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Paris, Athénée Louis-Jouvet, 20 juin 2018 —— Frédéric Norac.

Jumelles de théâtre (de boulevard) : Les p'tites Michu d'André Messager

P'tites MichuLes P’tites Michu, d’André Messager au Théâtre de l’Athénée, Paris. Photographie © Nemo Perier Stefanovitch.

Il n’est pas sûr qu’à l’issue du spectacle vous aurez réussi à mémoriser qui des deux fausses jumelles est Blanche-Marie et qui est Marie-Blanche, mais vous aurez à coup sûr identifié les deux sœurs : la brune explosive et la blonde plus réservée et un rien mélancolique. D'un côté, la fille du peuple, la vraie Mlle Michu née d’un couple de BOF* des Halles ; de l'autre, Mlle des Ifs, ci-devant marquise et fille du général du même nom. Ce dernier l’avait confiée aux Michu alors qu’il était menacé par la Terreur et cherche à la récupérer 17 ans plus tard. Mais ces lourdauds ont mélangé les deux bébés en leur donnant leur bain et il va falloir 2 h 40 aux personnages de cette histoire pour distinguer le vrai du faux, car aucun d'eux ne semble avoir la plus petite idée de qui est qui :  ni Aristide, le commis de magasin, qui n’arrive pas à décider de laquelle il est amoureux, ni le Capitaine Gaston à qui elles ont tapé dans l’œil, ni les Michu eux-mêmes qui les aiment autant l’une que l’autre et encore moins le général qui ne semble pas avoir le moindre brin d’intuition. Et c’est finalement elles-mêmes qui sur un choix de vie feront le distinguo. La fille Michu retournera à sa boutique et épousera le commis après avoir failli devenir marquise et la vraie marquise, le capitaine auquel son père la destinait. À chacun sa classe, ne mélangeons pas les torchons avec les serviettes.

Le scénario de Vanloo et Duval n’est ni du Goldoni ni du Marivaux, mais du pur boulevard tel qu’on l’appréciait en 1897 et tel qu’on peut encore en voir sur certaines scènes parisiennes. Si les situations sont sans surprise, les dialogues qui ne manquent pas d’esprit font parfois sourire et même rire. L’ensemble hélas est écrasé par une mise en scène pesante, bourrée de clichés, basée sur un jeu d’acteurs hystérique et des personnages caricaturés à l’extrême. Malgré l’habillage branché — costumes seventies aux couleurs acidulées, projection de bandes dessinées, univers « girly » rose pop, on a souvent l’impression que ces P'tites Michu sortent tout droit de « Au théâtre ce soir », la célèbre émission de théâtre télévisé dès année 60-70. C’est dommage, car la musique de Messager est efficace au plan théâtral et ne manque pas de ce charme désuet plein de sentimentalisme qui explique pourquoi elle parait si décalée aujourd'hui. Ce sont du reste les respirations musicales qui font supporter ce vaudeville permanent et forcé qui n'a pour mérite que son dynamisme et la qualité de son plateau.

Ptites MichuLes P’tites Michu, d’André Messager au Théâtre de l’Athénée, Paris. Violette Polchi et Anne-Aurore Cochet. Photographie © Nemo Perier Stefanovitch.

On distinguera d’abord le duo des sœurs, plein d’énergie, surtout le mezzo corsé de Violette Polchi à qui le soprano d'Anne-Aurore Cochet plus léger offre une excellente réplique. Avec sa solide basse Boris Grappe compose un général bourru à souhait tandis que Philippe Estèphe incarne à la perfection le gendre idéal avec le style et le charme vocal spécifique du baryton martin d’opéra-comique. Si Marie Lenormand malgré une voix peu agréable à l'oreille, offre une Mme Michu plus qu'acceptable, il faut avouer que la composition de Damien Bigourdan surchargée finit par lasser, de même que celle Romain Dayez, incarnant Bagnolet, l'ordonnance du général, dans le registre de la grande folle au bord de la crise de nerfs. Excellents en revanche, la directrice de l'internat autoritaire au tempérament bouillant de Caroline Meng et l'Aristide stylé d'Artavazad Sargsyan dont le ténor lyrique léger apporte tout le relief souhaitable à son personnage de naïf égocentrique.

Si l'arrangement pour douze instruments de Thibaut Perrine, mené tambour battant par Pierre Dumoussaud, convient parfaitement pour un petit théâtre comme l'Athénée, on regrette tout de même l'absence d'un véritable chœur qui donnerait toute son ampleur à la musique de Messager, notamment dans celui de la noce au troisième acte dont on devine la splendeur malgré la réduction.

Représentations jusqu'au 29 juin.

 

Frédéric Norac
20 juin 2018

* BOF : ancien sigle désigant les crémiers, du grossiste des Halles au détaillant, faisant commerce de beurre, d’œufs et de fromage : BOF.

 

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