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Athénée, Théâtre Louis-Jouvet, 10 novembre 2017, par Frédéric Norac ——

Notre Carmen d'après Bizet : une Carmen foutraque et déjantée

Notre Carmen. Photographie © Ioni Laibaroes.Notre Carmen. Photographie © Ioni Laibaroes.

La Compagnie « Hauen und stechen » (littéralement « cogner et piquer ») est un collectif théâtral, comme on dit dans les milieux branchés, berlinois bien sûr (le fin du fin en matière de modernité), qui réunit trois chanteurs, cinq comédiens et un ensemble de quatre musiciens. Ils ont entrepris sous le titre « Notre Carmen » une déconstruction systématique de l'opéra de Bizet, à grands coups de dérision et de décalages. La première partie qui mélange pêle-mêle les trois premiers actes parait bien longue. La seconde fort heureusement se limite à 45 minutes.

Certes, les plaisanteries de potaches qui constituent l'essentiel du spectacle  font parfois sourire, même brièvement rire, mais on attend toujours qu'émerge un véritable propos. Il se situe sûrement dans les quelques textes ajoutés, pour la plupart philosophiques (Nietzche ?), où il est question d'existence, d'amour, enfin de choses assez vagues et qui pourraient porter le sens de cette pitrerie. D'évidence, les insuffisances des chanteurs — mis à part l'excellente soprano Angela Braun  — font partie de l'approche au énième degré de l'œuvre de Bizet que ces jeunes gens (à l'instar de Dimitri Tcherniakov cet été à Aix) considèrent comme dépassée et sur laquelle ils jouent à appliquer des images dérisoires et à projeter leurs fantasmes et leurs obsessions.

Notre Carmen en répétition. Photographie © Thilo MössnerNotre Carmen en répétition. Photographie © Thilo Mössner.

On reconnaîtra que pour tenir le coup si longtemps ils ne manquent ni d'énergie ni d'imagination. La parodie de ballet africain avec des mannequins de paille ou celui qui démarque le travail de Jiri Kylian dans la deuxième partie prouvent qu'ils ont en outre une grande capacité de travail. Du côté musical, la transcription de Louis Bona et Roman Lemberg pour quatre instruments : piano, flûte, alto et harpe avec quelques interventions d'accordéon et de trompette, est sûrement ce qu'il y a de plus remarquable dans cette production. Elle réussit à restituer le génie de l'orchestration originale et à transcrire toutes les parties vocales ou chorales que les trois chanteurs, même renforcés des cinq comédiens, ne peuvent assumer.

C'est bien connu, les plaisanteries les plus courtes sont souvent les meilleures.  Celle-ci dure environ 2h45 entracte compris, sans qu'on sache très bien où ces jeunes gens ont voulu en venir et pourquoi ils gâtent leur talent dans ce genre d'entreprise. Mais le spectacle a au moins une qualité : il révèle en creux la beauté de la partition de Bizet et la force du livret original.

Représentations jusqu'au 19 novembre

Frédéric Norac
10 novembre 2017


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