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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : II. Le xviie siècle baroque.

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Les œuvres instrumentales de Dietrich Buxtehude (1637-1707)

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Pour tout un chacun, ce nom est immédiatement associé à celui du jeune J.-S. Bach, dont on rappelle à l'envi qu'il fit le parcours menant d'Arnstadt à Lübeck (près de 400 kilomètres) pour entendre le vieil organiste dans ses œuvres, et qu'étant parti avec une « permission » de quatre semaines, il y resta — sans guère se poser de questions tant il fut subjugué — près de quatre mois.

Qu'il ait fait tout ce trajet à pied, comme le veut la légende, rien n'est moins sûr. Ce qui en revanche est avéré, c'est qu'il revint transformé de ce séjour : à son retour, il n'accompagnait plus les cantiques de façon conventionnelle, se laissant aller à des improvisations intempestives et prolongées entre les strophes et se livrant dans son accompagnement à d'étranges ornementations qui avaient pour effet d'égarer l'assistance, autant de bizarreries auxquelles les autorités ecclésiastiques lui demandèrent de mettre fin promptement.

Ce que l'on évoque moins souvent de ce séjour de J.-S. Bach à Lübeck, c'est que celui-ci aurait pu s'y assurer un poste stable d'organiste, un des plus prestigieux de toute l'Allemagne, celui — justement — de Buxtehude à l'église Sainte-Marie : on lui laissa en effet entendre que, conformément à une tradition bien établie, et du reste entretenue par le même Buxtehude qui avait conquis ce poste en épousant la fille de son prédécesseur, il pourrait accéder à la fonction s'il consentait à convoler en justes noces avec Anna Margreta, la fille de Buxtehude, de dix ans plus âgée. Mais pour Jean-Sébastien, qui était déjà fiancé à Maria Barbara, c'était trop demander, d'autant que, selon les historiens les mieux documentés, ladite Anna Margreta manquait singulièrement d'attrait : ne dit-on pas que, deux ans plus tôt, deux autres prétendants à la succession de Buxtehude, Mattheson et Haendel, avaient eux aussi préféré tourner les talons…

Tous ces détours pour souligner à quel point Buxtehude bénéficiait, en tant qu'organiste et compositeur, d'une aura exceptionnelle, qui plus est rehaussée par le prestige acquis par ses Abendmusiken, ces concerts spirituels institués par son beau-père, auxquels il donna un retentissement croissant au cours des quarante années qu'il passa à Lübeck. Celles-ci ont tellement compté pour la musique qu'on en oublierait presque l'origine danoise de notre musicien — il était né (d'un père organiste) dans le Holstein qui était alors une terre danoise —, une identité à laquelle il tenait apparemment beaucoup.

Qu'il nous pardonne si, après tant d'autres, nous faisons de lui le plus grand musicien « allemand » entre Schütz et Bach. À tous égards, son œuvre est en effet considérable, et d'une valeur exceptionnelle dans le cas de ses pièces pour orgue ; le reste de son catalogue comporte également bien des joyaux, qu'il s'agisse des œuvres vocales sacrées (par exemple le cycle de cantates Membra Jesu Nostri) ou – dans une moindre mesure — des pièces instrumentales non dédiées à l'orgue.

La place que nous donnons ici à l'instrument-roi ne saurait étonner : « Au travers de quelque quatre-vingts pièces pour orgue, Buxtehude a écrit une œuvre immense, au langage fait de grandeur et de surprises, de lyrisme et d'audaces, mélange savant d'un contrepoint éloquent et d'une liberté large mais dirigée. Si, aux toccatas, chaconnes et canzone du Sud, on oppose généralement les chorals, les vastes préludes et fugues et les passacailles du Nord, d'une écriture plus virtuose faisant largement usage du pédalier, on peut voir que l'œuvre de Buxtehude rassemble ces différentes formes en une synthèse qui trouvera son aboutissement chez Bach. »1 Encore pourrait-on ajouter que « l'univers de Buxtehude est d'une trempe qui n'a pas eu de descendance : si Bach en reprend certaines intuitions et un sens rarement égalé de la plénitude polyphonique, sa théologie plus exigeante en délaisse le décor propre et n'adopte pas non plus ce stylus phantasticus à mi-chemin de la virtuosité et de l ‘improvisation, ni ces inflexions typiquement épanouies et intimistes qui sont la marque de Buxtehude. »2

Les pièces libres pour orgue   

On dénombre une quarantaine de pièces répondant à cette définition, c'est-à-dire non fondées sur des cantiques liturgiques, dont une majorité sous forme de préludes (ou toccatas).

En fait de Préludes (ou Toccatas), on pourrait — et c'est parfois le cas — parler de préludes (ou toccatas) et fugues. En effet, « destinés à accompagner le mouvement des fidèles entrant ou sortant de l'église, ou à servir de portique pour une cérémonie religieuse ou parareligieuse (une Abendmusik par exemple), le Praeludium (ou Praeambulum) et la toccata se différencient nettement des diptyques ou triptyques qu'écriront Bach et ses successeurs. Il s'agit en effet ici de morceaux d'un seul tenant, polyptyques aux volets juxtaposés, opposant le style fugué à une écriture rhapsodique de prélude ou de toccata. » Ainsi peut-on dire « que le schéma archétypique du praeludium buxtehudien suivrait un plan en cinq volets enchaînés : Prélude ou Toccata / Fugue en rythme binaire / Interlude ou transition / Fugue en rythme ternaire / Postlude en style de toccata et cadence.»3

Et le même Gilles Cantagrel de souligner à quel point les différentes séquences d'un même morceau « s'opposent en de vigoureux contrastes, selon un goût prononcé pour le stylus phantasticus et son éloquence théâtrale… Comme dans les monumentales Chaconnes et la Passacaille, se déploient ici l'inépuisable veine inventive du compositeur, son ardeur véhémente, d'une originalité parfois hardie. Mais une tenace volonté organisatrice maîtrise et domine le cours foisonnant de l'imagination. » Dans l'élaboration de ses architectures, Buxtehude « s'ingénie à faire découler les différentes parties de ses ensembles d'un matériau thématique restreint, voire d'une cellule unique dont elles présentent des figures extrêmement diversifiées, irriguant toute l'œuvre par la prolifération de motifs dérivés. » Et d'ajouter : « On ne saurait enfin mésestimer la composante proprement physique, la jubilation sensuelle, parfois, qui intervient dans l'élaboration de ces polyptyques. L'exubérance imaginative du compositeur a pour corollaire la griserie qui l'emporte à faire cingler un trait fulgurant, à marteler des accords dans toute la puissance de l'orgue.»4

Dans ces préludes et toccatas, tout est admirable, mais s'il fallait mettre en exergue les pièces les plus remarquables, on citerait à coup sûr, outre les cinq toccatas, les préludes Bux WV 137 en ut majeur, 140 en mineur, 142 en mi mineur, 143 en mi mineur, 147 en sol majeur, 153 en la mineur, et, plus encore, deux chefs-d'œuvre absolus : le Praeludium en fa dièse mineur BuxWV 146 et le Praeludium en sol mineur BuxWV 149.

Dietrich Buxtehude, Prélude en fa dièse mineur (BuxWV 146), Helmut Walcha (orgue), Polydor 1972. 427 133, plage 7.


Dietrich Buxtehude, Prélude en sol mineur (BuxWV 149), Ton Koopman (orgue)


À côté de ces préludes et toccatas, et on y a fait allusion plus haut, figurent les trois pièces absolument majeures que sont les deux chaconnes (BuxWV 159 en ut mineur et 160 en mi mineur) et la passacaille BuxWV 161 en ré mineur. Des œuvres qui ont dû constituer des morceaux de choix pour les Abendmusiken et qui ont pour point commun de relever du genre ostinato à variations, avec chaque fois une trentaine de variations dans lesquelles le talent de Buxtehude brille de tous ses feux. Ici, en particulier avec la puissante et magistrale passacaille, comme avec les préludes BuxWV 146 et 149 cités plus haut, on a des œuvres  que l'on peut placer à égalité avec les plus hautes réalisations pour orgue de Jean-Sébastien Bach.

Dietrich Buxtehude, Chaconne en ut mineur (BuxWV 159), par Bine Katrine Bryndorf


Dietrich Buxtehude, Chaconne en mi mineur (BuxWV 160), Helmut Walcha (orgue), Polydor 1972. 427 133, plage 10.


Dietrich Buxtehude, Passacaille en mineur BuxWV 161, Helmut Walcha (orgue), Polydor 1972. 427 133, plage 11.


En matière de pièces dites libres, le catalogue d'orgue de Buxtehude se clôt sur une dizaine de pièces qui apparaissent sous les titres de canzone, canzonette ou fugues. Ce sont là des pièces plus modestes, pour la plupart écrites sans partie de pédalier obligée, mais tout de même assez remarquables, notamment dans le cas de la canzonetta en mi mineur (BuxWV 169), de la canzona en sol majeur (BuxWV 171) et de la Fugue en ut majeur (BuxWV 174). Dietrich Buxtehude, Canzona en sol majeur (BuxWV 171), Par Bine Katrine Bryndorf


Dietrich Buxtehude, Fugue en ut majeur (BuxWV 174), par Bine Katrine Bryndorf


Les chorals pour orgue  

Autre grand volet de l'œuvre de l'organiste de Lübeck, la cinquantaine de chorals qui nous sont parvenus et qu'il a écrits pour la plupart sur des cantiques luthériens, en faisant toutefois quatre incursions (un Te Deum et trois Magnificat) en territoire catholique.

Dans cette production, il faudrait distinguer préludes de choral, fantaisies de choral et chorals variés. Dans le premier cas, « la fonction du Choralvorspiel est d'introduire le chant de l'assemblée : il donne l'intonation, en énonçant intégralement la mélodie du cantique soutenue par un accompagnement », mais cet énoncé est suivi d'un bref développement plus ou moins ornementé dans lequel le compositeur est censé enrichir la mélodie et apporter au texte un commentaire musical en se gardant toutefois (rappelons-nous les débordements du jeune Bach à son retour de Lübeck…) d'égarer le public des fidèles.

Dans le cas des Chorals variés, on a affaire à « un certain nombre de variations sur l'énoncé complet d'un cantique. La mélodie est d'abord exposée intégralement, en un premier versus ;  puis des variations, séparées les unes des autres, la reprennent, toujours dans son entier, mais sous des traitements différenciés. Chaque variation ou versus correspond (ou peut correspondre) à une strophe nouvelle du texte du cantique ; elle peut ainsi se prêter à un usage en alternance avec des versets chantés. »5

Quant aux fantaisies de choral, comme le nom le laisse supposer, ce sont des compositions beaucoup plus libres où, à partir de la mélodie du cantique retenu, le compositeur va laisser libre cours à son imagination, jusqu'à y introduire des épisodes de toccata ou des effets d'écho, ce qui ne pouvait que convenir à notre musicien. Et en effet, s'il n'en a pas forcément écrit beaucoup (huit seulement nous sont parvenues), certaines d'entre elles sont particulièrement développées. On pense ici à la Fantaisie BuxWV 218 sur le Te Deum laudamus et à celle sur Nun freut euch lieben Christen g'mein, BuxWV 210, qui frisent l'une et l'autre le quart d'heure, mais on trouvera  autant de sujets de délectation dans des fantaisies moins grandioses telles que celles sur Ich dank dir, lieber Herre (BuxWV 194),  sur Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ (BuxWV 196) ou sur Wie schön leuchtet der Morgenstern (BuxWV 223).

Dietrich Buxtehude, Te Deum laudamus (BuxWV 218), Jean Charles Ablitzer (orgue), Harmonic Records 1988


 

 

Dietrich Buxtehude, Ich dank dir, lieber Herre (BuxWV 194), Jean Charles Ablitzer (orgue), Harmonic Records 1988


Dietrich Buxtehude, Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ (BuxWV 196), par Bine Katrine Bryndorf.


Dietrich Buxtehude, Wie schoen leuchtet der Morgenstern (BuxWV 223), par Simone Stella

Bien que de genres nettement plus asservis au culte, les préludes de choral et les chorals variés sont — musicalement et poétiquement — autant de joyaux, parmi lesquels il est difficile de faire un choix même si quelques-uns bénéficient d'une cote particulière : Ein' feste Burg ist unser Gott  BuxWV 184 (célèbre choral de Martin Luther), Durch Adams Fall ist ganz verderbt  BuxWV 183 (tout aussi remarquable que celui du même nom figurant dans l'Orgelbüchlein de Bach), Ach Herr, mich armen Sünder BuxWV 178 (un des plus émouvants) ou encore Der Tag, der ist so freudenreich BuxWV 182 (au caractère jubilatoire si communicatif). En réalité, tout ce répertoire offre à la fois une grande variété de climats ou de couleurs et un champ de découvertes presque infini à l'auditeur passionné, le compositeur poussant le zèle jusqu'à offrir parfois deux ou trois versions du même choral, un détail qui compte quand on sait à quel point notre homme n'a pas son pareil (du moins avant Bach) pour commenter musicalement un texte religieux.

Dietrich Buxtehude, Ein' feste Burg ist unser Gott (BuxWV 184), par Bine Katrine Bryndorf


Dietrich Buxtehude, Durch Adams Fall ist ganz verderbt (BuxWV 183), par Bine Katrine Bryndorf.
Dietrich Buxtehude, Ach Herr, mich armen Sünder (BuxWV 178), par Bine Katrine Bryndorf.
Dietrich Buxtehude, Der Tag, der ist so freudenreich (BuxWV 182), par Jean Charles Ablitzer (orgue), Harmonic Records 1988.

Pièces pour clavecin   

En qualité (quoi qu'en disent certains), les quelque vingt-cinq pièces pour clavecin (dix-neuf suites et six séries de variations) qui nous sont parvenues, à la faveur d'une découverte effectuée au Danemark en 1942, se situent généralement en retrait de l'œuvre pour orgue.

Certes les suites ont pour elles l'atout du brio et de la virtuosité, et cela peut suffire pour emballer le public, mais elles souffrent globalement d'un manque de substance, ce qui laisse supposer qu'il s'agirait d'œuvres écrites par un très jeune Buxtehude. Dans ces suites de danses calquées sur le modèle français, on peut tout de même trouver ça et là, et notamment dans telle ou telle sarabande mélancolique, et plus globalement dans la  Suite en fa majeur BuxWV 238, des moments annonçant les grandes réalisations poétiques de leur auteur. Et avec Guy Sacre, on se prend à « rêver aux Sept suites de Buxtehude sur la nature et le caractère des planètes, dont Mattheson nous parle avec émerveillement, et qui ont disparu sans laisser d'autres traces… »6

Dietrich Buxtehude, Suite en fa majeur BuxWV 238, par Lars Ulrik Mortensen.

Les variations méritent quant à elles une plus grande considération, même si ce corpus se révèle très inégal. Outre la série de variations sur More Palatino, l'attention des interprètes se porte avant tout sur les trente-deux variations sur l'aria La Capricciosa, « une vraie trousse de voyage de la technique instrumentale »7 selon Guy Sacre. Une œuvre imposante en tout cas, malgré des hauts et des bas, que cette partition « dont le souffle, l'architecture et la vision rhétorique préfigurent les Goldberg ou les Diabelli. Dans cette œuvre grandiose, Buxtehude retrouve la manière foisonnante et fantasque d'un Frescobaldi avec la puissance narrative de Bach. »8

Dietrich Buxtehude, Variations sur More Palatino (BuxWV 247), par Lars Ulrik Mortensen.
Dietrich Buxtehude, Variations sur La Capricciosa (BuxWV 250), par Lars Ulrik Mortensen.

Sonates en trio  

Nous disposons de vingt et une Sonates en trio dont la composition se serait échelonnée sur une trentaine d'années : les sept de l'opus 1 (BuxWV 252-258) publié en 1694, les sept de l'opus 2 (BuxWV 259-265) publié en 1696, et sept autres — apparemment les plus anciennes — conservées sous forme de manuscrits.

Particularité de ces sonates : au lieu de convoquer comme instruments mélodiques deux violons, elles confrontent un violon (ou exceptionnellement deux) et une viole de gambe, prenant appui sur un continuo assuré par le clavecin. Et dans leur structure, elles se distinguent également des sonates italiennes dernier cri par un nombre de mouvements (ou sections) très variable, allant de trois à plus de dix.

Vrai mélange d'exubérance et d'intériorité, ces sonates témoignent elles aussi de l'invention fantasque mais aussi rêveuse de Buxtehude. A côté d'arias langoureuses, il y applique à grande échelle ce stylus phantasticus alors très en vogue en Allemagne du Nord. On pourrait d'ailleurs étendre à l'ensemble de ces sonates le commentaire suivant qui visait celles de l'opus 2 : « Après les sept sonates de l'opus 1, voici les sept de l'opus 2, d'une bizarrerie structurelle accrue. Buxtehude y multiplie les sautes d'humeur et les ruptures abruptes, un peu à la manière de Biber… On se laisse prendre à cette orgie de rythmes et de traits diaboliques, à cette faconde discursive qui culmine dans les étonnantes cadences du premier mouvement de la troisième sonate… Un affriolant Buxtehude à déguster sans modération. »9

Dietrich Buxtehude, Sonate en sol mineur op.2 n°3 (BuxWV 261), par John Holloway, Jaap ter Linden et Lars Ulrik Mortensen.

Notes

1.Hervé Elie, Le Monde de la musique (174), février 1994.

2. Marc Desmet, Le Monde de la musique (241), mars 2000.

3. Gilles Cantagrel, Le guide de la musique d'orgue, Fayard, 2003 , p.217.]

4. Ibid., p.217-218.

5. Ibid., , p.229 et 236.

6. Guy Sacre, La musique de piano , Robert Laffont, 1998 , p.549.

7. Ibid., p.549.

8. J.-L. Macia, Diapason (467), février 2000.]

9.  Ibid., (419), octobre 1995.]

Biographie de Dietrich Buxtehude.

Michel Rusquet
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Samedi 25 Septembre, 2021