Avec une génération d'avance sur Biber, cet Autrichien de naissance — et autrichien endurci, car il fit toute sa carrière à Vienne où il finit au poste de Kapellmeister de la cour avant d'être emporté par la peste — fut un grand compositeur de musique instrumentale en même temps qu'un brillant virtuose du violon et, comme son cadet, contribua beaucoup à l'établissement d'une école de violon sur les terres germaniques du sud.
Ce recueil, le seul de Schmelzer à bénéficier d'une réelle notoriété, est constitué de sonates pour violon dans lesquelles « on retrouve la même frénésie rythmique que chez Biber, un délire violonistique savamment organisé doublé d'usages pittoresques comme la scordatura. Sur des ostinatos de basse, le soliste s‘épanche d'abord dans de langoureuses phrases angéliques avant de s'emballer dans des batteries de triples croches ou des arabesques funambulesques haletantes. »1 Ces pièces, qui ne dissimulent nullement une influence transalpine, mèlent de façon remarquable rigueur d'écriture et liberté du soliste.
Johann Heinrich Schmelzer, Sonate III en sol mineur, Music of the Spheres (Jeanne Johnson, violon).Si la Sonate « du Coucou », également pour violon, a établi de longue date sa notoriété de par son propos illustratif joliment assumé, on n'en dira pas autant de tout un corpus de sonates qui sort peu à peu de l'ombre, et dont il apparaît d'ailleurs qu'il n'est pas, loin s'en faut, entièrement consacré au violon. Citons au moins ici deux recueils peu fréquentés : Duodena Selectarum Sonatarum 1659 (sonates à 5 et 6) et Sacro-profanus Concentus musicus 1662 (sonates à 2 et 3). Des œuvres qui sont encore influencées par la musique anglaise de consort mais intègrent des ingrédients nettement italiens, au point parfois de cultiver un certain éclat vénitien lorsque Schmelzer y convoque trompettes, cornets ou sacqueboutes.
Il faut au passage souligner que ce virtuose du violon brillait également au cornet, ce qui peut expliquer sa propension à jouer des contrastes de toute nature, et en même temps ses talents dans la production de nombreuses musiques de cour, dont les fameux « balletti », ces suites de danses si prisées à la Cour des Habsbourg. On a là tout un corpus mettant en scène les formations instrumentales les plus inattendues, qui plus est au service d'une « dramaturgie » volontiers haute en couleurs. Exemple : « Plein d'une énergie polissonne et d'humeurs changeantes, le ballet Das Narrenspittal est ainsi irrésistible avec ses entrées successives de polichinelles, de fous, de mendiants et de poupées, le tout sagement conclu par une mélancolique sarabande. »2Et l'inventaire ne saurait s'arrêter à ces musiques de divertissement, car en certaines circonstances notre musicien a produit des œuvres réellement originales, telles que l'émouvant et célèbre Lamento sur la mort de Ferdinand III pour cordes et orgue, ou le gigantesque Carrousel qu'il écrivit pour le mariage de Marguerite et Léopold 1er.
Johann Heinrich Schmelzer, Sonate « du Coucou » Trio Romanesca (Andrew Manze).1. Jean-Luc Macia, Diapason (429), septembre 1996
2. Serge Gregory, Répertoire (165), février 2003
Michel Rusquet
2011
À propos - contact | S'abonner au bulletin | Biographies de musiciens | Encyclopédie musicale | Articles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale | Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.
ISNN 2269-9910.
Jeudi 28 Mars, 2024