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20 novembre 2019 —— Jean-Marc Warszawski.

Le chant de la mine, oratorio d'Eugène Bozza et José Bruyr

Eugène Bozza, Le chant de la mine, sur un livret de José Bruyr, Orchestre Valentiana, Zoé Gosset (soprano), Sarah Laulan (contralto), Sébastien Obrecht (ténor), Daniel Ottevaere (basse), Didier Kerckaert (récitant), Atelier choral de Valenciennes, chorale des mineurs polonais de Douai, chœur des classes CHAM du collège Carpeaux de Velentiennes, sous la direction de Nicolas Bucher. Indésens 2019 (INDE 120)

Enregistré en prtie en concert public, les 11-13 avril 2018, au Phénix à Valenciennes.

Pour moi, Eugène Bozza, c’était le grand tableau instrumental qui de manière synthétique, donnait les ambitus, les harmoniques, les registres habituels et les difficiles, la notation, de tous les instruments de l’orchestre, y compris les percussions.  J’y avais fait une grosse tache d’entre dessus avec ma plume à cinq branches à tracer les portées. Je l’ai prêté à un ami qui a dû croire que je le lui donnais. Jusqu’à la réception de ce disque, je n’avais pas imaginé qu’Eugène Bozza avait été compositeur, de la même manière que Marcel Bitsch est en général uniquement identifié à son traité d‘harmonie.

Eugène Bozza est donc compositeur, premier Prix de Rome en 1923, non sans quelque contestation malveillante qui occupa la presse musicale de l’époque. Il  été durant une dizaine d’années chef d’orchestre à l’Opéra-Comique de Paris, puis directeur du Conservatoire de Valenciennes de 1950 à 1975. Il a composé des opéras, des symphonies, des messes, des œuvres chorales, beaucoup de musique de chambre, où les vents sont à l’honneur, Nord de la France oblige.

Son librettiste, José Bruyr, poète et important musicographe ayant écrit de nombreux ouvrages et articles sur la musique et les musiciens, une histoire de la musique, participé à des institutions pour la promotion des microsillons. Avant d'écrire le livret du Chant de la mine, il a déjà collaboré avec Eugène Bozza pour un opéra-comique créé à Lille en 1953 : Beppo ou Le mort dont personne ne voulait.

Eugène Bozza, enfant de Nice est devenu un homme du Nord, où il a retrouvé les mêmes bassins miniers qui existaient en Provence. Ce chant de la mine est un touchant et puissant hommage au travail des mineurs, un travail  dur, dangereux,  dégradant la santé, et indispensable, d’autant plus en cette époque de reconstruction d’après-guerre, mais où le mépris pour les ouvriers n’était pas aussi ouvertement affiché jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. Ce cédé tombe donc à pic de mineur.

Sans remonter jusqu’au coup de poussière qui fit plus de mille victimes en 1906 à Courrières, on peut rappeler  quelques accidents entre l’arrivée d’Eugène Bozza à Valenciennes en 1950 et la création de son oratorio en 1956 :

7 février 1951, coup de poussière à Bruay, 11 morts ; 12 août 1952, coups de poussière à Lourches, 9 morts ;  janvier 1953, éboulement à Mazingarbe, 2 morts ;  20 juin 1954, coup de grisou à Divion, 10 morts.
Il s’agit d’un oratorio profane avec récitant, solistes, chœur et orchestre. Il fut créé à Valenciennes en mai 1956, avec 700 choristes et la partition fut rapidement archivée jusqu’à  ce que l’orchestre Valentiana, du Conservatoire Eugène Bozza de Valenciennes, fêtant ses trente ans, la ressorte du tiroir.

Très bien écrit, dans une langue populaire raffiné, il est un résumé de la vie des mineurs, depuis la genèse de la formation du charbon, enfoui sous l’activité des Hommes… La chaleur et la lumière ! « Mais comment l’auraient-ils su ? »... Et son avenir, avec un jeune mineur qui se retrouve à travailler dans la fosse où son père son père a disparu avec treize de ses compagnons, qui fut, lui, le seul corps qu’on ne remonta pas. La cohérence du livret facilite le collage musical.

La musique très illustrative, agencement de clichés ou d'effets évocateurs travaillés, est immédiatement efficace. On peut y retrouver le mécanisme industriel des constructivistes russes (mais cela tombe un peu sous le sens pour évoquer les gros mécanismes des mines, c'est aussi une des caractéristiques du style du compositeur), l’impressionnisme debussyste, le glas et même le silence, le Dies Irae en guise de prière des morts, les flonflons de la ducasse et des scènes simultanées, des wagnérismes, une magnifique version du P’tit Quinquin, berceuse, hymne du Nord, et hommage à la vie ouvrière, avec un chœur massif, souvent en coryphée, scandant l'action (Bozza a créé à la radio en 1947, Léonidas, une « fresque antique »).

Une magnifique réalisation, musicalement et humainement touchante, où l’on regrette que le livret accompagnateur soit si indigent, sinon un court texte de René Dumesnil publié dans le Monde le 16 février 1960 !

Eugène Bozza, Le chant de la mine, appel au public (plage 1)

 

Biographie d'Eugène Bozza

 Jean-Marc Warszawski
20 novembre 2019

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Mercredi 20 Novembre, 2019 3:22