18 février 2016, par Jean-Marc Warszawski ——
Stéphane Lelièvre (éditeur), Lettres et musique : l'alchimie fantastique : la musique dans les récits fantastiques du romantisme français (1830-1850). « Musiques xix-xxe siècles », Éditions Ædam Musicæ, Château-Gontier 2015 [476 p. ; ISBN 978-2-919046-11-9 ; 40 €]
Stéphane Lelièvre, spécialiste de littérature comparée, a rassemblé dans ce livre un choix de textes que l'on peut, dans leur variété stylistique et romanesque, assimiler au genre fantastique, ayant la musique ou les musiciens comme sujet.
Ce choix privilégie les années 1830-1850 et l'influence d' E.T.A. Hoffmann (1766-1822).
On y trouvera des nouvelles de George Sand, Théophile Gauthier, Alexandre Dumas, et d'auteurs moins connus aujourd'hui, comme Jules Gabriel Janin (1804-1874), important jalon de la littérature, qui se fit connaître en même temps que Victor Hugo, et donna des lettres de noblesse à la presse à laquelle il participa par ses feuilletons ; Samuel-Henry Berthoud (1804-1891), feuilletoniste et romancier apprécié en son temps ; Théophile de Ferrière le Vayer (1812-1864), avocat devenu écrivain sous le nom de Samuel Bach, Charles Rabou (1903-1871) également avocat, devenu Tobias Guarnerius nom de plume ; un certain Frédéric Mab, qui serait peut-être, hypothétiquement, Berlioz ou Jules Janin ; Raymon Brucker (1800-1875) le rouge, ouvrier fabricant des éventails puis brochant des livres avant de les écrire sous le nom d'Aloysius Block.
Plusieurs de ces auteurs sont passés jusqu'ici sous les radars des ouvrages spécialisés. Les textes sont introduits par une brève notice biographique des auteurs et d'une solide analyse.
Les dix pages (sur 372) d'introduction, qui unit organiquement les années 1820-1830, le romantisme et le fantastique, auraient peut-être mérité un peu plus de soins et de développement.
Si on peut cerner un romantisme littéraire avec l'essor du roman qui lui donne son nom, il n'y a pas de correspondance musicale, et l'on se contente ici d'implémenter un vieux discours sur la question qui réduit les mouvements artistiques du xixe siècle à quelques critères esthétiques censés être romantiques, alors que tous les grands centres urbains (synonymes de culture) européens sont occupés à définir de nouveaux fondements mémoriels l'embourgeoisement des sociétés, histoire, valeurs, fantasmes compris. Ce qui s'affirmera en France au tournant des xixe et xxe siècles avec les Fauré, Debussy, voire Saint-Saëns, et de ce point de vue, avant eux Berlioz, non pas à cause du personnage échevelé ou des titres ou de la rutilance de ses musiques, mais par la recherche d'une musique qui pourrait être enracinée dans l'expression d'une histoire et d'un sentiment de proximité concrète, roturière.
Quant au fantastique, il aurait été intéressant d'en indiquer quelques lignes de la longue durée, depuis les mythes religieux, celui d'Orphée et des pouvoirs de la musique, de ses relations démoniaques au Moyen-Âge, des spéculations ésotériques qui surgissent quand les mythes s'effondrent comme au xviie siècle avec des auteurs comme, entre autres, Athanasius Kircher (1602-1680) ou Robert Fludd (1574-1637). Seulement des indications, pour pouvoir mieux apprécier les filiations de ces textes à la fois étonnants et quelque peu vieillis par les développements éblouissants du genre, dont la science-fiction, et par l'appropriation du cinéma dès les balbutiements de ses premiers bouts de pellicule.
18 février 2016
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