La Somnambula au Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © Jean-Philippe Raibaud.
Amina de la Somnambule n'est ni un soprano colorature, ni un lyrique léger. Le rôle fut créé à moins d'un an de distance par la même cantatrice que Norma, Giuditta Pasta, et repris quelques années plus tard par la Malibran qui était sans doute une sorte de mezzo et que Bellini considérait comme sa meilleure interprète. Ceci posé, il faut reconnaître que Sabine Devieilhe, bien que très éloignée de ces deux profils vocaux, est une musicienne et une interprète d'exception. Elle investit le rôle avec une intelligence et une musicalité tout à fait remarquables et réussit à le faire exister dans le cadre de cette version de concert grâce aux expressions de son visage et un jeu d'attitudes parfaitement en situation. Vocalement sa maîtrise est éblouissante, tant dans les aspects virtuoses — le grand rondo final est splendide et magnifiquement varié dans sa reprise — que dans le grand cantabile. Sa voix même possède au centre une certaine largeur que ses rôles précédents ne laissaient pas supposer. Pourtant un élément lui manque et il est de poids dans un tel répertoire, c'est l'italianité, c'est-à-dire un sens de la langue, un phrasé, une vibration, des couleurs qui devraient faire vivre de façon naturelle le personnage et sa musique. Privé de cela et si nuancée et raffinée que soit son approche, elle brille, intéresse, captive parfois, mais n'émeut jamais vraiment car elle ne transmet pas ce pathos essentiel à l'œuvre et au personnage. En ce sens sa grande scène de réminiscence « Ah non credea mirati », à la fin de l'opéra échoue à distiller l'émotion attendue.
Autour d'elle, la distribution se révèle assez moyenne. Il est bien tard pour un rôle de ténor di grazia comme Elvino dans la carrière de John Osborn dont la voix s'est épaissie à fréquenter des répertoires plus lourds — baryténors rossiniens et ténors lyriques du répertoire français. À l'entrée, le timbre paraît voilé, plein de résonances nasales. Si une excellente technique lui permet de maîtriser les aspects les plus aigus de ce rôle écrit pour Rubini, sa performance reste essentiellement marquée par le travail et manque de ce « slancio » (élan), essentiel dans le répertoire romantique. Seul, le duo du premier acte « Son geloso del zeffiro errante » le voit trouver un accord total avec sa partenaire et cet état de grâce qui justifie cette musique de chant pur qui, sinon, peut paraître indigente et vaine. On doit à la présence de Nicola Ulivieri, Rodolfo généreusement timbré, la seule prestation un peu idiomatique de la soirée qui apporte à la musique de Bellini sa sonorité authentique. Honnête la Teresa de Rachel Kelly mais très ordinaire la Lisa plus soubrette que nature de Jennifer Michel. Alessio à la voix grise, inaudible dans les ensembles, Ugo Rabec semble mimer son rôle plus que le chanter. Exemplaire, le chœur des Cris de Paris n'encourt aucun reproche. Est-ce la direction de Christopher Franklin, pourtant grand spécialiste de belcanto, est-ce une certaine lourdeur de l'orchestre peu familier de ce répertoire ? La partition ne décolle jamais et l'ensemble laisse une impression d'inachevé et d'approximatif.
Concert enregistré et diffusé par France Musique le 21 mai 2016 à 19h
Frédéric Norac
11 avril 2016
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Lundi 6 Mars, 2023