Die Zauberflöte, Staatsoper Berlin. Fotographie © Monika Rittershaus.
Plus féérique que magique. Plus scénique que vocale. Ainsi pourrions-nous résumer la représentation, dimanche 1er janvier 2017, de Die Zauberflöte au Staatsoper de Berlin. Singspiel composé en 1791 par Mozart sur un livret d'Emanuel Schikaneder et œuvre sur laquelle Richard Wagner ne tarissait pas d'éloges : « Jusqu'ici, l'opéra allemand n'avait pratiquement pas existé ; avec cette œuvre, il a été créé » (Richard Wagner, « Über deutsches Musikwesen », Ein deustcher Musiker in Paris, 1840/1841). Comme ce fut déjà le cas à l'opéra de Nice en 2013, la période des fêtes de Noël et de fin d'année fait ressurgir des cartons des mises en scène plus fantastiques les unes que les autres. August Everding s'inscrit dans cette tradition. Dans sa note d'intention, celui qui n'en est pas à son premier travail sur cet opéra, précise toutefois : « pour véritablement connaître Die Zauberflöte, il me faudrait encore la mettre en scène au minimum le double de fois où je l'ai déjà fait… C'est une pièce très humaine. En fait, il s'agit d'un dépassement du grand dualisme dans notre monde, représenté au travers de la Reine de la nuit et de Sarastro, un dépassement au travers de l'art et de l'amour dont la Flûte enchantée est le symbole ». La mise en scène exploite jusqu'aux moindres mécanismes des machineries pour faire surgir ou disparaître, allumer ou éteindre, monter ou descendre, tandis que les décors de Fred Berndt et les costumes de Dorothée Uhrmacher — inspirés respectivement des brouillons de K.F. Schinkels et des figurines pour la représentation au Théâtre Royal de Berlin de 1816 — ainsi que les lumières de Franz Peter David s'affranchissent des limites de notre imaginaire. Pour faire la joie des tout-petits…mais aussi celle des plus grands.
Énergique, la direction musicale est magistralement soutenue par Alexander Soddy qui conduit les musiciens de la Staatskapelle de Berlin avec autant de détermination et de précisions que les acteurs du plateau et les chœurs de Frank Flade. Point non négligeable dans une scénographie où la fulgurance des changements de décors oblige les artistes lyriques à quelques acrobaties.
Die Zauberflöte, Staatsoper Berlin. Photographie © D.R.
La distribution vocale restera néanmoins le point faible de cette production. Peut-être l'inévitable conséquence des lendemains de fête, spécialement pour les chanteurs masculins : les médiums de l'un menaçaient de déraper à tout moment, un second est resté quasiment inaudible d'un bout à l'autre de son personnage, un troisième était tellement faible dans ses graves que l'orchestre a presque dû stopper pour permettre de l'entendre tandis qu'un quatrième a connu les affres d'un « trou » dans la déclamation de son texte ! Il convient sans aucun doute de faire exception pour Papageno : Gyula Orendt se démène vocalement et scéniquement comme un beau diable ce qui lui vaut une légitime ovation à l'issue de la représentation. La soprano franco-danoise Elsa Dreisig — pour laquelle nous avions fait le déplacement — atteint pour sa part des sommets dans son interprétation de Pamina avec une ligne de chant gracieusement étayée, des aigus clairs et puissants et d'agréables jeux de vocalises. Nous voudrions bien l'entendre à Monaco. Nora Friedrichs, en superbe Reine de la nuit, les trois dames Adriane Queiroz, Natalia Skrycka et Constance Heller ainsi que Narine Yeghiyan en Pamina attestent que les femmes sont, soit plus sérieuses que les hommes, soit qu'elles supportent mieux les festivités que ces derniers. Une mention particulière pour les trois « Knaben » qui tiennent parfaitement leur rôle angélique. De très jeunes enfants habillés en Papageno et en Papagena qui surgissent in fine de toutes parts, fosse d'orchestre y compris, ne pouvaient que susciter le vif enthousiasme de cette audience dominicale.
Berlin, le 2 janvier 2017
Jean-Luc Vannier
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Dimanche 5 Novembre, 2023