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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : La musique instrumentale de Wolfgang Amadeus Mozart

Mozart : Introduction ; musique pour clavier ; musique de chambre ; musique symphonique ; musique concertante.

Les symphonies 35 à 38 de Mozart

Avec ces trois premières symphonies des années viennoises (trois seulement, car la 37e, K 444 en sol majeur, est en réalité une œuvre de Michael Haydn que Mozart se contenta de préfacer d’un Adagio maestoso de son cru), le compositeur nous a laissé trois chefs-d’oeuvre qui sont parfois dignes de comparaison avec sa glorieuse trilogie finale de 1788. C’est d’autant plus remarquable que, du moins pour les deux premières, Mozart les composa dans la plus grande hâte et, semble-t-il, sans obéir à une quelconque « nécessité intérieure ».

Écrite en 1782, à la demande de Leopold, pour célébrer l’anoblissement d’un ami salzbourgeois de la famille, la Symphonie no 35 en re majeur K 385 « Haffner » est « à mi-chemin entre la symphonie et la sérénade (primitivement, elle avait une introduction en forme de marche). L’allure magnifique du motif initial, caractérisé par de larges bonds mélodiques et un fort accent rythmique, représente beaucoup plus qu’un début frappant de premier mouvement : c’est la base même du mouvement, tout entier placé sous le signe d’une vive agitation, proche pour certains de la colère ou de l’exaspération (surchargé de travail après la création de l’Enlèvement au sérail, Mozart s’était mis à la tâche sans grand enthousiasme, semble-t-il). L’énergie du développement, constellé d’imitations et de modulations mineures, et celle de la réexposition se ressentent de la découverte récente par Mozart des œuvres de J.S. Bach. »142  Après ce mouvement redoutablement moderne (tant dans l’esprit que dans l’écriture), dont Mozart demandait lui-même qu’on le joue « avec beaucoup de feu », le musicien prend soin de rassurer son public salzbourgeois en renouant avec la sérénade, jusqu’à l’étourdissant presto final qui éclate en traits vertigineux confiés aux cordes et aux bois (Mozart voulait qu’on le joue « aussi vite que possible ») et qui, avec ses incessants changements d’atmosphère, conclut idéalement cette œuvre étonnante. Et dire que, bien plus tard, alors que son père venait de lui renvoyer la partition, Mozart écrivait : « Ma symphonie Haffner m’a tout à fait surpris ; je n’en savais plus le moindre mot… », à quoi il ajoutait avec une parfaite lucidité : « Elle doit certainement faire un bon effet. »

Wolfgang Amadeus Mozart, Symphonie no 35 en re majeur K 385, I. Allegro con spirito, par l'Orchestre du festival de Lucerne, sous la direction de Claudio Abbado.

 

Wolfgang Amadeus Mozart, Symphonie no 35 en re majeur K 385, Finale : presto, par la Scottish Chamber Orchestra, spous la direction de Charles Mackerras.

On connaît les circonstances dans lesquelles naquit la Symphonie no 36 en ut majeur, K 425, « Linz » : à l’automne 1783, au retour de Salzbourg où il était revenu pour présenter sa jeune épouse, Mozart fait étape à Linz où il est reçu chez le père d’un de ses amis viennois, le comte Thun, et, pour remercier celui-ci de son hospitalité, accepte de donner un concert. Seul problème : il n’a aucune symphonie sous la main. Il va donc en écrire une nouvelle, et, en s’y plongeant « jusque par-dessus la tête », il en viendra à bout en quelques jours ! Œuvre bâclée ? Que nenni ! Cette symphonie (la première chez Mozart à commencer par une introduction lente) impressionne au contraire par la grandeur de sa conception et par l’ampleur de ses proportions, de même que par la richesse de son instrumentation et de ses contrastes. « On a souvent évoqué Joseph Haydn à propos de cette œuvre si riche et si noble. Ce n’est pas faire injure à son génie que de dire que le propos de Mozart semble ici bien différent, à la fois plus grave et plus ambitieux. À travers les hésitations et les ruptures de ton de cette 36e symphonie (qui est, rappelons-le, une œuvre de circonstance), il est facile de se rendre compte à quel degré de maîtrise formelle et de maturité expressive était parvenu le compositeur, haussant tout d’un coup sa production symphonique au niveau des chefs-d’œuvre que sont les deux premiers Quatuors à cordes dédiés à Joseph Haydn ou la Messe en ut mineur, composés les mois précédents. »143

Wolfgang Amadeus Mozart, Symphonie no 36 en ut majeur K 425, I. AdagioAllegro spiritoso, par le Scottish Chamber Orchestra, sous la direction de Charles Mackerras

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Wolfgang Amadeus Mozart, Symphonie no36 en ut majeur K 425, IV. Presto, par le Wiener Philharmoniker, sous la direction de Carlos Kleiber.

Trois ans plus tard, avec la Symphonie no 38 en re majeur, K 504, « Prague », nous avons définitivement un maître au sommet de son art. « Composée entre Les noces de Figaro et Don Giovanni, elle a des affinités avec l’un et l’autre opéra. L’œuvre entière atteste la plus heureuse des inspirations : chacun des trois mouvements a sa propre marque sur laquelle on ne peut se tromper, correspondant à sa fonction dans le plan général de l’oeuvre. On peut ressentir l’introduction adagio moins comme une voie d’accès à l’œuvre elle-même que tel un drame in nuce, qui fait entrer l’auditeur dans un monde plein de contrastes et d’intensité. Jusqu’au finale, aussi différent de l’andante que celui-ci diffère de la splendide structure synthétique du premier allegro, aucun relâchement de la tension. »144  Par son atmosphère sombre et fatale, l’immense premier mouvement renvoie irrésistiblement à Don Giovanni, mais son allegro fait tout autant « penser à celui de l’ouverture de La flûte, par son thème déjà, par la démarche ensuite, où [avant le prodigieux développement] nous voyons le héros s’élancer pour aller délivrer Pamina : des élans fiévreux, des arrêts méditatifs, de nouveaux départs suivis de nouvelles haltes. Cette alternance correspond à celle des langages : le thématisme pour l’élan, le contrepoint pour l’accalmie. »145 Le presto final, qui, lui, renvoie aux Noces de Figaro auxquelles il emprunte son thème (celui de la scène où, pour fuir le Comte, Chérubin saute par la fenêtre), frappe d’emblée par son exubérance tourbillonnante et piquante, mais cette allégresse apparente est loin d’être constante : elle fait place à des trouées tragiques, générant des contrastes d’autant plus marqués que, comme dans ses concertos, Mozart a recours aux vents pour les éclaircies, et aux tutti pour les accès de violence, tout cela dans une écriture très complexe et avec des harmonies d’une hardiesse qui, certainement, surprit les premiers auditeurs.

Wofgang Amadeus Mozart, Symphonie no 38 en re majeur K 504, I. Adagio-Allegro, par The Academy of Ancient Music, sous la direction de Christopher Hogwood.

 

Wofgang Amadeus Mozart, Symphonie no 38 en re majeur K 504, III. Presto, par le Concentus Musikus Wien, sous la direcrion de Nikolaus Harnoncourt.

Notes

142.   Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (235), septembre 1999.

143.   Parouty Michel, dans François-René Tranchefort (dir.), « Guide de la musique symphonique », Fayard, Paris 2002, p. 517 

144.   Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (230), mars 1999.

145.   Hocquard Jean-Victor, Mozart, de l’ombre à la lumière. Jean-Claude Lattès, Paris 1993, p. 282.

 

 

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Dimanche 13 Janvier, 2019 6:04