5 septembre 2022 — Jean-Marc Warszawski
Laurent Cabasso, dédicaçant ses disques à l'orangerie des serres d'Auteuil.
Après avoir été à l’orangerie des Serres d’Auteuil jusqu’en 2012, puis à l’orangerie de Bagatelle jusqu’en 2021, les Solistes d’Ars mobilis sont de nouveau à Auteuil. Non seulement les serres ont résisté à l’extension du stade Roland Garros, mais l’orangerie a été rénovée et offre une très belle salle de spectacle à l’acoustique précise, même aux derniers rangs.
Vendredi 2 septembre, Adam Laloum inaugurait les sept concerts du weekend avec la création d’un nocturne d’Othman Louati, entre Ravel et Schumann. Samedi à 14 heures, Marie Vermeulin créait une commande passée par Ars mobilis à Yann Robin, mêlée à une très bonne association d’œuvres de Johannes Brahms, Clara Wieck (Schumann) et de Franz Liszt. À 16 heures, Jean-Paul Gasperian jouait une autre commande d’Ars mobilis passée à Michael Jarrell, entre Claude Debussy et Johannes Brahms, association moins commune.
La présence d’une œuvre contemporaine à chaque récital (avec une note de programme) et la politique de commandes, marque de fabrique des Solistes [maintenant] à l’orangerie des serres d’Auteuil, est remarquable.
Quand on ne connaît pas les lieux (honteux pour un parisien), la ville de Paris interdisant tout fléchage, il est difficile de trouver la salle du concert. Les commerçants ne sont pas du coin, la petite dame dit que c’est à gauche et que l’hôtel Molitor, bon repère, est jaune, le chauffeur de taxi, bras tendu, affirme que c’est à droite, je joggeur lui aussi tend le bras et indique : « tout droit et à gauche ». Un trajet d’une demi-heure depuis le métro qui est à dix minutes, avec la traversée du parc magnifique. Il est tout juste dix-huit heures, le récital de Laurent Cabasso commence. La petite dame avait raison, mais l’hôtel est plutôt ocre.
En hors-d’œuvre, les quatre célébrissimes impromptus opus 90 de Franz Schubert, particulièrement chantants, du Lied dans la fantaisie de piano, une main gauche respectueuse, de la rondeur. En dessert, deux toccatas (en do mineur et mi mineur), des sept composées par Johann Sebastian Bach, vers 1710, qui confirment la maîtrise du pianiste dans la clarté des voix superposées, l’acoustique un peu sèche selon l’interprète est en fin de compte ici tout bénéfice pour le public.
Le plat de consistance est de toute évidence Haos que Christophe Bertrand (1981-2010), son ancien élève, a dédicacé à Laurent Cabasso. Une œuvre intense pleine d’imagination, un extraordinaire parcours sonore : quelques notes isolées (et déjà celles qui « tombent » ne sont pas celles qu’on attend), qui se démultiplient, se superposent, s’assemblent dans des traits (ou des gammes), puis se désassemblent en plusieurs voix à vitesses différentes, marquant de nouveau leur indépendance. Enfin dans des évolutions de grave à aigu, tout se résout à une seule note fortissimo.
C'est une œuvre tueuse de neurones de pianistes, la partition que Laurent Cabasso a eu la gentillesse (et l’envie) de nous montrer est plus que saisissante… Mais ici la douleur d'y arriver décuple le plaisir d'y être arrivé à n'être que beauté et poésie.
Dimanche 14 heures, Nour Ayadi, très éclectique propose dans l’ordre Jean-Philippe Rameau, le contemporain déjà classique György Ligeti, le toujours contemporain Franz Liszt, et le moderne Rachmaninov.
À 16 heures, Marie-Joseph Jude baroque François Couperin, et revient à la modernité sans vraiment oser le contemporain, avec Claude Debussy, Maurice Ohana (qu’on ne joue pas assez), et Maurice Ravel.
Le duo de pianos Arhur Ancelle et Ludmilla Berlinskaia clôture, à 18 heures, Les solistes 2022 : Tchaïkovski/Rachmaninov, Gabriel Fauré, Louis Aubert, Olga Viktorova (née en 1960), le tout en ordre chronologique.
Johann Sebastian Bach, Complete Toccatas (BWV 910-916), Laurent Cabasso, piano Opus 102 de Stephen Paulello. Paraty 2021 (Paraty 110197).
Jean-Marc Warszawski
5 septembre 2022
Musique de chambre en Normandie 2022 : haut niveau musical et d’incertitudes — Le Sésame de toute la musique de chambre de Maurice Ravel — Se représenter les représentations de la musique de l'Antiquité — Œuvres de Leopold Godowsky et de Karol Szymanowski par Mūza Rubackytė et Dmitri Makhtin.
Tous les articles de Jean-Marc Warszawski
À propos - contact | S'abonner au bulletin | Biographies de musiciens | Encyclopédie musicale | Articles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale| Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.
Musicologie.org,
56 rue de la Fédération,
93100 Montreuil. ☎ 06 06 61 73 41
ISNN 2269-9910
Lundi 5 Septembre, 2022 12:18