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Opra de Monte Carlo, 28 janvier 2011, par Jean-Luc Vannier

Un ballo in maschera

Fallait-il annuler ou maintenir la performance ? S'il est délicat de répondre à cette question, le fait de se la poser donne déjà une idée des réflexions qui n'ont pas manqué de surgir lors de la représentation, mardi 25 janvier, du Bal masqué de Giuseppe Verdi à la Salle Garnier de la Principauté. Le drame verdien se jouait véritablement quelques heures avant le lever de rideau : souffrante, la soprano Violeta Urmana déclarait forfait. La décision fut prise de faire appel à une jeune artiste, Iano Tamar, pour la remplacer dans le rôle titre d'Amelia : location d'un avion privé et arrivée tardive le soir même. On fait plus simple. « C'était cette solution ou l'annulation » était-il expliqué dans les coulisses. Déjà, avant même la première, le ténor prévu Fabio Armiliato avait quitté cette production.

Créé au Teatro Appolo de Rome le 17 février 1859, coproduit cette fois-ci par l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse, l'Opéra de Rennes, l'Angers-Nantes-Opéra et avec le concours d'Alliance-Opéras, ce mélodrame en trois actes requiert un solide équilibre dans la distribution que les circonstances ont malheureusement contribué à rompre.  Alors que les deux rôles masculins, malgré quelques forçages vocaux, suscitent l'enthousiasme et méritent des félicitations, la pauvre Amelia et la diseuse de bonne aventure ne parviennent pas à se hisser au même niveau d'excellence que leurs partenaires. Malgré son engagement dramatique, en dépit de son investissement scénique – elle met du cœur à l'ouvrage – Iano Tamar ne réussit pas à convaincre : elle hésite dans les aigus, souvent criards et à la sonorité métallique. Précédé de l'aria « Ecco l'orrido campo » où la soprano semble un peu plus à l'aise, le fameux duo – et le seul dans cette œuvre – du second acte entre les amants « oh, qual soave brivido » ne bouleverse pas outre-mesure alors qu'il représente, dans l'esprit du compositeur, le climax amoureux de l'intrigue.

Dans le rôle de Madame Arfvidsson, alias la sorcière, la mezzo-soprano Elisabetta Fiorillo semble elle aussi déstabilisée : à l'image d'une échelle sonore qu'elle monte ou qu'elle descend, son interprétation alterne de manière inexplicable les registres vocaux, passant de notes élevées à de soudaines graves rocailleuses et désagréables, censées représenter la profondeur de ses transes. En revanche, les moments mettant en scène la jeune soprano Alexandra Marianelli dans le rôle du page Oscar réservaient un vrai bonheur lyrique : voix limpide et fraîche, clarté cristalline des aigus et dynamisme scénique. A eux seuls, les principaux rôles masculins méritaient le maintien de cette soirée : Massimiliano Pisapia campe un Gustavo majestueux dont la puissance et la rigueur vocales ne sont jamais prises en défaut. Le ténor italien s'impose brillamment dès les premières mesures et maintient les exigences du rôle, notamment celle d'une diction méticuleuse et d'un ton juste, jusqu'à l'ultime seconde de son agonie. Si son chant paraît souvent plus lié, le baryton Ludovic Tézier incarne un comte Anckarström tout aussi persuasif, notamment dans son déchirant monologue du troisième acte « Eri tu che macchiavi quell'anima »

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Malgré des jeux de lumière suggestifs (Patrick Méeus) et l'intelligente du décor (Alain Chambon), on regrettera une mise en scène (Louis Désiré) minimaliste et d'un statisme désespérant : du cabinet du roi au bal masqué de la scène finale, les chœurs de l'Opéra de Monte Carlo, au demeurant de grande qualité, sont sagement fixés en rang d'oignons et confinés dans un espace restreint. De même, l'idée de faire jouer un synopsis du drame pendant l'ouverture ou celle de faire relever le roi après son assassinat pour lui faire gagner la lumière rédemptrice en fond de scène apparaissent comme des recettes dramaturgiques complètement éculées.

Placé sous la baguette précise, malgré quelques emportements, du chef Daniele Callegari, l'Orchestre philharmonique de Monte Carlo joue souvent fortissimo et paraît privilégier, fidèle au désir exprimé par le compositeur, les phrasées les plus passionnées du livret. Le maestro n'en restitue pas moins avec brio le complexe enchevêtrement des mélodies individuelles et la large panoplie des structures musicales qui caractérisent cette magnifique partition de Giuseppe Verdi.

Nice, le 28 janvier 2011
Jean-Luc Vannier


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