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Théâtre Marigny, 10 juin 2019 —— Frédéric Norac.

Apparition de la sainte patronne de l'opérette : Mam'zelle Nitouche

Mam'zelle Nitouche au Théâtre Marigny. Photographie D. R.Mam'zelle Nitouche au Théâtre Marigny. Photographie D. R.

Il ne faut pas confondre grivoiserie et vulgarité. C’est hélas ce que n’ont pas tout à fait compris Pierre-André Weitz et son complice Olivier Py. En voulant redonner vie à cette célèbre Mam’zelle Nitouche, fleuron de l’opérette française finissante et un des rares titres d’Hervé a être passé à la postérité, ils en ont souvent laminé les subtilités et noyé dans le rire gras les finesses et le caractère bon enfant. De la comédie-vaudeville d’Henri Meilhac et André Millau, ils ont bien sûr conservé le scénario, mais ils en ont quelque peu déformé l’optique dans une relecture qui en dénature l’esprit et force systématiquement le trait.

Denise, pensionnaire du couvent des Hirondelles, fascinée par le monde du spectacle, s’enfuit pour échapper à un mariage arrangé, avec la complicité involontaire de l’organiste Célestin qui à l’instar d’Hervé lui-même est musicien religieux le jour et compositeur d’opérettes la nuit dont elle a découvert la double vie. En chemin, elle va  rencontrer le prétendant qu’elle fuyait et en tomber amoureuse, se retrouver à remplacer une diva d’opérette et passer la nuit dans un mess d’officiers. Tout cela bien sûr en tout bien, tout honneur et se terminant par un bon vieux mariage afin que la morale soit sauve. Ceux qui connaissent Le Domino noir d’Auber en reconnaîtront sans peine l’intrigue

La mise en scène a le mérite de mener bon rythme toutes ces péripéties avec des changements de tableaux à vue bien gérés grâce à une efficace tournette. Si les numéros musicaux gentiment farfelus ou carrément sentimentaux sont gérés avec brio par une jeune troupe talentueuse qui sait chanter et danser, c’est surtout sur l’aspect théâtral (au moins la moitié de l’œuvre) et la caractérisation des personnages que la production achoppe. Comme le prouve Eddie Chignara, excellent dans le rôle du Major, il n’était pas indispensable de pousser à ce point le registre résolument boulevardier des dialogues et l’on pouvait faire confiance aux situations pour porter l’humour plein de clins d’œil dont regorge le livret. Le personnage de Célestin et sa double personnalité qui devraient en être le centre manque totalement de consistance. Damien Bigourdan est sans doute beaucoup trop jeune pour un rôle qui, rappelons-le, a été incarné à l’écran par rien moins que Raimu et Fernandel. Ajoutons-y les numéros de travesti surchargés de Miss Knife (alias Olivier Py) en mère supérieure et en Corinne, la diva éclipsée, et on comprendra pourquoi cette actualisation ne fonctionne qu’à moitié.

Mam'zelle Nitouche

Fort heureusement l’aspect musical est resté intouché et il apporte quelques respirations bienvenues. En Denise, Lara Neumann fait merveille dans un mélange très réussi de gouaille et de fausse candeur donnant beaucoup d'épaisseur à son personnage sans jamais tomber dans la facilité (mis à part le cantique du premier acte transformé en spiritual). Jolie voix de ténor lyrique léger, Sami Camps lui donne une élégante réplique, très crédible dans son rôle de jeune lieutenant amoureux. Olivier Py se rachète tout à fait dans son numéro de comique troupier du troisième acte où il prouve que le chanteur chez lui est à la hauteur du comédien.

Dans les extravagances chorégraphiques d’Iris Florentiny, les sept petits rôles d’arrière-plan — alternativement nonnes ou piou-pioux selon les besoins de l’action — se donnent sans réserve et paraissent tout au long de la soirée se démultiplier pour animer le plateau. Dans la deuxième partie, la production à quelques détails près retrouve un peu de fluidité et finit par convaincre, notamment dans ce tableau onirique où sur fond de valse, la mise en scène récapitule dans un joyeux tohu-bohu toutes les péripéties de l’action pour introduire le dénouement. La scène de l'apparition de Sainte Nitouche pendant la prière que lui adresse l'héroïne est également un morceau d'anthologie. La direction d’Olivier Grapperon à la tête des Frivolités parisiennes est un modèle d’élégance et de musicalité. On peut retrouver l’œuvre à défaut de la voir dans l’enregistrement que vient de faire paraître la Fondation Bru Zane avec les forces de l’Opéra de Toulon. Il a été réalisé lors de la création du spectacle en 2017 en prélude à une tournée de deux ans sur quelque huit villes françaises, un bel exemple de collaboration au profit d'un répertoire qui mérite décidément d'être revisité.

Frédéric Norac
10 juin 2019

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