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Paris, 2 mai 2018 —— Frédéric Norac.

Mélisande et (l'orchestre) Pelléas : Pelléas et Mélisande au Théâtre des Champs- Élysées

Pelléas et Mélisande en version concert au Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © J. P. Raibaud.

Reflet de l'ultime production dirigée par (feu) Jean-Claude Malgoire à l'Atelier Lyrique de Tourcoing en mars dernier, ce Pelléas en version de concert lui était dédié. En passant de Tourcoing à Paris, il a perdu son orchestre et son chef d'origine mais conservé l'essentiel de sa distribution.

L'expérience de la scène est garante d'un engagement et d'une connaissance de leurs rôles par les interprètes qui doit apporter vérité et intensité à leur performance.

C'est le cas au plus haut point avec la Mélisande de Sabine Devielhe dont le soprano lyrique se révèle moins léger qu'on aurait pu l'attendre et qui s'impose avec une évidence totale dans un rôle qu'elle connaît bien puisqu'elle l'a abordé à la scène dès 2015. Elle apporte au personnage une caractérisation toute en nuances, passant du sourire de la femme amoureuse à une profonde tristesse sans solution de continuité, fascinante dans le miroitement d'une personnalité secrète et insondable. Sa voix, bien que s'étant un peu élargie, a gardé toute sa clarté et sa facilité dans le registre aigu. Son  articulation d'une merveilleuse netteté et sa musicalité impeccable  réalisent à la perfection le subtil équilibre entre chant et parole qui caractérise le style de la prose lyrique debussyste. On ne saurait en dire autant du Pelléas de Guillaume Andrieux, voix blanche au soutien limité, qui peine dans le lyrisme des deux grandes scènes de la Tour et des adieux au quatrième acte. Son allure juvénile ne suffit pas vraiment à compenser un chant poussif et détimbré qui tend souvent à une simple déclamation sur fond musical. Alain Buet est un Golaud autoritaire et un peu piétonnier, incarnant son personnage dans le registre du mari jaloux et soupçonneux, ce à quoi ne saurait se résumer un personnage en réalité bien plus profondément tourmenté. L'Arkel solide et profond sans effort de Jérôme Varnier est guetté par intermittence par le risque de l'emphase et quelques problèmes d'intonation tandis que Sylvie Brunet-Grupposo aborde la lettre de Geneviève avec un peu trop de componction et une volonté de faire valoir ses graves, à l'opposé de la simplicité que Debussy reclamait pour ce rôle épisodique. Camille Poul enfin est un petit Yniold acidulé et bien chantant.

De fait, avec Sabine Devielhe, l'autre protagoniste essentiel de cette soirée, reste l'Orchestre Pelléas. La phalange peu connue séduit par la beauté de ses pupitres solistes, sa cohérence d'ensemble et une lecture orchestrale tout à la fois colorée, transparente, quasiment chambriste. Portée par la direction diligente et peut-être parfois un peu trop pressée de son chef Benjamin Lévy — singulièrement dans les scènes les plus dramatiques où il a tendance à couvrir les chanteurs — cette lecture très théâtrale séduit et emporte l'auditeur dans les sortilèges et la poésie inépuisable du chef d'œuvre de Debussy.

Concert enregistré et diffusé par France Musique le 20 mai à 20h

Frédéric Norac
2 mai 2018

 

Frédéric Norac : norac@musicologie.org. Ses derniers articles : Les sortilèges d'Olivier Dhénin : L'enfant et les sortilèges de RavelSoirée des Mille et une nuits : Mârouf, savetier du CaireLes régents de la musique française : Musique pour la duchesse du Maine Le retour d'Auber : Le Domino noir à l'Opéra-ComiqueTous les articles de Frédéric Norac.

 

 

 

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