bandeau texte musicologie
1er décembre 2014, la Salle Playel, par Strapontin au Paradis ——

Récital de la pianiste Valentina Lisitsa salle Pleyel

Valentina Lisitsa. Photographie © Gilbert François.

Au programme de cette soirée : Ludwig van Beethoven, sonate no 17, opus 31 n1 « La Tempête » ; Robert Schumann, Études symphoniques, opus 13 (avec 5 nouvelles variations) ; Johannes Brahms, Intermezzi, opus 117, Klavierstücke, opus 118 ; Segueï Rachmaninov, sonate no 1, opus 28.

Le nom de Valentina Lisitsa est plus connu chez les jeunes qui se plaquent sur leur écran, pas forcément amateurs de musique classique, que chez les mélomanes « standards ». Les vidéos que la pianiste a mises en ligne ont été visionnées quelques dizaines de millions de fois ; elle a été surnommée « Val » par ces internautes qui en ont fait leur idole. Dans le monde de la musique classique, le phénomène, jusqu'à ce point, est rare. Donc, c'est avec beaucoup de curiosité que Strapontin a pris place au parterre de la Salle Pleyel. Pour une fois, je n'étais pas au Paradis !

Lisitsa apparaît sur scène, avance vers le piano. Elle est grande, pour ne pas dire géante. Une robe écarlate, dont la jupe est faite de deux grands drapés, se retourne au rythme de ses pas pour laisser voir de temps à autre ses longues jambes et ses sandales dorées à talon aiguille. Est-ce une metteuse en scène aussi ? Je l'ignore. Mais cette image, qui suggère un côté luxe de la musique classique tout en mettant la jeune femme en valeur, plairait certainement à ses fans.

La chose sérieuse commence. Je ne sais pas si le programme de cette soirée a été choisi d'après les avis des internautes, comme elle le fait pour poster ses vidéos, mais ce qui est sûr, « La Tempête » de Beethoven n'est pas adaptée pour commencer son récital. Le tempo bouge sans raison plausible, il manque cruellement de clarté non seulement dans les phrasés, mais aussi dans les motifs, pas de respiration même au moment de grand changement sur le plan musical (la « tempête » après l'accalmie, par exemple), et tout se passe par un seul trait. Bref, il n'y a pas tellement de construction, ni de lecture de partition. Je m'inquiète pour la suite. Et la suite, ce sont les redoutables Études symphoniques de Schumann. Elle se montre attentive pour les premiers accords du thème, mais dès la première variation, elle « fonce » à la vitesse TGV. De plus, elle plaque les accords et les notes de toutes ses forces, toujours sans respiration, comme si elle devait à tout prix dominer le piano. Elle a de la technique, mais elle ne l'utilise que pour jouer vite et fort ; la force qu'elle déploie à chaque note se perd, sans aucune répercussion efficace pour la musique.

Paradoxalement à cette performance musclée, l'instrument ne sonne pas pour autant, sinon sort du son raide et dur… C'est étouffant. J'ai dit qu'il n'y avait pas de lecture de la partition. Pour étayer mon propos, je cite juste un exemple : dans la septième variation (Étude VIII), où il est question de notes pointées précédées à chaque fois de trois notes rapides (ces trois notes doivent préparer la note pointée de façon à y aboutir dans une continuité), un peu comme une ouverture à la française, elle ne joue pratiquement que la note pointée accentuée, négligeant les fameuses trois notes précédentes. Du moins, c'est ce que j'ai entendu. Mais bon… Prenant mon courage à deux mains, je cherche des points positifs dans ce déluge sonore… enfin, j'essaie. Et je trouve (ouf !) : quand la musique est calme, sans trop de forte, elle est capable de sortir une belle sonorité, certes toujours dure, mais quand même, avec de beaux chants. Et les Intermezzi de Brahms après l'entracte confirment mon constat. Mais avec les Klavierstücke, elle retrouve la précipitation, brisant brusquement la paix. Et je ne commente pas la Sonate de Rachmaninov...

J'ai juste entendu comme bis l'Ave Maria de Schubert arrangé par Liszt. Pas mal, à dire vrai, mais j'ai quitté mon parterre tout de suite après, sans m'arrêter pour écouter La Campanella de Liszt (dont j'ai entendu le début dans les escaliers), ni la salve de bravos des admirateurs.

Strapontin au Paradis
1er décembre 2014


rectangle acturectangle biorectangle texterectangle encyclo
logo grisÀ propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale| Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

paypal

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.

ISNN 2269-9910.

cul_2305

Mercredi 21 Février, 2024