musicologie

Leipzig 17 septembre 2022 — Jean-Marc Warszawski

Concert d'ouverture 2022-2023 au Gewandhaus Leipzig

Le Gewandhaus à Leipzig. Photographie © musicologie.org.

La vie musicale municipale de Leipzig commença en 1479, quand la ville embaucha trois musiciens, chargés d’animer les cérémonies municipales, mais aussi les offices religieux des églises. Il s’agira dès lors, pour la richissime bourgeoisie de Leipzig de rivaliser avec le pouvoir politique de Dresden. Au cours des années, le nombre des musiciens municipaux s’étoffa, ils se mêlèrent à des saisons de concerts avec d’autres musiciens professionnels et des étudiants de l’université. Seize musiciens assuraient, à partir de 1743, les « grands concerts » à l’auberge des Trois cygnes, pour des abonnés assez fortunés pour en payer la forte cotisation. Après 1766, ils assurèrent aussi des services à la maison de théâtre nouvellement ouverte. À l’instigation d’un élu de la ville, un étage inoccupé de la halle des drapiers, appelée Gewandhaus, fut transformé en salle de concert inaugurée en 1781. Elle pouvait accueillir un public grandissant en nombre. L’orchestre comptait 32 musiciens.

L’orchestre du Gewandhaus, aujourd’hui mythique, a été dirigé, depuis 1781, par 21 chefs, dont le décisif Felix Mendelssohn qui en a installé la modernité et adjoint le premier conservatoire de musique du territoire allemand, Arthur Nikisch, Wilhelm Furtwängler, Bruno Walter, Kurt Masur. Le vingt-et-unième étant Andris Nelsons.

L’orchestre donne toujours ses grands concerts, aussi ceux dynamiques de musique de chambre avec plusieurs ensembles, tel le quatuor à cordes, fondé en 1808 au sein duquel jouèrent des Ferdinand David, Joseph Joachim ou Julius Klengel, ou le quintette à vent formé en 1896, il assure la musique de la maison d’opéra et les grands moments musicaux de la Thomaskirche encore habitée par Johann Sebastian Bach, et en ces jours de lancement de saison, les musiciens du Gewandhaus animent coins et recoins du centre-ville.

Le concert d’ouverture de ce 16 septembre 2022 a été nommé Concert de la démocratie, le Gewandhaus organisant en journée des discussions citoyennes, considérant que nous devrions nous écouter les uns les autres, comme nous écoutons ensemble les concerts avec nos différences sociales, de religions, de points de vue. Cela s’accorde parfaitement avec le festival Bach de juin dernier, accueillant des ensembles vocaux du monde entier, dont le thème était « We are a Familie ».

L'orchestre du Gewandhaus et Andris Nelsons, 16 septembre 2022. Photographie © Christian Modla.

Au programme de ce concert ouvrant la 242e saison du Gewandhaus sous la direction d’Andris Nelsons, avec la pianiste Yuja Wang et le trompettiste Gábor Richter, la Sinfonia en mi bémol majeur que Felix Mendelssohn composa à l’âge de douze ans, sixième d’une série commandée par son professeur Carl Zelter et certainement destinée à un quintette à cordes, avant d’intégrer, après leur publication très tardive en 1959, le répertoire des grands ensembles à cordes. Si le premier mouvement peut paraître quelque peu scolaire, l’originalité du second et la virtuosité du troisième montrent l’étonnante précocité du compositeur.

Le concerto pour piano, trompette et orchestre à cordes (1933) de Dimitri Chostakovitch, malicieux avec ses citations amusantes, ses allures de collage et d’atmosphère de cirque, où Yuja Wand déploie de grands efforts pour entraîner l’orchestre dans ses impétuosités. C’est du concerto.

Enfin la septième symphonie de Ludwig van Beethoven, pensée pour grand effectif et dont l’idée première est rythmique (ce n’est pas un cas isolé chez Beethoven). Après la critique de Wagner, on en fait une œuvre placée sous le signe de la danse, ce n’est pas certain ni que cela, mais en effet, depuis les premières mesures en passant par l’allegretto reposé central, qu’on reconnaît là aussi du premier coup par son rythme, jusqu’à la frénésie finale, ce sont bien les pulsations rythmiques qui mènent la danse de cette œuvre et ses magnifiques traits mélodiques.

Nous avons apprécié la retenue sonore, un orchestre plus flamboyant que celui de Furtwängler, mais heureusement moins clinquant que celui de Karajan, la justesse cohérente des tempi et les fabuleux pianissimi, dans le silence fervent, voire émouvant, qui caractérise le public mélomane de Leipzig.

Yuja Wang et Gábor Richter, Gewandhaus Leipzig, 16 septembre 2022. Photographie © Christian Modla.

L’ouverture d’une ligne aérienne Vueling directe entre Paris et Leipzig rapproche les mélomanes de la région parisienne de ce temple musical, dans une ville chargée d’histoire, de belles pierres, de ressources touristiques et conviviales insoupçonnées, telles une hôtellerie bien conçue et une restauration de qualité où la tradition de la taverne chaleureuse, toujours présente, s’ouvre à des idées gastronomiques nouvelles.

Jean-Marc Warszawski
Leipzig 17 septembre 2022


Jean-Marc Warszawski, ses précédents articles

Sandrine Tilly et Anne Le Bozec : quatre sonates russes rutilantesLaurent Cabasso, Soliste à l’orangerie des serres d’Auteuil Musique de chambre en Normandie 2022 : haut niveau musical et d’incertitudesLe Sésame de toute la musique de chambre de Maurice Ravel.

Tous les articles de Jean-Marc Warszawski

rect_acturect_biorect_texte

À propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale| Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil. ☎ 06 06 61 73 41

ISNN 2269-9910

bouquetin

Mercredi 21 Septembre, 2022 17:07