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Athénée Théâtre Louis Jouvet, 16 avril 2019 —— Frédéric Norac.

À bon chat, bon rat : Into the Little Hill de George Benjamin

Into the Little Hill, THéâtre de l'Athénée Louis Jouvet. Photographie © Pierre Grosbois.

Est-ce seulement un message politique que Martin Crimp a voulu inscrire dans sa réécriture du Joueur de flûte de Hamelin. Les rats dont le peuple réclame l’extermination évoquent à s’y méprendre ces migrants que les peuples nantis refusent actuellement d’accueillir et quelque peu aussi ceux qu’a mis en scène Art Spiegelmann dans sa célèbre bande dessinée Maus. Le ministre représente bien sûr le pouvoir politique avec sa démagogie et sa fausseté, prêt à renier ses promesses des qu’il a obtenu ce qu’il voulait, fût-ce au prix de la perte de ce qu’il aime le plus — sa fille.  Mais le joueur de flûte, qui est-il, au delà de l’incarnation du pouvoir transcendant de la musique ? La conscience vigilante, la justice divine ou immanente ? Et cette colline où il entraîne les enfants pour y creuser jusqu’aux tréfonds de la terre afin d’y trouver la lumière, est-ce une parabole du chemin initiatique qui, à travers les ténèbres, conduit à la vérité ? Ce conte lyrique en neuf scènes (créé en 2006 à l'amphithéâtre de l'Opéra bastille) dure à peine plus de quarante minutes. Il repose entièrement sur deux voix qui en incarnent à elles seules les quatre personnages et le chœur, mais sa brièveté est largement compensée par la densité de la partition.

George Benjamin possède un sens aigu de l’atmosphère et de la déclamation lyrique. Son utilisation de la voix parfois jusque dans ses registres extrêmes est tout à fait remarquable et suffit à caractériser les personnages. La mise en scène de Jacques Osinski, très sobre, reste a mi-chemin du récit et de l’action. Un travail abouti sur les lumières et de belles vidéos de Yann Chapotel — notamment celle qui évoque le peuple des rats comme une lanterne magique posée au pied du lit de fer ou dort un enfant invisible — ouvrent l’espace sur une dimension onirique qui prolonge le pouvoir d’évocation du texte.

Into the Little Hill, THéâtre de l'Athénée Louis Jouvet. Photographie © Pierre Grosbois.

Si les deux interprètes, l’alto Camille Merckx et la soprano Élise Chauvin, sont parfaitement à hauteur des exigences de la partition, on fera une petite réserve sur une prononciation anglaise un peu laborieuse de la première. Dirigé par Alphonse Cemin, l’ensemble Carabanchel a tout l‘air d‘être un avatar de l‘ensemble Le Balcon. Ses quinze instrumentistes, moitié vents, moitié cordes, rendent pleinement justice à l’orchestration atypique de George Benjamin et à ce qui semble bien être son premier essai dans le domaine lyrique. Flight, pièce « animalière » pour flûte du même compositeur qui,  comme son nom l’indique, évoque les oiseaux, constitue un prélude bienvenu par sa virtuosité et sa légèreté à cette parabole cauchemardesque, énigmatique et terriblement actuelle. 

Dernières représentations les 19 et 20 avril.

Spectacle repris les 7 et 9 novembre 2019 à l'Opéra de Lille.

 

Frédéric Norac
16 avril 2019

Les précedents articles de Frédéric Norac :

Ah qu’il est beau ! Qu’il est beau !... Le postillon de Lonjumeau —— La compositrice, la soubrette et la diva : Ariane à Naxos revue par Katie Mitchell —— Une Descente aux enfers lyrique : Jakob Lenz de Wolfgang Rihm.

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norac@musicologie.org

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