Guittard Jean-Michel, Opéra Bastille : Un Opéra moderne et populaire ? « Parcours pluriel », Presses Universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand 2009. [124 p., 15 ill. ISBN 978-2-84516-404-8, 15 €].
Voici donc la chronique de vingt ans d'Opéra-Bastille, où, enjeux politiques et financiers, ont disputé, avec succès, le territoire aux créateurs. En fin de compte, quelle est la finalité de cet opéra ? Un monument à la louange des pouvoirs publics ? Une, réalisation spectaculaire de fin de règne, quand on ne peut plus se justifier par une autre chose ? Un monument symbolique pour signifier aux descendants des sans-clottes de 1789, que la Bastille, après avoir été la gare du train de la « Petite ceinture », est maintenant celle de la fin de l'histoire ? Un plus pour le tourisme dévorant dont la capitale est l'objet ? Un lieu de conservation et d'exploitation d'un répertoire ancien ? Un lieu de création de son temps ? Comment peut-on évaluer en euros, en billets vendus, en pourcentage de remplissage, la valeur culturelle qui est une grande part de la richesse dite humaine ? Pourquoi avoir construit une salle de 2700 places contre les 1 156 de la Salle Garnier ? Par esprit démocratique ou pour mieux amortir les coûts ? Pourquoi avoir abandonné le projet de la « Salle Liebermann », prévue pour les créations plus difficiles ?
Comme l'auteur le rappelle dans les premières pages de son livre, Jean Vilar, Maurice Béjart et Pierre Boulez avaient été sollicités, pour réfléchir à l'avenir d'un « théâtre lyrique populaire ». Il est vrai que le ministre de la Culture à l'époque était André Malraux. C'est en fait le rapport d'un inspecteur général des finances, n'ayant pas pris connaissance des travaux de ses prédécesseurs, qui relance l'affaire en 1977, et la mettra en route au début des années 1980, en écartant les acteurs du projet, favorables à des innovations créatives. Jean-Pierre Angremy, est, par exemple, relégué de directeur général délégué à simple conseiller.
Ce livre, très documenté, clair et bien illustré, s'en tient au versant institutionnel, dont il semble en faire louange, sans contrepartie sérieusement critique. Il est curieux de n'évoquer le mouvement de grève des intermittents, que par le déficit financier qu'il aurait provoqué, sans informer sur ce qu'est être travailleur intermittent du spectacle à l'Opéra Bastille, ni ce qu'est y travailler en général, tant dans l'administration, la régie de scène, dans la musique ou la danse. Cela est un choix, une cohérence, que chacun comprendra.
Par contre, nous ne suivons pas l'auteur, dans l'idée de démocratisation qu'il attribue à l'Opéra-Bastille. On ne voit pas en quoi une œuvre d'art peut être démocratique, ni une maison d'opéra, de théâtre ou un musée, même si le prix d'entrée est accessible au plus grand nombre. Ce n'est pas le prix du kilo de sucre qui le rend démocratique ou pas. Cela c'est de la justice sociale. La démocratie, concerne la manière, dont les décisions concernant les collectivités politiques sont prises. Là, ce livre nous montre que pour ce qui concerne l'Opéra Bastille, on est plus proche des décisions des princes, que des élaborations collectives, desquels, publics et artistes ont été tenus à l'écart.
Mais encore, mettre en avant l'instauration de « places debout » à 5 €, comme une preuve de démocratisation, me semble très discutable. Personnellement, je trouve cela méprisant pour nos concitoyens, lesquels quand ils étaient des sujets, sous l'Ancien régime (avant la prise de la Bastille si on peut dire), pouvaient assister, de loin, aux belles fêtes des seigneurs.
Au contraire, cela démontre que la conception de la maison d'Opéra n'a pas changé depuis le XIXe siècle. Lieu de paix sociale urbaine, de rencontre consensuelle des classes sociales, chacun y a toutefois sa place, des plus riches aux plus pauvres, de la loge à la place d'orchestre, jusqu'au poulailler.
La démocratie en terme d'opéra, serait le cas d'une société qui aurait, parmis les droits fondamentaux de ses membres, celui de l'accès au goût, à l'amour, à la connaissance de la musique, ce qui viderait certainement les grandes usines culturelles symboliques, pour une proximité plus riche et plus structurante, tant socialement qu'individuellement.
Jean-Marc Warszawski
1er avril 2009.
Préface de Gérard Mortier
I. Du rêve à la réalité : l'aboutissement d'un « grand projet » (1981 – 1989)
II. L'Opéra prend la Bastille : l'heure de vérité pour Pierre Bergé (1989 – 1994)
III. Changement de cap : un nouveau directeur désigné pour l'Opéra national de Paris (1993 – 1995)
IV. « Une crédibilité artistique restaurée, une gestion assainie et le retour du public » : l'ère Hugues Gall (1995 – 2004)
V. Le défi de Gérard Mortier : le renouveau et la démocratisation de l'opéra (2004 – 2009)
VI. L'objectif de Nocolas Joël : concilier tradition et ouverture (2009 - ...)
VII. Quel avenir pour l'Opéra Bastille ?
Annexes :
Index chronologique des spectacles donnés à l'Opéra Bastille (1990 – 2009)
La fréquentation des spectacles à l'Opéra Bastille
Les œuvres à l'affiche
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.
ISNN 2269-9910.
Jeudi 21 Mars, 2024