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Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 11 février 2019 —— Frédéric Norac.

La Diva de Monte-Carlo : Raquel Camarinha et Yoan Hereau

Raquel Camarinha et Yoan Hereau. Photographie © Thibaut Stipal-Naïve.

Raquel Camarinha que nous avions découverte en 2017 dans la Passion selon Sade nous avait semblé un vrai tempérament de théâtre, une interprète audacieuse dans ses choix de répertoire. L’on s’étonne du coup de la retrouver dans ce programme de mélodies « classiques » où elle apparaît bien sage, voire même un rien empruntée lorsqu’elle s’adresse au public, et où soudain ne transparaît plus de son talent que le côté technique. Sa voix de jeune soprano lyrique est certes superbement placée, les passages de registre insensibles, l’articulation soignée encore que pas toujours parfaitement compréhensible, si l’on ne connaît pas les œuvres, mais peine parfois à faire décoller la musique. C’est le cas avec ces Poèmes hindous de Delage qui passent sans laisser de trace, faute d’intelligibilité. Dans Shéhérazade, elle s’ingénie à faire valoir la délicatesse sophistiquée de la mélodie de Ravel alliée à celle de la poésie de Tristan Klingsor, bien servie  par le piano superlatif de Yoan Hereau, et elle y réussit pleinement dans une interprétation d’un grand pouvoir d’évocation. Mais pourquoi nous assener de façon aussi figée et monotone les poèmes de Baudelaire dont les broderies pianistiques de Debussy n’arrivent pas à faire vivre la phraséologie parnassienne et à bouger quelque peu les pesants alexandrins ? Fort heureusement il y a Poulenc et deux mélodies au geste musical superbe qui nous ramènent dans un univers autrement vivant : Montparnasse et Hyde Park.  Surtout, il y a cette Dame de Monte-Carlo, cousine germaine de l’héroïne de La Voix humaine (à moins qu’il ne s’agisse de la même femme vieillie et désabusée) que la chanteuse a beaucoup interprétée, et dont le lamento amer et désabusé, d’une cruauté sublime, lui offre lui l’occasion de montrer de quel bois elle se chauffe et de conjurer, pour un moment jubilatoire, avec un chic un peu âpre, les ombres réunies  de Cocteau, Poulenc et Denise Duval qui comme de bonnes fées semblent s’être penchées sur le berceau de cette diva franco-portugaise pour lui communiquer la quintessence de leur esprit.


Dans le disque qu’elle vient de faire paraître chez Naïve ont disparu les mélodies de Baudelaire incriminées au profit des Ariettes oubliées et des Fêtes galantes, mais n’y figure pas non plus hélas cette étonnante Dame de Monte-Carlo qui lui va comme un gant et dont on espère qu’elle nous offrira un jour un enregistrement.

 

Frédéric Norac
11 février 2019

 

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