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![]() Xavier Bisaro
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Ce livre s'adresse à celles et ceux
qui ont de la curiosité pour la pratique du plain-chant — et l'organisation de
cette pratique — sous l'Ancien Régime, la tourmente révolutionnaire et « la fin
du monde » au xixe siècle. Tout cela est dans un titre pleinement justifié. Les admirables travaux menés à Clermont-Ferrant autour de l'équipe de Bernard Dompier pourraient faire penser qu'on avait fait un bon tour du propriétaire, sinon de la question des maîtres de chapelle vaguants à la recherche de meilleures conditions de travail et de rémunération, et des enfants de chœur des maîtrises, techniciens des offices, logés, nourris, blanchis et enseignés, rémunérés pour leurs services pour constituer une cagnotte de sortie, dont il faut aussi assurer l'avenir d'après la mue, par des placements en apprentissages ou des bourses d'études. C'est oublier qu'il y a aussi une église rurale qui ne peut se permettre un tel déboursement pour la dignité liturgique, mais aussi des fidèles, qui tout autant que ceux des églises prospères des villes, tiennent à de beaux offices. Ce livre s'adresse donc aussi aux lecteurs intéressés par l'histoire de la vie rurale. Xavier Bissaro nous raconte donc, à partir d'une abondante documentation essentiellement transversale (on n'écrit pas sur ce qui est évident dans le quotidien), comment les villages tentent d'attirer les chantres, par des avantages tels le logement, ou l'octroi d'activités commerciales, des maîtres d'école pouvant enseigner le plain-chant. Comment les villageois s'organisent eux-mêmes pour trouver de bonnes voix aptes chanter ce latin qu'on ne connaît que phonétiquement. Combien accéder au lutrin est gratifiant et source de jalousies et de querelles. Tout cela porté par un long mouvement de laïcisation qui pourra aboutir a des offices sans prêtre, à des oppositions entre chantres et clergé, et en fin de compte au discrédit des chantres, dignitaires sans foi, célébrés pour leur aptitude à la paillardise. Personnellement, je suis curieux de ce que furent les vieilles pierres, de comment c'est là et pourquoi. Les villages anciens et leurs monuments, les églises séculaires me font toujours méditer, non pas religieusement, mais historiquement. Sans aucun doute, ce livre fait parler les archives, mais aussi les vieilles pierres, et enrichit considérablement l'imagination, pour redonner vie en pensée à ces lieux aujourd'hui un peu endormis par le temps. Ce livre est limpidement écrit, mais il est un livre de recherche référentiel, qui demande de l'attention. Parfait pour la plage l'été, où il y a tant d'ennui vague et de temps à écumer.
Présentation de l'éditeur : Chantons toujours... Le jour de la Saint-Vincent 1795, la ci-devant église paroissiale de Sainte-Pallaye résonne de cette cinglante réponse d'un villageois aux officiers municipaux venus l'interpeller. Entouré d'autres habitants réunis pour faire la messe en l'absence de prêtre, il riposte verbalement aux représentants du nouveau régime, et désigne par la même occasion ce qui apparaît comme le signe efficace et rassurant du rite qu'il prétend accomplir : le plain-chant exécuté par lui et ses compagnons du lutrin. Perdue dans la masse des rapports de l'administration révolutionnaire, la trace de la détermination de ces chantres pose pourtant un singulier problème. Attribut ecclésiastique, le plain-chant est ici revendiqué par un groupe de laïques ; nécessitant des connaissances techniques particulières et reposant sur des textes latins, ce chant semble familier aux peu-lisants d'un bourg rural. Se jouant des frontières culturelles, le plain-chant des campagnes se révèle être, au hasard de cet incident, étroitement chevillé à la société d'Ancien Régime. En croisant des sources relatives à l'enseignement scolaire, à la sociabilité rurale, à la librairie religieuse, aux pratiques musicales inhérentes à la vie paroissiale, ainsi qu'à leurs représentations et aux usages anthropologiques qui leur sont liés, cet ouvrage propose une étude de ce plain-chant dont les traits stables entre le xvie et le xixe siècle autant que les transformations diachroniques accompagnèrent non sans efficience l'émergence, l'enracinement puis l'affaiblissement d'une religion villageoise propre à la France moderne. Xavier Bisaro est maître de conférences à l'université Paul Valéry - Montpellier 3, et membre de l'IRCL (UMR 5186). |