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22 novembre 2013, par Alain Lambert ——

Éléonore Willot, « Light-shows psychédéliques de San Francisco ». LSD, art & rock'n'roll

Willot Éléonore

Willot Éléonore, Light-shows psychédéliques de San-Francisco : LSD, art & rock'n'roll. « Ouverture Philosophique », Éditions de L'Harmattan, Paris 2013 [296 p. ; ISBN : 978-2-343-00970-4 ; 31 €]

Voilà un livre bien intéressant à plusieurs titres. Il explore toute une dimension de la contre-culture rock, son contexte culturel fort complexe (chimique, politique, philosophique, esthétique). Et nous donne même à le revivre par son Journal de bord de San Francisco de 1947 à 1967, des premiers happenings beat à l'apogée du light show, spectacle total voulant recréer l'expérience psychédélique du LSD, un an après l'interdiction de cette drogue. Curieux de s'y replonger tant de temps après, comme si on relisait, en 1970, à quinze ans — mais avec le recul — Je veux regarder Dieu en face de Michel Lancelot, d'ailleurs abondamment cité, car trop jeunes pour avoir connu  le San Francisco ou le Londres de 1967. Et déjà imprégnés de l'esprit post 68 ambiant. Même à Cherbourg, tout en haut du Cotentin, où  la boutique Vertugadin, tenue par de « vieux » hippies, vend des chemises indiennes, la salle des fêtes reçoit Gong, le cinéma Central passe Woodstock. Et sur la place du Théâtre a lieu notre première manif anti-nucléaire contre La Hague !

Cet essai concerne donc surtout la dimension mystique et festive, moins la dimension engagée et politique, comme le confirme page 169 Éléonore Willot : deux manières diamétralement opposées d'appréhender la contre culture, développant chacune leur propre révolution existentielle [voir pour l'autre dimension  notre article sur la contre-culture musicale et celui sur la nouvelle culture].

Par contre, dans la longue introduction sur le LSD, la réflexion critique sur certaines accointances avec la CIA est un peu rapide, un court paragraphe page 92, alors que visiblement les journalistes HP Albarelli, Rob Eilder et Mark Riebling ont poussé l'investigation assez loin, s'interrogeant sur l'ambiguïté des gourous Ken Kesey et Tim Leary. Sans aller jusqu'à l'hypothèse que Woodstock était une gigantesque expérience programmée, il est facile de voir en quoi une drogue anesthésiante pouvait intéresser un État lancé dans une guerre coloniale provoquant une contestation importante de sa jeunesse. Et d'ailleurs, page 170, l'attitude de Kesey est fort étrange, puisque si l'Acid Test de Palo Alto devait en théorie retrouver l'expérience du LSD sans LSD, sous son influence, la drogue est distribuée abondamment dans le jus d'orange...

Le light show voulait recréer l'harmonie des cinq sens, mais la musique, autant que les images mouvantes, y tient une place très importante, ce que confirment les citations des Doors, nombreuses, de Dylan, d'Hendrix, des Beatles, qui rythment les chapitres, au milieu des autres, plus philosophiques ou journalistiques.  Un chapitre entier est consacré à l'expérience musicale de l'arrêt du temps.

Quant au slogan page 265, Quand les rythmes de la musiques changent, les murs de la ville tremblent, bien connu dans cette traduction des lecteurs d'Actuel d'alors, il réfère à la République de Platon, quand Socrate explique que tous les modes et rythmes musicaux ne sont pas appropriés à la Cité Idéale : « car il est à redouter que le passage à un nouveau genre musical ne mette tout en danger. Jamais, en effet, on ne porte atteinte aux formes de la musique sans ébranler les plus grandes lois des cités. » [424c].

Bref, de quoi lire et réfléchir, tout en réécoutant les disques de la discographie indicative.

À signaler aussi la longue introduction du cinéaste et plasticien Anthony Stern qui se raconte, à travers son amitié avec Syd Barrett, et la genèse de son film San Francisco dont la bande-son est le premier jet, nous dit-il de Interstellar Overdrive de Pink Floyd : « C'était la toute première version du morceau, enregistrée sur un magnétophone à quatre pistes : une seule prise jouée en live... C'était comme écouter "Le Sacre du Printemps" de Stravinsky pour la première fois. Un nouveau genre de musique pop, improvisée comme du jazz, avec un rythme implacable. Il fallait un nouveau genre de film pour s'accorder avec. »

À regarder d'urgence avant d'entreprendre votre lecture, pour retrouver (un peu) l'esprit de cette utopie musicale et totale.

plume Alain Lambert
22 novembre 2013
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