Nous savons l'appétence du public monégasque pour le répertoire et les compositeurs italiens. Le Grimaldi Forum ne faisait pourtant pas salle comble, dimanche 27 septembre, pour découvrir la première exécution à Monaco de la Trilogie Romaine d'Ottorino Respighi (1879-1936), compositeur dont les Impressioni Brasiliane avaient déjà charmé l'auditorium Rainier III en décembre 2014. Cette Trilogie Romaine comprend trois poèmes symphoniques : Fêtes romaines créées au Carnegie Hall en février 1929 par l'orchestre philharmonique de New York placé sous la direction d'Arturo Toscanini, Les Fontaines de Rome et Les Pins de Rome, deux pièces créées respectivement en 1917 et 1924 au Théâtre Augusteo de Rome. Un concert exceptionnel multimédia puisqu'une mise en images par la Fura dels Baus entendait soutenir l'interprétation de l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo dirigé par Kazuki Yamada.
Kazuki Yamada. Photographie © Marco Borggreve.
Le jeune maestro japonais qui prendra définitivement la direction de la philharmonie monégasque en septembre 2016 nous restitue avec un souffle inextinguible doublé d'une méticulosité sourcilleuse, le magnétisme quasi hypnotique d'une partition à l'impressionnante densité émotionnelle. Mû par une « nécessité intérieure d'exprimer une plénitude d'émotions et de sensations qui autrement l'auraient anéanti » selon le témoignage — psychologiquement éclairant — de son épouse, Respighi lui-même reconnaissait « qu'il ne pouvait, de la manière dont l'orchestre est formé actuellement, en obtenir davantage » : son travail d'orchestration alterne, pour chacun des quatre mouvements des trois morceaux, des écritures larges et puissantes à même de décrire les combats mortels des gladiateurs ou la marche virile des Légions sur la Voie Appienne, avec des mélodies d'une infinie douceur qui accompagnent, ici le ruissellement ludique des fontaines, là un doux « frémissement de l'air » aux étranges teintes debussystes. Entre luminosité estivale d'une « Fontaine de Trevi à midi » et la mystérieuse pénombre des « Pins près des catacombes », cette Trilogie Romaine enchaîne ruptures stylistiques, effets dramatiques et jeu élégamment maîtrisé de dissonances. Tous les pupitres d'un orchestre philharmonique de Monte-Carlo en vibrante harmonie avec leur chef, y trouvent leur consécration.
Nous serons en revanche nettement moins laudatifs sur la mise en scène de Carlus Padrissa et la vidéo d'Emmanuel Carlier (Projet et consultation artistique « Old & New Montecarlo » de Valentin Proczynski): mêlant sans grande cohérence images d'archives sur la Ville éternelle et silhouettes pauvrement chorégraphiées, La Fura dels Baus, compagnie théâtrale que nous avons connue mieux inspirée, multiplie une ennuyeuse succession de clichés éculés dont la relation avec la trame musicale ne laisse d'interroger : un éclatant tutti orchestral intervient sur fond de représentations fixes alors que des corps plongent à répétition sur une romance très paisible. Le pire ne nous sera d'ailleurs pas épargné : l'inévitable bruitage d'un filet d'eau du robinet pour Les Fontaines, Adam et Ève qui gambadent dans les prés fleuris pour Les Pins de la Villa Borghèse et un absurde « cui-cui » d'oiseau — celui entendu dans les ascenseurs naturopathes — pour Les Pins du Janicule ! L'audience méritait mieux. Ce qui n'a pas empêché les mélomanes monégasques de réserver une — légitime — ovation debout pour la prestation de l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo et pour celle de son maestro.
Monaco, le 28 septembre 2015
Jean-Luc Vannier
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Mercredi 17 Avril, 2024 1:09