Il Furibondo ou les tribulations d'un italien à Londres, L'Escadron volant de la reine, œuvres de Geminiani, Hëndel, Corelli, Avison. B-Records 2017 (LBM 007).
Enregistré à la Fondation Singer-Polignac, Paris, le 16 juin 2016.
Pour son second cédé, l'une des plus belles promesses de la famille des ensembles baroquants, l'Escadron volant de la reine (un fantasme du xixe siècle : la Medicis aurait eu à son service un escadron de jolies et fort savantes femmes, recueillant entre autres sur l'oreiller des secrets d'État), ne démord pas de la musique italienne des xviie-xviiie siècles, et réitère le principe du cédé concept, comme on disait au temps des vinyles du rock progressif. Après la thématique du nocturne sur les lamentations de Jérémie, on raconte cette fois, en trois actes, strictement musicalement hormis trois courtes interventions de récitants, la vie de Francesco Geminiani, violoniste virtuose, compositeur, théoricien, pédagogue, ayant acquis une belle notoriété à Londres après un bon départ dans son pays dont il part.
Une vie quelque peu romancée, pour la cause, genre romantique : I : En Italie, la séparation, le voyage, la découverte de Londres ; II. (un sombre hiver), La tourmente, la descente aux Enfers ; III. La solitude, le printemps, à la taverne. Il semble que Geminiani (qui aurait été surnommé « Il Furidondo » par ses amis) connut des difficultés financières à partir de 1732, notamment au cours de son séjour parisien, où il arrondissait sa cagnotte en vendant des dessins (il continuera à le faire en Irlande), mais point de descente aux Enfers ni de solitude genre Winterreise (Voyage d'hiver), à notre connaissance.
On sait que l'Angleterre s'est peu occupée à former des musiciens locaux, entre Purcell et Britten (sans oublier Elgar, Delius et Vaughan Williams), mais le pays et Londres en particulier sont friands de musique. Les musiciens qui y séjournent et s'y pressent peuvent en plus des concerts, donner des leçons bien rémunérées. C'est comme on dit un bon plan, Beethoven rêva de s'y faire inviter avec ses variations sur God save the King, Haydn s'y précipite dès qu'il a enfin la liberté de ses mouvements.
Mais un opéra (instrumental) est un opéra : le synopsis permet le choix de caractères musicaux et de les organiser selon une évolution dramatique.
Chacun de ces tableaux est évoqué par des œuvres, ou des mouvements d'œuvres, de Geminiani, mais aussi de Corelli (sa musique est appréciée à Londres), de Händel (Allemand installé à Londres) et de Charles Avison, Anglais d'Angleterre, nourrit de musique italienne, notamment par les leçons Francesco Géminiani son professeur.
On retrouve avec ce cédé les belles qualités musicales de cet ensemble, en résidence à la Fondation Singer-Polignac depuis 2012, qui ne décevront aucun auditeur. Contrairement au premier cédé, nous ne sommes pas d'un enthousiasme sans limites quant au programme et à sa conception, qui passe peut-être fort bien en concert pour lequel il est conçu, mais qui n'est pas tout du long captivant à l'écoute artificielle, même si la galette est gravée par le jeune label B-Records, qui n'enregistre que des concerts publics : un cédé est un cédé.
Il semble que les interventions des récitants, qui auraient pu être plus nombreuses, pour assumer pleinement l'idée (des anecdotes, des faits d'époque), n'ont pas eu les soins, quant aux textes et à l'art de dire, dont bénéficie la musique, qui a des moments particulièrement réussis, comme la dernière scène.
Ouverture : Georg Friedrich Händel, Il Pastor Fido
Acte I : La Jeunesse
1 : La vie en Italie, Francesco Geminiani, Concerti grossi, opus 2, no 4 ; opus 7, no 6.
2 : La séparation, Francesco Geminiani, Sonate pour violoncelle, opus 5, no 4 ; Concerto grosso, opus 7, no 6.
3 : Le voyage, Francesco Geminiani, La Foresta Incantata ; Concerto Grosso d'après la sonate pour violon opus 4, no 2 (concerto grosso no 3)
4 : Découverte de Londres, Francesco Geminiani, Concerto grosso, opus 7, no 6.
Acte II : Un sombre hiver
1 : La tourmente, Francesco Geminiani, Concerto grosso, opus 2, no 1.
2 : La descente aux enfers, Charles Avison, Concerto grosso opus 6 no 3 ; Francesco Geminiani, Harmonical Miscellany.Acte III : True lovers of Italian music
1: La solitude, Francesco Geminiani, Concerto grosso d'après la sonate pour violon opus 4, no 11 (version concerto grosso n° 2) ; Concerto grosso opus 3, no 3.
2 : Le Printemps, Francesco Geminiani, Concerto grosso d'après la sonate, opus 5, no 2, de Corelli ; Georg Friedrich Händel, « Lascia ch'io pianga », extrait de Rinaldo, version ornée pour violon et orchestre
3 : Il furibondo à la Queen's Head Tavern, Francesco Geminiani, La Foresta Incantata ; A Treatise of Good Taste in the Art of Musick : « LadyAnn Bothwell's, Lament », « TheNight her silent Sable wore », « O Bessy Bel l» ; Arcangelo Corelli, Concerto grosso, opus 6, no 4.
Jean-Marc Warszawski
4 juillet 2017
© musicologie.org 2017
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.
ISNN 2269-9910.
Lundi 9 Septembre, 2024