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Théâtre des Champs-Élysées, 14 juin 2018 —— Frédéric Norac.

Faust revivifié par la musicologie

FaustFaust. Photographie © Palazzetto Bru Zane - Amélie Debray.

Si, comme moi, vous pensiez que le Faust de Gounod est l’œuvre emblématique d’un certain académisme pompier du Second Empire, peut-être auriez-vous changé d’avis à l'issue de ce concert où la Fondation Bru Zane (Centre de musique romantique française) en proposait la « version inédite de 1859 », reconstituée à partir de l'édition critique du musicologue Paul Prévost parue chez Bärenreiter.

L'opéra, tel qu'il fut créé au Théâtre lyrique impérial en 1859, est en effet une œuvre bien différente de celle que l'Opéra de Paris inscrivit à son répertoire dix ans plus tard et que nous connaissons. Plus proche de l'opéra comique, avec de nombreux dialogues parlés et des mélodrames très élaborés en lieu et place des récitatifs, elle offre la physionomie d'une pièce de « demi-caractère » plutôt que du grand opéra. De nombreux numéros parmi les plus fameux n'y figurent pas : pas de « Veau d'or » mais une  « hanson du Scarabée » qui fait un peu songer à celle de la Puce chez Berlioz ; les adieux de Valentin sont ici un duo avec Marguerite ; le fameux chœur des soldats, un air pour Valentin ; la grande scène de l'église au iiie acte s'enchaîne à un air de Marguerite abandonnée et y figure aussi un second air pour Siebel. Toutes ces variantes s'intègrent dans une construction dramatique qui fait la part belle au comique, notamment à travers les personnages théâtraux de Dame Marthe — remarquablement interprétée par Ingrid Perruche — et de Méphistophélès dont les commentaires cyniques viennent gauchir certains moments « sentimentaux ».

L'œuvre s'en trouve comme revivifiée et l'on redécouvre au fil des quatre actes une gestion de la montée en puissance des éléments dramatiques plus efficace et prenante que dans la version définitive.

La réussite de cette expérience doit beaucoup à un plateau de très haut niveau soutenu par la direction remarquable de Christophe Rousset — plutôt connu pour ses affinités avec les répertoires baroque et classique. À la tête de ses Talents Lyriques, le chef prouve que les limites chronologiques de répertoire n'ont rien à voir avec le talent et donne notamment du dernier acte une vision d'une puissance extraordinaire.

Si l'absence de Jean-François Borras dans le rôle-titre déçoit quelque peu ses admirateurs dont nous sommes, elle nous aura donné l'occasion de découvrir Benjamin Bernheim, un jeune ténor dont la voix claire à la couleur typiquement française, la gestion de l'aigu et la diction impeccable évoquent par moments le jeune Roberto Alagna. Face à lui, Véronique Gens paraît un peu mature pour la jeune fille des deux premiers actes et laisse entendre quelques tensions dans les suraigus de l'Air des bijoux mais sa voix centrale et son tempérament de tragédienne font merveille dans les aspects plus dramatiques du rôle. Andrew Foster-Williams possède une vis comica naturelle bien venue dans cette vision d'un diable farceur et qui fait oublier une voix de baryton-basse assez ordinaire. Jean-Sébastien Bou offre un portrait impeccable de Valentin tandis que Juliette Mars est un agréable Siebel. La contribution du Choeur de la Radio flamande, parfaitement idiomatique et remarquablement réglée, rappelle, si besoin était, que le Français est une langue naturelle en Flandre.

Le travail du metteur en scène Marc Paquien sur les dialogues n'empêche pas quelques anicroches çà et là, mais évite la platitude ou l'emphase qui entachent souvent ce type d'exercice. Quatre rappels d'une salle enthousiaste saluent cette « résurrection » que, sans doute, l'on pourra découvrir au disque, vu la forêt de micros présente sur le plateau et l'intéressante politique éditoriale de la Fondation Bru Zane qui soutient sa volonté de faire connaître les richesses du répertoire français du xixe siècle.

Frédéric Norac
14 juin 2018

 

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bouquetin

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