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Paris, Salle Gaveau, 25 novembre 2019 —— Frédéric Norac.

Diva à la russe : Hibla Gerzmava aux Grandes Voix

Hibla GerzmazaEkaterina Ganelina et Hibla Gerzmava, Salle Gaveau. Photographie © musicologie.org.

Dans le cas de Hibla Gerzmava, l’appellation de « grande voix » n’est pas usurpée. Révélée au public parisien dans Vitellia de la Clémence de Titus en 2011 puis dans la deuxième distribution de Don Carlos en 2017 où elle succédait à Sonia Yoncheva, c’est une autre facette de son talent, celui d’une « récitaliste » accomplie, qu’elle offrait au public de la Salle Gaveau. La première partie de son programme la montre capable de créer en quelques fractions de seconde le climat juste de chaque mélodie dans un programme couvrant l’histoire de la romance russe de Glinka à Rachmaninoff en passant par Rimsky-Korsakov et Tchaikovsky, c’est-à-dire du « classicisme » d'inspiration occidentale des années 1830 au néoromantisme le plus slave, avec un sens de la nuance et une expressivité sans cesse renouvelée. Si l’on regrette de ne pouvoir apprécier dans toute sa richesse ce travail d’orfèvrerie vocale, faute de comprendre la langue, la variété des couleurs et des sentiments suffit à combler l’auditeur.

Sa voix de grand lyrique paraît d’une inépuisable puissance avec un médium soyeux, des pianissimi pleins de sensualité et un registre aigu triomphant et un rien métallique, à la Russe. On est séduit dans les Glinka, charmé avec Rimsky, fasciné par le lyrisme de ses Tchaikovski, ébloui par le raffinement des Rachmaninov et ce, d’autant plus que le piano d’Ekaterina Ganelina joue de pair avec la recherche de perfection de la chanteuse.

La deuxième partie du concert nous emmène du côté de son répertoire lyrique avec trois grands airs italiens  (Donizetti, Verdi, Bellini), intercalés à des mélodies françaises (Reynaldo Hahn et Fauré) auxquelles manque un vrai travail sur l’articulation, qui reste décidément bien floue, et qui au mieux servent à reposer la voix entre deux performances. Ici encore la voix, sa richesse et sa puissance impressionnent, mais on est un peu plus réservé sur le plan de l’interprétation : la scène finale d’Anna Bolena souffrirait un peu plus d’intériorité et de clair-obscur et n’existe surtout que dans la performance vocale. Si Leonora de La Force du destin, rôle essentiellement spinto, lui convient mieux et la montre dans le plein épanouissement des ses moyens et de sa musicalité, avec le « Casta Diva » de Norma on frôle les limites d’une voix qui peine à trouver l’intonation juste dans la première strophe de la cavatine et à s'alléger la voix dans les vocalises de la cabalette, mais nous sommes en bout de récital et la fatigue commence à se faire sentir, surtout dans un air aussi exigeant. Il n’importe le public conquis lui fait un triomphe et la chanteuse offre généreusement trois bis : une romance napolitaine « Non ti scordar di me », un air d’inspiration folklorique russe plein de gaieté et de vivacité et un splendide « Ecco, respiro appena » d’Adrienne Lecouvreur de Cilea, air de diva à la puissance 10 qui lui convient à merveille et qui conclut une soirée de grande classe où ne manquaient pas même les deux robes, indispensables à un récital en deux parties, dont l'une extravagante à souhait avec son immense cape noire à doublure écarlate donnait d'entrée de jeu la mesure du tempérament et du talent de la cantatrice.

Frédéric Norac
25 novembre 2019
© musicologie.org


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