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Opéra de Nice, 6 mars 2011, Jean-Luc Vannier ——

Un Elixir d'amour sans alcool à l'Opéra de Nice

 

Ambiance bucolique sur le plateau de l'Opéra de Nice où l'on donnait, dimanche 6 mars, la première de L'Elisir d'amore composé par Gaetano Donizetti et créé au Teatro della Canobbiana de Milan le 12 mai 1832. Une histoire plutôt simple entre une riche fermière et un jeune villageois un peu naïf. Histoire rendue complexe par les nécessaires médiations alambiquées de l'amour qui réclame sa dose d'aléas et de déni. Au cœur de l'intrigue, l'effet placebo d'un philtre commercialisé par un charlatan, point d'équilibre entre le buffa et le seria de cette œuvre censée mêler psychologie et légèreté. Un équilibre relativement malmené dans cette production du Teatro dell'Opera di Roma qui privilégie le rire au drame et la superficialité des caractères à leur épaisseur : malgré la facture très agréable de l'ensemble, en dépit d'une direction musicale enlevée, cette performance laisse toutefois une impression d'inachevé, un goût d'incomplétude artistique. Propre, lisse mais aseptisé. Tout concourt à rendre cet Elixir « diet », « light », sans alcool.

Photo D. Jaussein

Entre les meules de foin du premier acte et les guirlandes de fleurs du second, piliers d'impeccables décors signés Mauro Carosi, les costumes immaculés d'Odette Nicoletti et les jeux de lumières hyperclassiques de Vinicio Cheli, les efforts louables de mise en scène de Fabio Sparvoli ne parviennent pas à dépasser — voire humaniser — ce qui devient un tableau magnifique mais pareil à l'un de ces gâteaux à l'esthétique tellement somptueuse que la maîtresse de maison peine parfois à l'offrir à ses invités. Autant d'éléments qui limitent la capacité du spectateur à investir la dimension dramaturgique tout comme ils semblent contenir, sinon contraindre, le talent des artistes lyriques. De ce point de vue, le deuxième acte où croît légèrement l'intensité dramatique, relance fort heureusement le rythme et galvanise la texture de l'action.

Photo D. Jaussein 

Conséquence : en dépit d'une très respectable distribution internationale, les voix, techniquement irréprochables, peinent souvent à émouvoir. Dans le rôle titre de Nemorino, le ténor new-yorkais d'origine italienne arrache certes une ovation très méritée pour sa romance du deuxième acte « Una furtiva lagrima » mais il ne quitte jamais un registre vocal verrouillé par la sobriété et marqué par une tessiture réservée aux seuls graves. Dans celui d'Adina, la fraicheur de la soprano Ekaterina Siurina ne parvient pas à faire oublier qu'elle n'est pas italienne.  Il lui manque ce je-ne-sais-quoi de tempérament sanguin qui rendrait plus crédible ses incontrôlables ambivalences amoureuses. Seul le personnage du docteur Dulcamara interprété par Pietro Spagnoli semble très à l'aise — le baryton n'a pas à jongler entre le tragique et le comique —  en osant ajouter plusieurs touches personnelles à sa composition. Le public lui en sera reconnaissant. Le sergent Belcore joué par la basse belcantiste Mario Cassi ne déçoit pas non plus.

La direction musicale d'Enrique Mazzola se veut particulièrement dynamique : en témoigne son exécution de l'Ouverture qui dessine avec brio cette alternance des moments sombres et enjoués, annonciatrice d'une trame scindée entre joie et désespoir. Tout comme sa direction de chanteurs qu'il cherche à entraîner dans ses exigences. Mais ses efforts se heurtent parfois aux forces léthargiques de ce conventionnalisme. Finalement, ce ne sont pas des reproches à même d'être adressés à cette production. Juste des regrets.

Photo D. Jaussein

Nice, le 8 mars 2011
Jean-Luc Vannier
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