Shanghaï, 24 septembre 2015, par Eusebius.

Trois jours d'Intercontemporain à Shanghaï : Portrait Concert of Beat Furrer¹

Beat Furrer. Photographie © UE/Erich Marinitsch

Acteur incontournable de la musique contemporaine depuis bientôt quarante ans¹, ambassadeur de l'excellence et fleuron de la culture musicale française, l'Ensemble Intercontemporain s'est installé trois jours durant à Shanghaï, pour conclure la semaine de la musique contemporaine² par trois concerts.

Matthias Pintscher, son directeur musical, a cédé la baguette à Beat Furrer, auquel est consacrée la première soirée. Ce dernier, Viennois né à Schaffhouse, fondateur de Klangforum, est surtout reconnu dans la zone d'influence germanique. Ses œuvres sont nombreuses, écrites pour des formations très variées³.

Les portes sitôt ouvertes, un public jeune, nombreux, bruyant aussi, a envahi la belle salle. Il saura se faire attentif, concentré et chaleureux durant tout le concert. Cinq œuvres composées entre 1986 et 2012 sont programmées. Plutôt que de tenter de les décrire tour à tour, nous distinguerons les trois œuvres destinées à un ensemble instrumental ou orchestral des deux autres, réservées au piano, toutes d'un raffinement extrême.

Solistes de l'Ensemble Intercontemporain à Shanghaï. Photographie © Eusebius.

Still (1998), Gaspra (1988) et Linea dell' orizonte (2012) font appel à de petites formations, sortes de condensés d'un orchestre symphonique (un instrument par partie, sauf 2 violons) avec piano et deux riches percussions. Au moins quatre traits communs à ces œuvres en constituent les éléments langagiers : Le pointillisme fréquent (nuage, poussière, strates, grappes de sons, rumeurs, cris et chuchotements, gazouillis), fluide, volatile avec des oppositions, contrastes violents, déchirures, jaillissements, lambeaux, échos morcelés jusqu'à l'épuisement ; une pédale stridente des vents, autour de laquelle étincellent des poussières sonores, insaisissables ; des mixtures originales, où la fusion des timbres crée une couleur irréelle, étrange, neuve ; enfin un recours à des chromatismes descendants variés à l'extrême. À partir de ces éléments, Beat Furrer nous offre quatre pièces remarquables dont la dernière doit être créée à Paris très prochainement.

Voicelessness, The Snow Has No Voice (1986) et Studie (2011), pour piano solo, séduisent d'emblée. Même si nous ignorions le titre de la première, l'image des flocons tombant avec légèreté et indécision s'imposerait à plus d'un. Début rare et incertain, dans le medium, monotone, avec quelques motifs mélodiques tonaux, à la limite de l'audible, indicibles, qui vont se densifier autour de notes pivots… une suite contemporaine à The snow is dancing ? Studie relève des mêmes principes. Des éléments chromatiques descendants ténus sont repris avec unissons redoublés pour envahir tous les registres, en se complexifiant, en se densifiant progressivement, avec quintes ajoutées, sortes de variations complexes et très virtuoses, pour décroître et se décomposer jusqu'à la raréfaction. Dimitri Vassilakis⁴ excelle particulièrement dans ce répertoire. Chacune de ces pièces, d'une séduction forte, soulève les acclamations du public.

L'Ensemble Intercontemporain, dont la virtuosité et l'engagement sont le pain quotidien, donne le meilleur de lui-même⁵. La mise en place relève d'une perfection magique.

Dimitri Vassilakis (Ensemble Intercontemporain). Photographie © Aymeric Warmé-Janville.