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Paris, 14 avril 2015, par Frédéric Norac ——

Le sacré Printemps d'Olivier Latry : concert Stravinsky à Notre-Dame de Paris

Olivier Latry. Photographie © Jean-Baptiste Millot.

Avant d'être un instrument associé à la liturgie, l'orgue fut d'abord un instrument de concert. C'est cette tradition que réinventèrent à leur façon les organistes de la fin du 19e et du 20e siècle avec leurs sorties de messe grandioses et leurs improvisations flamboyantes, que perpétuent aujourd'hui les grands noms de l'instrument dont fait partie Olivier Latry. C'est sûrement aussi dans cet esprit qu'il a voulu inscrire au programme de ce concert Stravinsky la version pour piano à quatre mains du Sacre du Printemps, interprétée avec le concours de son élève, la Coréenne Shin-Young Lee, avec tout le faste sonore que permet un instrument aussi spectaculaire que le grand orgue de Notre Dame.

On ne sait ce que Stravinsky aurait pensé d'une telle « transcription », certes d'une grande richesse de timbres et de coloris mais bien loin nous a-t-il semblé de la rigueur rythmique, du mordant sonore, du caractère authentiquement barbare de la musique originale. Les barrissements,  les rugissements des grands jeux semblent un peu surdimensionnés, comme un troupeau d'éléphants lâchés dans la nef de la cathédrale, mais sans avoir l'efficacité de l'orchestration originale. Une certaine boursouflure, des excès de contrastes, une polyphonie à la limite de la cacophonie urbaine (klaxons, sirènes et sifflets) nous ont d'abord laissé un peu perplexe.  La voix céleste, les pianissimi mystérieux renvoient plus à la voix des sphères entendue dans la musique d'Olivier Messiaen — dont Olivier Latry est un grand spécialiste — qu'à la pulsation secrète et intime de la Russie païenne.  Pourtant, passé un certain réflexe de puriste, si l'on accepte de se laisser aller à la simple magie sonore,  on ne peut qu'être bluffé par la virtuosité, la beauté des effets et la maîtrise avec laquelle l'organiste restitue certains traits d'orchestre particulièrement exigeants comme la chute finale. À l'arrivée, si ce n'est pas vraiment le Sacre du Printemps lui-même que nous avons entendu, c'en est une évocation ou une réinvention extrêmement brillante, même si elle reste un peu étrangère au climat original plus âpre et d'une violence plus sourde.

Plus « orthodoxe », si l'on ose dire, nous a semblé en première partie la brève messe latine de 1948 pour chœur et double quintette à vents, dépouillée, archaïsante, aux coloris orchestraux annonçant déjà ceux du Rake's Progress auquel sa sobriété mélodique et une certaine sécheresse fait déjà penser. Excellents le petit chœur mixte d'une parfaite homogénéité et la maîtrise de la cathédrale, impeccables les jeunes solistes de l'orchestre du Conservatoire. L'ensemble est lumineux, transparent du côté de voix, charnu et sensuel du côté des vents. Henri Chalet, nouveau chef titulaire de la Maîtrise, dirige avec beaucoup de souplesse son ensemble dans ce quart d'heure néo-classique d'une spiritualité épurée et lui, à coup sûr, authentiquement stravinskien.

plume Frédéric Norac
14 avril 2015


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