N’y allez surtout pas en croyant découvrir la musique de Gaston Gabaroche et de ses complices, Fred Pearly et Pierre Chagnon. En sortant il ne vous restera en tête que la chanson qui donne son nom à cette opérette farfelue, créée en 1932 aux Bouffes Parisiens et immortalisée en son temps par Arletty : « Azor ».
Azor n'est pas un chien ni un prince charmant du xviiie siècle (rappelez-vous, Grétry !), c’est le surnom d'un commissaire de police, poète inadapté amoureux de Marlène, la fille du ministre de la Justice, traqué par une bourgeoise nymphomane Mme Marny et idolâtré par une voleuse à la tire, Cloclo la Panthère. S’ensuit on s’en doute un imbroglio de quiproquos, courses poursuites, situations épineuses ou invraisemblables, dignes du théâtre de boulevard le plus déjanté, d’autant plus compliquées que s’en mêle la bande à Kiki la Frisette venue chez les Marny pour les cambrioler et que tout ce beau monde se retrouve finalement chez le ministre qui donne un bal masqué pour les 20 ans de sa fille. Les répliques fusent avec cette pointe de cynisme et de grivoiserie caractéristique de l’esprit du temps — Albert Willemetz fait partie des paroliers — et l’action explose tous azimuts dans un décor simplifié à l’extrême que relèvent les beaux costumes de Denis Evrard.
Pour faire revivre ce pur produit des années folles, Stéphan Druet a imaginé une mise en scène qui parodie tous les poncifs de la comédie musicale des années 60 et 70, de Jacques Demy à Hair, avec des passages chorégraphiés tout à fait bluffant comme ce duo entre le commissaire et le fiancé de Marlene qui ouvre les hostilités. La distribution est absolument épatante tant théâtralement que vocalement, à commencer par les vétérans de feu la Compagnie des Brigands, devenue depuis la compagnie « Quand on est trois » : Gilles Bugeaud dans le triple rôle du Brigadier, de M. Marny et de M. Dubois et Emmanuelle Goizé dans celui de la délirante Mme Marny qui sont, avec Pierre Mechanik, le prestidigitateur cambrioleur, les concepteurs du projet. Mais les petits jeunes ne sont pas en reste Fanny Fourquez en fille de famille délurée et sa parodie de Janis Joplin, Julien Alluguette en séducteur enamouré, époustouflant danseur et chanteur de bonne tenue et moins affirmée Pauline Gardel en Cloclo. Excellent également dans le rôle-titre du fonctionnaire coincé victime de son charme, Quentin Gibelin. Ça va vite, ça déménage, c’est souvent drôle, parfois surchargé et finit par peser un peu sur la longueur, surtout musicalement. En voulant arracher la partition à ses racines historiques et à la tentation de la nostalgie, Emmanuel Bex l’a rhabillée d’une orchestration jazz-rock (guitare électrique, batterie et orgue Hammond) bruyante, envahissante, un rien fatigante qui, ajoutée au climat d’hystérie, la dénature parfois jusqu'à la rendre inaudible. À peine si l’on y reconnaît çà et là un petit un air de java ou de tango et l’on est un peu soulagé lorsque les trois instrumentistes, par ailleurs excellents dans leur registre, abandonnent leurs instruments pour endosser dans le dernier tableau une partie théâtrale. C’est un peu dommage mais pas tout à fait rédhibitoire car, bien racheté par le talent des interprètes et l'inventivité de la mise en scène, cela vous fera, pour un soir de fête, un plat bien relevé sinon tout à fait réussi.
Deuxième série de représentations du 27 décembre au 13 janvier.
Frédéric Norac
20 décembre 2018
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Mardi 25 Décembre, 2018 17:10