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Extremalism, corps énigmatiques d'Emio Greco et de Pieter C. Scholten au Monaco Danse Forum

ExtremalismExtremalism. Photographie © Alwin Poiana.

Monaco, 11 mai 2016, par Jean-Luc Vannier ——

Le corps en révolte titre le programme. Mais tout corps ne se révolte-t-il pas, constamment, contre sa propre déliquescence ? Ne lutte-t-il pas contre sa propre mort ? Malgré l'intention explicite, la chorégraphie d'Emio Greco et de Pieter C. Scholten sur laquelle se produisait, samedi 10 mai à la salle Garnier de l'Opéra de Monte-Carlo, le Ballet National de Marseille ICKamsterdam, n'aura pas apporté de réponse tangible à cette question. Et ce, nonobstant l'impressionnante performance d'une heure et vingt minutes « non-stop » des danseurs. Performance humaine légitimement ovationnée à l'issue. Dans cette proposition qui oscille entre « Extremalism » chargé « d'explorer les possibilités du corps en mouvement » et « Minismalisme » — cette fois-ci en français — destiné à « retrouver l'essence du geste et la simplicité face à d'immenses questionnements », nous identifions aisément les fondamentaux du chorégraphe et de son complice metteur en scène. Lesquels nous avaient davantage séduit en 2011 avec Le corps DU BALLET interprété par les Ballets de Monte-Carlo au Grimaldi Forum. En premier lieu, les contrastes musicaux puisant, entre onomatopées assourdissantes et mélodie quasi inaudible d'une boite à musique, dans les registres les plus hétéroclites. Le masque primitif (Clifford Portier) qui vient, ensuite, annihiler la personnalisation tout comme les costumes couleur chair, « des costumes qui continuent la peau » selon Greco et Scholten, et dont — phénomène sans doute imprévu — les sudations corporelles chez les danseurs masculins modifient sensiblement la teinte et l'éclat.

ExtremalismExtremalism. Photographie © Alwin Poiana.

La gestuelle principale des bras, le plus souvent tournés vers le ciel comme une vaine imploration, fixe l'orientation spatio-temporelle d'une expectative de tout être humain d'un secours qu'il ne peut trouver in fine qu'en lui-même : en témoigne l'aura céleste (Studio Stallinga) sous la forme d'un attractif et intrigant cercle d'insignes lumineux et ce, malgré ses douteuses similitudes avec le sigle de la marque Chanel ! La répétition des évolutions en diagonale de même que les à-coups collectifs entre plateau et hors champ viennent intelligemment rompre, surprendre et saisir le regard qui se mue en identifications et en rappels des multiples vicissitudes de l'existence. Quelques scènes, astucieusement, suscitent le malaise : la déformation subie par le corps humain dont la main gauche vient se placer du mauvais côté de même que, tout aussi bien pensées, les multiples positions des corps en équilibre instable. Positions remarquablement tenues dans une hésitation salvatrice par les danseurs et danseuses aux visages toujours marqués par l'attente anxieuse.

Paradoxalement, la présence récurrente d'un personnage fantomatique n'ajoute ni ne retranche rien à l'affaire : interrogé à l'issue de la représentation, Emio Greco évoque « un anonyme ». Un peu court et pas vraiment convaincant : pourquoi le vêtir entièrement de noir ? Pourquoi dissimuler son visage ? Autant sa présence dans les premières évolutions permet d'y déceler la figure d'un dieu animiste mais, puisque les auteurs évoquent une chorégraphie en trois temps « Hier, Aujourd'hui, Demain », quelle signifiance pour cet être lugubre sinon une représentation déniée de la finitude ? De cette écriture pour le collectif, « respirer ensemble, travailler ensemble, former un seul corps » expliquent Emio Greco et Pieter C. Scholten, les danseurs donnent néanmoins l'impression, pas toujours aisée à comprendre en termes d'harmonie, d'une souplesse, d'une flexibilité dans la synchronisation. Celle-ci ne laisse d'interroger : entre codification classique et conceptualisation contemporaine, les auteurs ne veulent pas choisir et laissent, de leur propre aveu, « les danseurs articuler le mouvement qui se balade dans leur corps ». L'écart de l'un, la crispation de l'autre, tout comme cette scène où l'un des danseurs, gauche et malhabile, ne semble pas trouver sa place dans le groupe qui le bouscule, signent l'inaliénable essence, individuelle, unique, de l'être humain.

ExtremalismExtremalism. Photographie © Alwin Poiana.

Interprètes : Manon Bastardie-Germain, Béatrice Cardone, Nonoka Kato, Yoshiko Kinoshita, Ji Young Lee, Mylène Martel, Florine Pegat-Toquet, Aya Sato, Valeria Vellei et Gaël Alamargot, Denis Bruno, Pedro Garcia, Andrès Garcia-Martinez, Vito Giotta, Gen Isomi, Alejandro Longines, Angel Martinez-Hernandez, Kengo Nanjo, Nahimana Vandenbussche, Anton Zvir.

Monaco, le 11 mai 2016
Jean-Luc Vannier

 

Jean-Luc Vannier, jlv@musicologie.org, ses derniers articles : Petrouchka et L'Enfant et les Sortilèges, la « Féérie » avant Noël de Kazuki Yamada et de l'orchestre philharmonique de Monte-CarloLeo Nucci et les chœurs de l'Opéra de Monte-Carlo ovationnés dans Nabucco au Grimaldi ForumVoyage en terre galloise avec Bryn Terfel à l'opéra de Monte-CarloAnna Bolena à en perdre la tête à l'opéra de MarseilleThe Phantom of the Opera hante l'ouverture de la saison lyrique à l'opéra de Monte-Carlo : Jean-François Lapointe Hamlet corps et âme à l'opéra de Marseille Toutes les chroniques de Jean-Luc Vannier

 

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Lundi 12 Décembre, 2016 3:37