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René Dumesnil, Portraits de musiciens français, « Les maîtres de l’histoire », Édition d’histoire et d’art, Plon, Paris 1938, p. 70-72.

Camille Chevillard

30 mai 1923.

Il était la conscience professionnelle faite homme, et on pourrait dire qu’il en est mort : quand il fut appelé par M. Jacques Rouché, après la guerre, à la direction de la musique à l’Opéra, il eut pour tâche de remettre en scène le répertoire wagnérien, délaissé pendant les hostilités et qu’un souci sans doute excessif des convenances écarta du théâtre jusqu’en 1920. Chevillard prépara donc la reprise des Maîtres Chanteurs avec le soin qu’on imagine d’un homme qui, toute sa vie, avait servi dévotieusement le dieu de Bayreuth. On escomptait un triomphe, et lui-même ne pouvait, quelque grande que fût sa modestie, refuser de partager ce sentiment général. Pourtant, au lendemain de la reprise, la presse fut aigre-douce. Des roses, certes, lui furent offertes ; mais avec de dures, de piquantes épines. Et ces pointes venaient, pour la plupart, de critiques surpris des « audaces » de Chevillard, audaces qui n’étaient, au fond, qu’un retour aux pures traditions de Bayreuth. On voulait à Paris que les traditions françaises fussent suivies, sans se soucier de savoir si elles n’étaient pas tout simplement des contresens. Les puristes ont tort qui veulent faire respecter la règle... On les condamne au nom de l’usage, même quand l’usage est mauvais. Chevillard dut prendre un congé tant il se sentit atteint, et physiquement plus encore que moralement. Cependant nul ne supposait qu’il dût mourir de ces piqûres, et lui-même ne le soupçonnait pas. Je me souviens que je l’allai voir à ce moment. Il me donna rendez-vous pour un nouvel entretien, à onze heures à l’Opéra quelques jours plus tard. Je fus fidèle à ce rendez- vous, à l’heure dite, je vins, non point à l’Opéra, mais pour saluer un cercueil...

Fils d’un violoncelliste réputé, professeur au Conservatoire, Camille Chevillard était né à Paris en 1859. Entré lui-même au Conservatoire, il obtint un premier prix de piano en 1880, dans la classe de Mathias et aborda les études de composition. Chabrier s'intéressa à lui. Et on voit dans Le Chêne et le Roseau, dans la Ballade symphonique et la Fantaisie Symphonique, que Chevillard, en effet, aurait pu, comme tant d’autres, continuer d’écrire de la musique; ses mélodies, sa musique de scène pour le drame de Schuré La Roussalka, sa musique de piano, ne manquent point de qualités. Mais c’est en servant les autres que Camille Chevillard mit son nom au premier rang. Il végétait, donnant des leçons de piano, lorsqu’il devint le collaborateur puis le gendre de Charles Lamoureux. Il l'assista pour la préparation de Lohengrin, monté à l'Eden-Théâtre en 1887 ; et sa vocation de chef d’orchestre se manifesta. Dès lors il saisit toutes les occasions de remplacer son beau-père, et il le fit avec tant de zèle et tant de succès qu’à la mort de Lamoureux, en 1897, il se trouva naturellement désigné pour prendre la place laissée vide à la tête de l’orchestre.

Ses éminentes qualités de chef, sa fermeté, son autorité lui valurent les plus grands succès. Il fut l’un des premiers à diriger les symphonies de Beethoven et de Schumann et presque tout le répertoire wagnérien sans le secours des partitions. Sa mémoire était aussi vaste que sûre : il pouvait s’y fier sans crainte, et donner toute son attention à sa troupe. Il l’encourageait et la commandait avec impétuosité. Il était d’ailleurs d’une vivacité de caractère, d’une rude franchise qui s’exerçaient aussi bien sur l’orchestre que sur le public. Il était comme le chêne dont il a traduit la solidité dans sa musique : il résistait aux orages et il eût cassé sa baguette plutôt que de plier. Il a littéralement imposé ses idées et ses goûts : les idées étaient justes et le goût excellent. Il croyait que la musique de théâtre est faite pour la scène et que le concert appartient à la musique pure. Il avait d’ailleurs fondé le « Trio Chevillard-Hayot-Salmon » en 1895, ce qui indique exactement sa foi. Il a révélé des œuvres de Brahms, Liszt, Rimsky-Korsakow ; il a fait aimer Schumann. Et puis il a fait connaître une quantité d’ouvrages français, ainsi que la musique russe, à peu près ignorée à Paris avant lui. Il a été un grand serviteur de son art.

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