Malgré ses adieux à la scène avec son Guillaume Tell de 1829, dont une magnifique version fut donnée en janvier dernier à l'opéra de Monte-Carlo, Gioacchino Rossini composa à partir de 1830 un Stabat Mater pour Don Francisco Fernandez Varela, œuvre religieuse qui, après de multiples péripéties, fut créée Salle Ventadour à Paris le 7 janvier 1842.
Cinzia Forte. Photographie © D.R.
De cette première exécution à Monte-Carlo dimanche 20 septembre à l'auditorium Rainier III, il faudra sans doute retenir l'extraordinaire prestation, longuement ovationnée, du Chœur de la Radio hongroise (direction : Zoltan Pad) qui a permis d'insuffler une généreuse spiritualité pour une partition d'une incontestable prégnance opératique. Leur « Paradisi gloria » et leur « Amen » final a capella sur d'ultimes pizzicati des cordes expriment d'étincelantes nuances où la clarté lumineuse des voix le dispute à la douce netteté des enchaînements. Lorsqu'ils ne doivent pas décupler leurs talents dans d'exigeantes vocalises afin de ne pas se laisser submerger par l'orchestre — au risque de tirer là encore l'interprétation de l'œuvre vers le registre de l'opéra —, les quatre solistes contribuent brillamment à cette religiosité dans les passages a capella : la soprano Cinzia Forte nous émeut notamment par un suraigu réussi dans « Confoveri gratia » (Aria VIII) ainsi que dans son duo « Qui est homo… » (Duo III). La mezzo-soprano Laura Polverelli termine quant à elle par un magnifique « Filii » une superbe Cavatine (VII). Bien connu du public monégasque (Arnold dans Guillaume Tell, Elvino dans La Sonnambula) le célèbre ténor Celso Albelo clame sa douleur dans un vibrant « Mater Unigeniti » et conclut par un éclatant forte son « nati poenas incliti » (Aria II). La basse Mirco Palazzi nous convainc dès son « Vidit Jesum in tormentis » (Aria IV) et surtout dans son magnifique dialogue avec le chœur « Fac ut ardeat cor meum » (Chœur & récitatif V).
Celso Albelo. Photographie © D.R.
Malgré une coordination millimétrée des solistes avec le chœur et l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo, la direction de Gianluigi Gelmetti accentue cette interprétation opératique, sollicitant trop la masse des pupitres, où la musique ne se contente plus d'accompagner modestement les voix. Rossini y perd un peu de sa légèreté habituelle en dépit, par exemple, d'un étonnant « Sancta mater, istud agas » (Quatuor VI) dont le rythme pourrait être qualifié d'un lively digne du Baroque. L'Aria II nous rappelle étrangement quant à elle une mélodie verdienne — nous pensons à Don Carlos — tandis que le début du finale sonne d'étranges accents mozartiens du Don Giovanni. Dans un entretien, le maestro Gianluigi Gelmetti ne reconnaît-il pas dans cette œuvre « des harmonies qui rappellent Gershwin » ?
Monaco, 21 septembre 2015
Jean-Luc Vannier
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