bandeau texte musicologie
Gerbey, avril 2011, par Jean Duchamp.

Giovanni Pierluigi da Palestrina « Missa pro defunctis »

Giovanni Pierluigi da Palestrina, Missa pro defunctis (restitution et transcription par Jean Duchamp). « Inédits : Jacques moderne », département musique-musicologie, Université Lumière Lyon 2, 2011 [ISBN 978-2-9527137-2-6].

Le manuscrit CL II 476 de la bibliothèque Ariostea de Ferrare1, entièrement consacré à la liturgie des défunts comporte les psaumes, répons et litanie des morts en plusieurs versions ; il renferme aussi trois messes de requiem : une messe basse anonyme, un requiem attribué à Jachet2 et un autre à « Palestina ».

Ferrare, Bibliothèque Ariostea, CL II 476,  Tenor , fol. 13.

Parmi les nombreuses variantes du patronyme de Giovanni Pierluigi da Palestrina, celle de « Palestina »orthographiques; est assez fréquente. On la trouve par exemple apposée à l'édition que réalise Pierre Phalèse,  en 1583, du célèbre madrigal Vestiva i colli3 ainsi que sur le manuscrit C 103a des messes mantouanes, conservé à Milan :

Milano, Conservatorio Giuseppe Verdi, fondo « Santa Barbara », ms.  C 103a.

Il reste que la messe que nous présentons ici ne semble pas posséder de traits stylistiques  étrangers au maître de la Capella Giulia ;  bien au contraire, la façon dont le plain-chant est traité, l'approche de la dissonance et la recherche de la juste accentuation du texte constitueraient autant de traits  qui lui sont propres.

Le manuscrit est formé de quatre volumes (Superius, Contratenor, Tenor, Bassus) de 169  mm ×  239 mm  comportant une vingtaine de folios. Aucune indication ne permet de le dater, bien que l'étude matérielle de son papier et de ses filigranes indique une origine d'Italie du Nord (Émilie Romagne ou Lombardie —  région de Mantoue  —), et une datation entre 1556 et 1589. Par ailleurs, le fonds des manuscrits ayant appartenu à la basilique Santa Barbara de Mantoue4 contient un volume (n° 164)  où sont copiés plusieurs mouvements de la messe de Jachet présentés anonymement, mais le Christe, l'offertoire, le Sanctus, le Benedictus et l'Agnus Dei ont été changés. Le changement le plus notable concerne l'offertoire au-dessus duquel attribution est faite à « Iaches Wert ». Ce livre, copié en 1587, apporte un argument permettant de penser que le recueil de Ferrare est antérieur à cette date. Il en irait évidemment de même de la messe de Palestrina. Toutefois, remarquons que, bien que le maître de chapelle de la Capella ê Giulia ait entretenu une correspondance avec le  duc Guglielmo Gonzagua de Mantoue dès 1568, allant jusqu'à lui fournir, entre 1578 et mars 1579,  neuf messes relevant de la liturgie spécifique que ce dernier entendait fixer dans son duché, Palestrina n'a pas placé dans le groupe des messes mantouanes de messe de Requiem.

La polyphonie paraphrase ici la messe grégorienne dont la mélodie se trouve placée, au Ténor, dans l'Introït et le Kyrie et, au Superius, dans le Dies irae. Dans l'offertoire et la communion celle-ci est portée par toutes les voix, paraphrasant les principales modulations selon les principes du contrepoint imitatif.

Dans le Sanctus et l'Agnus, Palestrina revient à une citation plus stricte du  plain-chant à la voix d'Altus.

Ce requiem est écrit pour un ensemble de voix d'hommes dont la partie Superius n'excède pas le si3. Comme le tableau ci-dessous le montre, l'ambitus des voix est serré dans le grave pour les deux premières pièces pour s'élever dans le medium pour les deux pièces centrales, et enfin revenir aux sonorités les plus graves dans les trois dernières parties.

Les sonorités ainsi recherchées par Palestrina, assez originales dans sa production, conduisent à penser que cette messe a été commanditée par une institution particulière qui avait pour vocation de chanter les messes de funérailles, comme celle de l'Academià ê della morte de Ferrare ou l'Academia della buona morte de Finale milia5.

Cette messe  a été copiée par un seul copiste. Celui-ci semble musicien car il s'attache à distribuer très précisément les syllabes sous la musique, suivant d'ailleurs scrupuleusement les indications du compositeur qui plaça à cet effet de nombreuses ligatures. Cependant, certaines règles concernant la lecture rythmique de ces ligatures lui sont étrangères, voire archaïques, puisqu'il inverse indifféremment le sens des hampes placé à gauche des neumes, transformant ainsi des se mi-brèves en brèves ou des brèves en longues. Ces erreurs démontrent peut-être un usage non-professionnel du manuscrit qui, bien que visiblement utilisé (traces de bougies) n'a pas été corrigé… /p>

Principes de transcription

Le plain-chant cité dans la source a été transcrit de façon plane.

Les parties de plain-chant ajoutées ont été transcrites d'après le manuscrit des archives capitulaires de Ferrare.

Les clefs ont été ramenées aux seules clefs de sol, clef  de sol octaviée et fa. Les hauteurs d'origine sont conservées.

Les rythmes sont réduits selon le ratio : brève = ronde.

Les indications de répartition du texte sous la musique ont généralement été conservées, d'autant plus qu'elles sont rarement en contradiction avec les sources théoriques sur ce problème. Nous avons développé les répétitions d'incises que nous séparons par une virgule mais aucune autre ponctuation n'a été ajoutée. Sous la musique, l'orthographe d'origine a été conservée comme :  ire pour Dies iræ. En outre, dans un souci d'uniformisation du texte, des majuscules ont été ajoutées au début de chacun des  vers de la séquence. 

Gerbey, avril 2011.
Jean Duchamp.

 1. Cf.  Duchamp (Jean ), « Un manuscrit musical pour la liturgie des morts et ses Requiem  inconnus de Palestrina et Jachet » in  : Revue de musicologie,  tome  96/ 2 , Société française de musicologie,  2010 , p . 271–319.

2. Rien n'indique quel patronyme ajouter au prénom Jachet : Jachet de Mantoue, Jachet Berchem, Jachet Brumel ou d'autres ?

3.   RISM 158315 : Musica Divina di XIX. Autori Illustri, a IIII V. VI. et VII Voci… Anvers  : Pierre Phalèse, 1583.  

4.  Le fonds Santa Barbara est aujourd'hui conservé à la bibliothèque du Conservatoire G. Verdi de Milan (Santa Barbara, SB 164).

5. Ces hypothèses, présentées dans  l'article précité, ont été en partie suggérées par Adriano Cavicchi : « Una sconosciuta messa funebre di probabile attribuzione palestriniana » : Atti del convegno di studi palestriniani (28 septembre –2 octobre 1975), éd.  Francesco Luisi, Rome : 1977, p.  413–414.


rect acturectangle biorectangle texterect encyclo
logo noir

À propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale| Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

paypal

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.

ISNN 2269-9910.

cul_2305

Samedi 23 Mars, 2024