, être de bonté de pardon de tolérance veille sur un monde aussi merdique… qu'il faudrait vivre dans la crainte de sa colère et de ses jugements ? C'est père fouettard ça, pas Dieu ! … Tu as le droit de ne pas y croire mon frère, ou de croire en un autre Dieu. On a tellement roué, meurtri, tué à cause de telles conneries que le mieux, pour les inquisiteurs, serait de taire leur gueule, de prouver par leur silence et actes de grâce l'existence du Bon Père.

— Tu penses donc qu'il faut séparer la question de l'Église et de la religion ?

— J'allais de le dire bouffi. Oui et non. Mais l'Église doit être organisée autour de Dieu, et pas l'inverse. On ne devrait pas trouver de bonimenteurs entre Dieu et les êtres de chair et sang et âme. Ils mentent en disant que Dieu est en nous. Ainsi, ils peuvent prétendre que Dieu est un peu plus en eux qu'en les autres. Et ping ! Je t'envoie un coup de goupillon sur la tronche, et pan ! Un coup de crucifix dans la poire. Tu imagines tout ce bordel au Paradis frère ? Mais j'arrête mon boniment... Je fais comme eux… Non, on peut croire aussi au goupillon et au crucifix... Mais ceux qui s'en servent comme des armes n'y croient pas. Et ceux qui dans les salles de torture de l'Inquisition font bouffer le zob des prisonniers par des araignées géantes ne croient pas non plus à Dieu.

— Je partage en partie tes propos frère. Sauf tes moqueries qui sont franchement irrespectueuses pour ton prochain. Tu sais, tes paroles sont violentes. Mais tu as dit…

— Tu me laisses ta place, frère ? Allez !

— Je crois que le problème est profondément affectif. On aime le prélat même s'il nous assomme d'impôts et d'injustices. Parce qu'il est une autorité. Il montre le chemin de Dieu. C'est sa propre indignité qu'il faudrait montrer, et la minceur de ce qui fonde son autorité. Dieu, s'il est ce qu'on dit, ne peut pas être enfermé dans des livres de loi. Il doit trouver la liberté dans nos cœurs.

Il s'est installé au volant. Il avait en effet bien observé.

— Je ne comprends rien à ce que je fais. J'imagine dans toute cette mécanique des choses qui peuvent pour moi avoir quelque logique. Mais je peux te dire que c'est plus docile qu'un canasson… Tu parles d'or frère. Mais personne ne te croira. Les parents peuvent toujours battre leurs enfants comme plâtre. Ils en seront encore aimés. Mais ton idée du Dieu enfermé dans les livres de loi me plaît. Quoique tu oublies les prophètes qui ont pris langue avec Dieu en personne. Mais là encore, tu me diras qu'on ne le sait que par l'enfermement des livres. Le problème de l'univers infini, est qu'il déplace, comme tu l'as fait remarquer le point d'origine. Radicalement, puisqu'il le fait disparaître. Mais aucun argument ne me fera accepter l'opinion vulgaire qui dit que les étoiles sont équidistantes de nous, qu'elles sont comme clouées et fixées sur la huitième sphère. Je vais encore blasphémer. Il est égal que Dieu ait soufflé sur de l'argile ou du singe. Mais je juge indigne de la bonté et de la puissance divine qu'elle puisse se contenter de produire un seul monde fini. Et je dis que Dieu est totalement infini, parce que tout de lui se trouve dans le monde en son entier et dans chacune de ses parties, infiniment et totalement. En clair, je crois qu'il n'existe pas d'artisan qui préside d'en haut, et qui de l'extérieur ordonne et façonne tout.

— En conséquence, tu penses qu'en tant que créatures de Dieu, nous devrions travailler à la libération de toutes nos facultés, plutôt que de nous rouler dans la honte d'être si peu de choses, et que vouloir atteindre la sainteté par les conduites codifiées de l'ascèse, nous péchons par un orgueil démesuré ?

— Ce sont des conséquences. Contentons-nous de vivre comme des humains. C'est à ce mot humain qu'il faut donner le sens cosmologique...

Nous sommes tombés en panne d'essence. Les orages fracassaient la campagne. J'ai vidé le contenu des jerricans dans le réservoir sous une pluie battante. Nous étions presque arrivés. Il nous fallait être prudents. Le rideau de pluie et de grêle ne permettait pas de voir à plus de deux ou trois mètres devant nous. Nous ne pouvions nous empêcher de penser que la colère divine se mêlait à notre conversation. Mais le moine me dit qu'il ne pouvait y avoir de colère divine, et je savais que nous atteignions l'épicentre orageux de la planète. Nous étions trop bien partis à reconstruire notre vision de l'univers pour nous arrêter en si bon chemin, si j'ose dire. Je demandais à mon compagnon comment il envisageait la fixation des étoiles. Ou plutôt, comment il expliquait qu'elles ne nous tombent pas sur la tête. Nous devions crier pour nous entendre. Des gerbes d'eau boueuse jaillissaient autour de la Landrover.

— Il faut envisager quelque chose. Du mouvement et de la masse. Des forces à la fois attirantes et repoussantes. C'est pour cela que ça tourne, toujours autour d'une plus grosse planète. As-tu remarqué ?

— Moi je le sais. On l'apprend à l'école !

— Conard ! explique alors !

— Mais tu as tout dit !

— C'est pas vrai !

Et dans un bruit épouvantable, le camion se bloqua. Quelque chose avait cassé. Il n'était pas bien tard, il faisait pourtant très sombre. La pluie battante mouillante rinçante glaçante n'arrêtait pas de battre mouiller rincer glacer. Je me déshabillai et sortis inspecter les dégâts. Nous avions perdu une roue. L'essieu était brisé. Nous étions arrêtés au bord d'un précipice. Avec la pluie je ne m'étais pas rendu compte que nous étions dans les montagnes. Le moine, nu également, m'avait rejoint. La pluie redoubla, accompagnée d'éclairs. L'univers ne tonnait plus, il beuglait. Le moine eut une idée. Il attela le cheval au-devant du camion, et détacha la carriole. On coupa la corde à la hache, tant elle était trempée et raidie de tension.

— À rien fichu depuis des heures. Il est reposé. En plus, ça le réchauffera. On va où ?

— Droit sur les orages !

— Monte, on se relaiera.

Nous sommes ainsi arrivés au Castenet, sur trois roues, avec le cadeau céleste d'une belle éclaircie. Nous nous sommes arrêtés à un ou deux mètres au-dessus des toits de deux petites maisons aménagées sur un terrassement à flanc de montagne. Le moine, nu, partit aussitôt aux champignons.

Une des maisons était une sorte de cuisine. L'autre, un séjour salle à manger fourre-tout. Je sortis de mon sac des vêtements secs, et je me rhabillai. Dans la cuisine, il y avait de l'ail, du persil frais, de la crème fraîche. Je préparai tout ce qu'il fallait pour accommoder les champignons. Puis, je m'installai dans la salle commune. Sur la table il y avait un cahier ouvert. La première phrase que je lu prétendait que Van Der Reynet avait fait deux erreurs. J'ai littéralement bu chaque mot de ce texte. Plusieurs fois. Je compris que nous étions attendus. J'étais encore perdu dans le cahier que je relisais peut-être pour la dixième fois quand le moine fit irruption.

— Incroyable, hurla-t-il, pas un. Il n'y a pas un seul champignon. Il va m'entendre le camisard de mes deux. Il m'avait promis une fricassée du tonnerre de Dieu… J'ai rendez-vous… Pour rien au monde je ne veux manquer ton van der Reynet. À plus tard frère.

— Comme je ne répondis pas, il s'approcha de moi. Il posa la main sur mon épaule ; y appuya une légère et amicale pression.

— Écris, ne te casse pas le chou. Laisse aux autres le soin de comprendre les signes. On parle de Dieu, de l'univers, de la pluralité des mondes. Mais le monde est avant tout le nôtre. Notre point de vie et d'observation. Il est peuplé de gens qui n'ont pas que du vent dans le ciboulot. Je ne sais pas si nous ne sommes que des animaux comme les autres. Mais je sais que notre âme est mortelle. La nôtre, la petite. Mais l'âme de nous tous ensemble avant et après est immortelle et loin d'être con. Écris mon frère, oublie mes sucreries, et ce soudain manque de virilité. Laisse courir la liberté de ta plume. N'évacue rien. Ce qui est à comprendre sera toujours compris. Tu veux mon écritoire ?

— Alors très vite, tout d'un trait, à partir de la première page blanche libre du cahier, tout de suite après la confession d'Andrée Aline Pouffe que je venais de lire si attentivement, j'ai écrit librement et vite. Ce récit que j'ai chevé avant le retour de Bruno.

38. La confession d'Andrée d'Aline Pouffe

Fin du premier cahier retrouvé au Castenet

Van der Reynet sans le savoir a fait deux erreurs. L'histoire de la momie à Lyon, et son marché avec les crabouillots du Tumbuktu. Ressusciter une momie vieille de quatre mille ans ce n'est pas rien. Quelqu'un a eu la puce à l'oreille, notre service a fini par être alerté. En raison de ma formation, je me suis tapé la surveillance rapprochée. Du gâteau. J'ai pu me faire embaucher comme assistante dans son labo.

Une première enquête de surface a confirmé nos craintes. Dès son arrivée à Paris, il a occupé un appartement appartenant indirectement à la CIA. Le contrôle bancaire a révélé des virements réguliers depuis une société appartenant aux services de renseignements américains : la Trans American Psy International Enchanced. Une seconde série de virements apparaît. Celle-là provient de son employeur. On s'est tordu de rire quand on a remarqué que la Trans American Psy International Enchanced déduisait de ses virements la somme exacte de ce qui lui était versé par le laboratoire. Ils sont aussi radins qu'ici. Après six mois, les virements américains ont retrouvé leur valeur initiale. On a noté également un chèque mastoc émis par un cabinet notarié de Salem. Il constitue certainement le produit d'un héritage ou de la vente d'un bien. Il y a aussi d'autres chèques importants qui sont sans mystère : ils sont émis par des musées, des collectionneurs connus, des galeries im-portantes. Il est en ordre avec le fisc. Seulement, il y a les cent briques provenant d'un compte du Tumbuktu. C'est sa seconde erreur.

Pour nous, le Tumbuktu est intouchable. C'est la chasse privée des pétroleuses comme on appelle ici les services spéciaux liés aux compa-gnies pétrolières. Et là, ça cogne plutôt dans le mercenaire, la légion, ministres et président. J'ai moi-même participé à l'installation de Ga-damair. Un fouille-merde a mis le nez par terre. Il a reniflé l'odeur de l'huile. On s'est fait tous virés du coin. Pour y mettre son propre nez, van der Reynet risque ses plumes. Surtout si son idée de champignons pompeurs n'est pas une blague.

J'ai deux bonnes raisons d'exécuter van der Reynet. La première est que je n'ai pas envie de passer pour sa complice aux yeux des pétro-leuses. La seconde est que j'en suis amoureuse.

J'ai techniquement plusieurs atouts pour le faire. D'abord je suis en service, je peux l'approcher sans difficulté, j'ai une arme qui porte les empreintes de l'autre.

J'ai plusieurs raisons de ne pas tuer van der Reynet. Il est un cher-cheur génial, il est généreux. Les notes qui nous sont parvenues du Castenet sont élogieuses pour lui. Ce n'est pas un espion. Je l'aime.

J'ai aussi des raisons pour patauger dans le merdier. Les petites re-cherches privées entreprises avec Angela et Djena, dont il est toujours interdit d'écire les noms de famille, ne sont pas idiotes sur le fond. Il s'est d'ailleurs passé quelque chose de positif la dernière fois à Gadamair. Par chance Uways n'y croit pas (mais je le soupçonne de savoir pour le pétrole. Pas aussi gâteux qu'il en a l'air). Il insiste pour que j'arrête l'expérience. Promesse ou pas promesse, je peux en sortir sans perdre la face. Ses arguments sont convaincants, mais l'histoire de sorcellerie me fait peur. J'avais dit « Cochon qui s'en dédit. » Elles s'étaient marrées (« on ne dit pas ça à des musulmanes… de toute façon tu as un œil ».) Je ne suis jamais arrivée à savoir ce que ça voulait dire. Mais cet œil me tracasse. J'aurais tout de même dû attendre avant d'embarquer l'autre dans cette histoire. Je ne le sens pas (je ne l'attire pas non plus.)

Le mieux était d'aller voir Van Der Reynet au Castenet et d'aviser sur place. L'idée m'est venue tout d'un coup, quand l'autre est reparti prendre son avion. J'ai aussitôt téléphoné à l'hôtel de Tumbuktu. Ils m'ont dit que Van Der Reynet était parti. Je demandai qu'on porte mes bagages à l'aéroport, et si possible qu'on les fasse enregistrer pour le prochain vol en direction de Paris. J'ai promis d'envoyer un chèque pour régler la chambre. Uways me regardait ahuri. « Andrée, dit-il, tu as un œil. » J'ai failli m'évanouir. Uways me regarda plus attentivement. Il jura… puis il souffla encore plus ébahi « Ca marche Aline ! … ça marche à moitié. » De quoi parlait-il ?

Van der Reynet était déjà au Castenet. Il m'accueillit visiblement avec plaisir. Nous nous sommes assis, face à face dans le séjour. J'ai sorti le revolver de mon sac (les contrôles aux aéroports sont nuls). Je l'ai braqué (j'avais pris soin de ne pas ôter mes gants). Je lui ai dit que j'avais un grave problème. Il m'a répondu que tout finit toujours par entrer dans le désordre, qu'il suffisait d'un peu de volonté. Il a avancé sa main, il a pris doucement l'arme de la mienne, l'a enfouie dans une de ses poches. Je n'avais pas retiré la sécurité. Il le fera disparaître à la première occasion. Il m'a demandé de lui exposer le problème. J'ai vidé mon sac. Il resta quelque temps silencieux, murmurant de temps en temps qu'il y a toujours d'autres solutions. Il me regardait intensément. Il me demanda si on pouvait se tutoyer. Il ne me donna pas le temps de répondre, a dit, subitement, que j'avais un œil, que c'était embêtant. Mais il a conservé son calme serein. Cela lui paraissait assez banal. Sans me quitter des yeux, il s'est concentré. Intensément. Il murmurait, mais trop faiblement et trop rapidement pour que je comprenne quelque chose. Son calme, son regard vrillé sur le mien, tout en lui me rassurait, car je n'étais pas très rassurée.

Il soupira profondément. La sueur perla sur son front, ses mains tremblèrent. Il ferma les yeux. Il voulait qu'on boive un bon alcool de morilles. Je n'avais plus l'œil, il avait sacrément besoin de souffler. Il avait eu très peur pour moi. L'œil est un des plus terribles sortilèges de la sorcellerie blanche. Il pensait que j'étais à deux doigts de sombrer dans l'incroyable. Heureusement, il possédait quelques très anciens se-crets de famille encore efficaces. Seul un homme blanc peu commun avait pu me poser cette saloperie. Quelqu'un pour qui le passé et le présent n'avaient aucun sens. Quelqu'un qui vivait indifféremment dans les temps de ses souvenirs, qui avait la faculté de se fondre dans les reflets des choses, de se faufiler dans les interstices des rêves. Le pire est que ce genre de personne était peu repérable, tellement elle était d'apparence et de manières communes.

« Vous parlez de Satan ? » m'écriais-je. Cela le fit tellement rire qu'il s'étrangla avec son alcool de morilles.

Il ne fallait pas croire à ces choses. Le rêve et la volonté peuvent agir. Pourquoi a-t-on décidé, voilà bien longtemps, de rendre la confession régulière et obligatoire ? Pourquoi les curés veulent-ils connaître nos rêves ? Tout simplement pour les utiliser à leur propre compte. C'est comme les miracles. Il ne fallait ni les nier ni y croire. L'espérance agissante fait partie de l'ordre naturel et rationnel de l'univers. Il y a seulement des gens plus rêveurs, plus volontaires, plus espérants que d'autres. Avec quelques techniques simples, ils peuvent acquérir de réels pouvoirs. La prière, les formules magiques sont une partie de ces techniques. Le sens de leurs mots n'a pas d'importance. Mais leurs sonorités, leur métrique, leur rythme permettent d'approfondir des concentrations particulières qui aident l'imagination à agir sur les choses.

La seconde chose importante est l'infinité des choses et la pluralité des mondes qui multiplie cette infinité.

Les savants travaillent surtout en imagination expérimentale. Ils proposent des hypothèses et vérifient par l'expérience le bien-fondé de leurs idées. Ils ne règlent pas ainsi le problème de la réalité, parce qu'ils travaillent avant tout sur des images. Or, si les choses sont infinies, leur image est au contraire partielle et finie. L'hypothèse basée sur une image en acquiert la qualité. Ainsi, ils expérimentent des images sur la réalité. Ils n'atteignent les choses qu'en surface. Certains de ses ancêtres ont prétendu qu'une image pouvait être fidèle à la réalité. Il pensait qu'ils s'étaient fourvoyés. Une image n'est jamais fidèle parce que tout se reflète en elle. Dans une image mentale, il y a toute la mentalité. Et dans l'image d'un objet réel, il y a le reflet du regard de l'observateur. On ne peut pas s'attaquer à un problème précis en trimballant toute son histoire, son savoir, sa morale. Là aussi, il faut jouer de concentrations particulières. L'infini, pour la pensée, c'est le vide. Je devrais le comprendre, moi qui avais une formation de biologiste.

Je comprenais parfaitement. Et je comprenais pourquoi j'avais en grande partie échoué au laboratoire de Gadamair (à moitié, Uways avait bien vu). Nous voulions régler des problèmes affectifs ou moraux, affermir des liens d'amitié, là où il n'y avait qu'une recherche de trans-mutation biologique. J'ai dit à Van Der Reynet que je le comprenais. Que je comprenais qu'il arrivait à suffisamment vider sa pensée pour pouvoir entrer en plein dans l'infini de ses champignons. Mais que lui restait-il comme temps, envie, énergie pour explorer l'infinité féminine ? Il répondit qu'il nous restait l'éternité. Qu'il fallait se mettre im-médiatement au travail. Qu'il y avait toujours d'autres solutions.

Il supposait que c'était moi qui avais chapardé son carnet à Tumbuktu. Je voulais le lui rendre, mais au dernier moment, je l'ai oublié. J'étais un peu penaude. À ma surprise, il dit que c'était parfait, parce qu'ils al-laient tous rappliquer. Plus il y a de monde, plus ça ressemble à un monde, plus on approche de l'infini. On devait très rapidement at-teindre un haut niveau de concentration préliptique, afin de pouvoir établir un plan capable de nous ouvrir une éternité confortable.

Pour commencer, il me baisa sur la table, en m'expliquant son plan. Je sus qu'il était parfaitement fou, qu'il n'y avait pas de temps à perdre et qu'on réussirait.

39, Une jeune fille a écrit dans le second cahier... et puis plus rien.

J'aime bien commencer un nouveau cahier. Je m'applique toujours aux premières pages. Je forme bien mes lettres, je suis attentive à ne pas faire de fautes d'orthographe ou de grammaire. Je soigne mon style. Après quelques pages c'est de nouveau cochon.

Ce sont les parents qui ont piqué l'ancien cahier. Je sais même où ils l'ont caché : dans la cheminée. On croyait que c'était le fils de Luc, notre plus proche voisin. Un petit crétin qui fait caca dans notre piscine. Après il faut la vider, la nettoyer, la remplir de nouveau. Personne n'est content, il n'y a pas de volontaire. Et cela provoque des problèmes avec l'eau. On n'a pas été sympa avec lui. Il faut qu'on s'excuse. Avant de partir avec monsieur Véliquette, je mettrai notre cahier avec l'autre, dans la cheminée.

La semaine dernière on a fait des gâteaux pour la fête du village. La vente a rapporté huit cents francs. On est devenu des vedettes. Avant-hier on a été invité (seulement les filles) par le maire à un repas réservé aux bénévoles qui ont assuré le succès de la fête. Et quel succès !!! En rentrant, j'étais complètement saoule. J'ai bu un verre de vin entier. Les mecs me regardent de plus en plus. J'aime. Super et tout.

Aujourd'hui on est encore de cuisine. Les parents sont allés à Ganges à la rencontre de leurs amis. On sera au moins vingt à table. Heureusement qu'on a les marmites de mamie. On fait un bœuf bourguignon. On s'est vachement enguirlandé à ce sujet. Stupide. Pérou dit qu'il ne faut pas faire revenir la viande. Que ça la durcit. Il faut tout de suite mettre en cuisson, et attendre pour saler. En plus elle n'est pas contente parce qu'on a oublié d'acheter la couenne. En vérité on n'a pas oublié. Mais la dernière fois la couenne sentait tellement le brun qu'on l'a donnée au maçon pour son chien. Moralité, on fait deux bourguignons. Nica et Pérou se sont encore disputées. J'ai dit que celui de Nica était meilleur (elle m'a promis de me passer son vieux cédérom de Ladora Black). Pérou trouve que c'est glauque, mais elle est jalouse quand même. Elle a dit que j'avais un parti pris intéressé. C'est peut-être vrai, mais je trouve quand même le bourguignon revenu-salé-tout-de-suite meilleur. Chili a dit que c'était bien plus bon et que maman le faisait toujours comme ça. Pérou dit que c'est à cause de la couenne. Nica lui a répondu des gros mots. Je ne les écris pas parce que Chili lit le cahier (de toute façon elle en dit plus que nous et a tout entendu). De toute façon (bis), le moine ne peut pas dire trois mots sans un gros. Et quand je dis gros, c'est vraiment gros, très vulgaristère.

Ils sont maintenant tous à se saouler le nez sur la terrasse. Les parents sont un petit peu beauf. Pétanque, pastis, foot (à la télé). La table est mise. On leur a crié sur tous les tons de venir se mettre à table. Ils ont répondu (papa ?) que la viande morte devait mijoter et la vivante cuver. Salut le niveau. Très drôle. Ah ! Ah ! Ah. Nous on a mangé.

Depuis que papa a vendu la maison, ils sont quand même plus cool qu'avant. Ils ne se prennent plus pour des super maçons (dans quel état ils ont mis la maison) ou des menuisiers d'élite (aucune porte ne ferme). On fait plus de choses ensemble. Mais nos toilettes n'ont toujours pas de murs autour ! L'américain était vachement sympa. Il savait plein de choses. On pouvait même lui téléphoner quand on avait des problèmes avec les maths ou la chimie. En plus, ça ne changeait rien pour la maison (sauf qu'il squattait la cuisine). Dommage qu'il soit mort. C'est pour ça qu'on est tous là ce soir.

Ils ont fini par se mettre à table. Ils sentent le pastis et se tordent de rire à la moindre bêtise. On ne les connaît pas tous. Sauf monsieur Véliquette et son ami qui écrit des livres sur la peinture. Enfin, ils ont l'air d'être amis. Et bien sûr, on connaît les parents et les habitués.

Fopanar est un Africain. Il est marrant. Mélisse, sa femme, est une petite blonde qui se frotte à chaque occasion aux mecs. La copine de papa fait un peu la tête. Si j'ai bien compris, Uways, un autre Africain, est professeur de philosophie. Il raconte toujours des histoires extraordinaires. Mais c'est trop compliqué à écrire. On a fait des cassettes. Il y a aussi une femme bizarre que je ne peux pas décrire. Elle est à la fois blanche et noire et elle n'est pas la même des deux côtés. Chili l'appelle Deucentime parce qu'elle dit qu'elle est comme une pièce de monnaie. Elle me fait un peu peur. Elle me regarde curieusement quand j'écris dans le cahier. Papa nous a dit qu'elle s'appelle Andrée Aline Pouffe (de rire a dit Chili). Mais le prof de philo l'appelle Djena, et Fopanar dit Angela. C'était la fiancée de l'Américain. Tout le monde est très gentil avec elle. Enfin, tout ça est un peu foldingo.

À un moment, ils sont devenus vraiment sérieux. Ils se sont assurés que tout était au point. Notre départ avec monsieur Véliquette dans la Citroën. L'enlèvement des autres voitures. Ils ont longtemps discuté à propos de la voiture tout terrain de l'ami de monsieur Véliquette. Ils la laissent là. « Ce sera un signe mes frères », a dit le moine. Il appelle tout le monde mon frère, mon fils, ma fille. Gonflant à la fin. Mais il est gentil. Incroyable comme il connaît l'histoire du dix-septième siècle. Papa dit que c'est normal, parce qu'il y a vécu. Complètement fêlé. Je crois que papa est un peu jaloux, parce qu'il parle moins bien latin. Ils ont aussi parlé du déménagement. Fopanar a regardé Deucentime. Il lui a demandé si elle se sentait bien. Elle lui a répondu que ça ne pouvait aller mieux. Mélisse s'en est mêlée. Elle a dit que ce n'était pas très sympa de partir à la cloche de bois (?) sans payer sa chambre d'hôtel. On n'a rien compris, mais Deucentime a fait un chèque. Fopanar a voulu l'arrêter, mais sa femme a dit : « Pas question. » Puis la fête a continué tard dans la nuit. On a dansé et on a regardé les étoiles filantes. C'est Uways qui a donné le signal. Il a levé son verre et a dit (il a même roté comme un cochon) : « Un avant-dernier verre ici et le dernier sur la tombe de van der Reynet. Debout ! les ivrognes, vive la philosophie, la cirrhose et l'Afrique. Je suis pété au point de ne pouvoir me conjuguer. »

Ils sont tous partis à la queue leu leu. Pour le style ils ont pris des bougies plutôt que les lampes de poche. Bonjour les tarés. Le vent a tout de suite soufflé leur lumière. On a pu suivre leur progression à l'oreille. Ils riaient fort. On entendait aussi les cliquetis des verres et des bouteilles. Ils juraient aussi quand ils se tordaient une cheville ou trébuchaient contre une pierre. Leur tintamarre s'est atténué, puis, après le lacet du chemin, ils ont été à nouveau tout proche. Ils passaient juste au-dessus de la maison. Le bruit déclina de nouveau, leurs voix se mêlèrent indistinctement au bruissement des feuilles sous le vent. Puis plus rien d'autre que le son de la nature ne nous est parvenu.

Nous sommes restées longtemps silencieuses. Monsieur Véliquette a dit qu'il fallait aussi se mettre en route. Chili a battu des mains. Elle a pris son air idiot avec la tête penchée sur le côté, elle ne parle que comme ça. En plus en remuant les fesses. Elle a regardé monsieur Véliquette et a crié joyeusement : « Chouette alors ! On va être dans un tableau ? » Monsieur Véliquette a souri et a dit : « Tu as tout compris. »

Le second cahier trouvé au Castenet s'achève ainsi.


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Mercredi 15 Mars, 2023