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Caen, 16 janvier 2014, par Alain Lambert ——

« Sacre #197 » Dominique Brun chorégraphe : l'alphabet du rituel

Après avoir reconstitué pour le film de Jan Kounen « Coco et Igor » quelques minutes de la représentation scandaleuse de 1913 au théâtre de Champs-Elysées [voir notre chronique du centenaire, le 29 mai 2013], Dominique Brun en prépare la recréation complète à partir des rares archives et des compte-rendus d'époque.

Le Sacre du Pritemps. Croquis de Valentine Hugo, 1913.

Mais d'abord, en prélude, avec sept danseurs dont une mezzo-soprano, ce Sacre #197 (parmi les 200 versions existant à ce jour, sinon plus) joue doublement la carte de la création, en s'appuyant sur une approche électro de la musique de Stravinsky, par un jeune compositeur colombien, Juan Pablo Carreno, qui termine ses études de composition à Paris. Cette relecture musicale a dû en surprendre plus d'un, qui ont quitté la salle du Centre chorégraphique de Caen où se déroulait le spectacle. Alors que la majeure partie du public applaudissait chaleureusement les danseurs, après une heure intense de danse et de musique.

Sacre Le Sacre du printemps, chorégraphie de Dominique Brun au Théâtre de Caen. Photographie © Martin Argyroglo.

Un travail archéologique à partir des quelques dessins que Valentine Hugo a laissés, seul témoignage visuel en dehors des croquis de décors et de costumes. Mais quel témoignage, les gestes des danseurs figés dans le mouvement comme dans une chronophotographie. Gestes que la chorégraphe a proposés aux danseurs et danseuses de s'approprier pour « inventer une danse du sacrifice ». Qui débute d'ailleurs par une crucifixion, d'abord par un élu, puis reprise plus tard par une  élue, dont le cri silencieux et arrondi en rappelle un autre, pictural. Tout comme Le déjeuner sur l'herbe, œuvre fondatrice et scandaleuse de la modernité, représentée peu après.

Travail chorégraphique sur cette série de gestes figés ou animés, développés, entrelacés, accélérés, ralentis, entre danse et mime, parfois. Travail haletant, où les volutes, envolées et arabesques sont oubliées, comme le voulait Nijinski au profit de gestes intériorisés, en repli vers le sol. Quant aux pointes, portées douloureusement quelques minutes par un des danseurs, elles ne font qu'accentuer le frappement des pieds, dont le rythme se mêle à la musique, l'originelle et la nouvelle.

sacreLe Sacre du printemps, chorégraphie de Dominique Brun au Théâtre de Caen. Photographie © Martin Argyroglo.

Car on retrouve des extraits du Sacre dans cette composition pour machines et voix de mezzo-soprano, filtrès, samplés, séquencés, retournés, ou mixés à des extrait des Noces. La voix de Marine Beelen est à la fois dans les enceintes, et sur scène aussi quand elle chante des mélopées chamaniques, ou quand elle reprend la première phrase du Sacre, en la terminant par le thème du Faune de Debussy, que dansa Nijinski auparavant.

Tout un ensemble de références bien assimilées, et créatives, pour ce Sacre #197, qui a su renouveler son approche d'un chef d'œuvre bien sacralisé en un siècle, tout en l'assumant pleinement. Ce dont la chorégraphe a discuté avec un public très attentif après la représentation.

Dans la saison hors les murs du Théâtre de Caen, à noter entre autres curiosités musicales à venir, Répertoire, de Mauricio Kagel, les 18 et 19 févriers.

Plus d'infos sur le site du Théâtre.

plume Alain Lambert
17 janvier 2014

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