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OCD LOVE, somptueuses musculatures élégiaques de Sharon Eyal & Gai Behar au Monaco Dance Forum

OCD-LOVEOCD-LOVE. Photographie © Gil Shani.

Après les corps énigmatiques d'Emio Greco et de Pieter C. Scholten, place aux corps — désespérément — tristes et solitaires d'OCD LOVE, la création des chorégraphes Sharon Eyal et Gai Behar présentée par les danseurs de la troupe L-E-V mercredi 14 décembre au Grimaldi Forum. Sombre étude d'une désespérance mélancolique et néanmoins d'une fascinante beauté tant les corps sont systématiquement et minutieusement exploités dans leur moindre possibilité expressive : la mise en exergue de la musculature et de l'ossature des artistes par d'extrêmes mouvements désarticulés, jusqu'à l'imitation du démembrement physique, suscite une oscillation, nourrie d'ambivalence, entre malaise et plaisir. Hésitation dont l'érotisme subtilement captivant et accentué par la quasi-nudité des corps, fait appel au voyeurisme de la salle : le sadique jouit toujours de son propre masochisme en miroir de l'autre qui souffre.

En introduction, dans la pénombre d'une scène rythmée par la lancinante ponctuation musicale d'une trotteuse d'horloge, un corps féminin particulièrement athlétique évolue à l'image d'un mime : les lents étirements et autres contorsions très gymniques semblent lancer un cri, misérable et sourd, à l'autre. Cet autre, danseur masculin au physique émacié, féminin en comparaison, entre lentement sur le plateau sans rien apercevoir de la présence humaine : aucune rencontre possible. La palpitation rythmique orchestrée par le DJ Ori Lichtik rappelle cette ambiance anonyme des « boîtes » où chacun se trémousse dans l'obscurité sclérosante de son propre univers.

OCD-LOVEOCD-LOVE. Photographie © Regina Brocke.

Et pourtant, nonobstant cette morbide déréliction gestuelle, le travail de Sharon Eyal et Gai Behar produit un mystérieux envoûtement hypnotique par la parfaite synchronisation collective des gestuelles les plus inattendues. L'harmonie qui résulte de cet agencement, rigoureux et millimétré, des évolutions, fruit d'un indéniable labeur qu'il convient de saluer, procure étrangement un sentiment d'apaisement, une forme de réassurance. Peine perdue : le corps sert à porter des coups à l'autre ou forme un mur auquel se confronte l'une des danseuses. La note d'intention des auteurs qui évoque  « l'amour qui échoue toujours » trouve son illustration dans la scène finale : l'ombre projetée et décuplée d'un danseur sur le mur de la salle Prince Pierre s'éloigne inexorablement. Comment ne pas penser à l'allégorie de la caverne de Platon sur l'ignorance humaine ? La troupe L-E-V tourne progressivement le dos au public pour quitter la scène dans un ultime regard, aussi nostalgique que vain, et qui signe l'absolue détresse du monde.

Interprètes : Gon Biran, Darren Devaney, Mariko Kakisaki, Leo Lerus, Keren Lurie Pardes, Shamel Pitts.

OCD-LOVEOCD-LOVE. Photographie © Regina Brocke.

Monaco, le 15 décembre 2016
Jean-Luc Vannier


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Mercredi 21 Août, 2024