Université protestante au Congo, Faculté de Théologie, B.P. 4745, Kinshasa II
D'aucuns savent que l'objet matériel de l'hymnologie est l'hymne. Tout tourne autour de l'hymne ou mieux des hymnes. Car, « inséré dans des contextes divers, l'hymne présente des formes plus ou moins développées : simples formules d'adoration, de salutation ou composition liturgique élaborée » 83. L'hymne, depuis les temps immémoriaux, est présent et « tient sans doute une place importante dans les cérémonies cultuelles, chanté par le principal officiant et soutenu par des choeurs » 84. Mais aussi, depuis toujours, on sait que quand on chante un hymne ou, une hymne, collectivement ou individuellement, (car celui-ci accompagne toujours les humains dans leurs vies de chaque jour) ce n'est pas seulement la mélodie que l'on chante, mais c'est aussi et surtout le texte qui traduit l'idée, le thème, le contenu (...) de ce qui se chante. C'est ici qu'on entre dans le monde de la composition poétique relevant certains aspects de vie ou/et de l'expérience religieuse longtemps demeurée secrète dans le chef de l'hymnographe. Ainsi, à travers les textes, rangés en strophes rythmiques avec ou sans refrain, l'hymnographe communique avec lui-même et avec les autres. Dans sa communication, il libère un message toujours nouveau pour ses contemporains et pour les générations à venir fut-il l'expression d'une vie religieuse profonde ou non. On comprend dès lors que le travail qu'élabore l'hymnographe dans ses compositions mélodiques et textuelles est ce qu'on déverse dans le domaine de l'hymnographie qui est l'épine dorsale de l'hymnologie.
Comme, nous l'avons noté précédemment, l'objet de cette étude est de redorer le blason terni de l'hymnologie protestante congolaise. Comment ? Par l'initiation aux hymnes d'Église afin de sortir l'hymnologie protestante congolaise de l'emprise de chants populaires chrétiens qui souvent font fonction de « chanter pour chanter » dans nos cultes. C'est la question du texte de chant et de son contenu que nous continuons à soulever ici.
Pour y parvenir, nous avons d'abord dû jeter un regard sur l'hymnologie protestante en général et voir en quoi elle est dite congolaise en particulier. Nous nous proposons maintenant, par le paradigme Noé Diawaku et son hymnographie, de définir le sens à donner au chant liturgique aujourd'hui dans l'Église en crise, et ceci en considérant sa contribution particulière au contenu de l'hymnologie protestante congolaise.
Ainsi, dans ce chapitre, nous parlerons tour à tour de la quiddité de l'hymnologie de Diawaku, de ce qu'on peut dire de son répertoire, de l'hymnographie choisie, de l'histoire des hymnes, et enfin de l'analyse situationnelle des hymnes choisis. Ces cinq points constituent l'ossature de ce troisième chapitre consacré à l'hymnographie de Diawaku.
C'est ordinairement par les termes de l'hymnographie de Diawaku que l'on peut désigner les écrits hymniques de ce compositeur. Il s'agit ici de Diawaku, connu au travers de ses hymnes : sa façon de voir et de mener la vie chrétienne, sa conception, son éthique protestante baptiste et sa liberté de créer des mélodies mais surtout le charisme de forger de textes pour les hymnes d'Église. L'hymnographie de Diawaku est caractérisée par l'ensemble des écrits de méditation, d'adoration, de louanges à Dieu, de prière, d'appel, de confiance et d'espérance chrétienne, de combats et victoires, d'épreuves et consolations (...) permettant aux chrétiennes et chrétiens de trouver une voie de dialogue avec le Dieu de Jésus-Christ et à la fois de pénétrer au noyau même de l'Evangile dans une heure existentielle donnée par le chant.
Elle constitue une œuvre particulièrement importante. Car, même si nous ne savons pas dire exactement quand Diawaku a pu écrire ses tous premiers hymnes nous pouvons néanmoins dire que c'est entre (peu avant) 1950 et début 1990, l'année qui a précédé sa disparition, que nous pouvons situer la période que Diawaku a commencé ce labeur hymnographique. De façon générale, si bien que l'hymnographie de Diawaku couvrirait une quarantaine d'année, son succès durable n'a cessé de marquer le protestantisme congolais dans le domaine particulier de l'hymnologie. Il est vrai qu'il n'était pas le premier ni le seul à hymnographier. Car les différentes éditions de recueils de cantiques protestants au Congo, spécialement celles de « Nkunga mia kintwadi » parues entre 1940 et 1975, prouvent à suffisance que les oubliés tels que : Lucien Fwasi, A.E. Disengomoka, R. Malutama, M. Nekaka, N.J. Mayemba, N.E. Wamba, M. Diakenga (...) qui pour la plupart ne sont plus, n'ont pas été que des simples traducteurs dans l'ensemble mais également des hymnographes- compositeurs au côté de Noé Diawaku.
Il est avantageux pour nous dans cette étude de porter une précision par rapport à la quiddité hymnographique de Diawaku. Il faut dire que nous considérons comme hymnographie de Diawaku, non seulement ses propres compositions hymnographiques, (langage authentique de sa foi personnelle s'exprimant dans le langage de sa culture et demeurant du domaine de la spontanéité et de la coïncidence des événements de la vie) , mais aussi les traductions faites de cantiques tirés des hymnaires du protestantisme occidental (Europe, Amérique) où éclate la grande liberté d'expression.
Le répertoire hymnographique de Diawaku est aussi grand que sa personne. Eparpillé à travers le pays et en dehors du pays, écrit en Lingala, en français et surtout en Kikongo, ce répertoire qui en principe devrait contenir les hymnes écrits depuis les années 1950 jusqu'aux années 1990 nous pose un grand problème de collection. L'honnêteté nous oblige d'avouer que le répertoire que nous présentons dans les lignes qui suivent n'est pas exhaustif. Il était question dans ce point de dresser un répertoire à base des partitions volantes et recueils que nous avons dans le monde du chant liturgique et choral portant les écrits comme « musique et paroles de Noé Diawaku » ou « paroles de Noé Diawaku » , tout court. Mais faute de mieux, nous en avons recensé qui, à notre humble avis, sont disponibles et mis à notre portée par les enfants et les amis de l'auteur.
Notre intérêt, en voulant dire un mot sur le répertoire de Diawaku, se manifeste à deux volets :
1. Chercher à approfondir notre propre connaissance des hymnes de l'auteur, afin d'en informer adéquatement par cette étude, celles et ceux qui s'intéresseront à étudier l'hymnographie protestante congolaise.
2. Conscient de la disparition éventuelle de ces hymnes non conservés ni publiés en un hymnaire, nous avons pensé présenter ces titres que nous avons recensés pour les générations à venir.
Ainsi, l'essentiel du répertoire disponible de Diawaku peut contenir les titres des hymnes qui suivent :
Ces 46 titres de l'hymnographie liturgique rassemblée de Noé Diawaku sont le contenu de son répertoire disponible. Ces titres, croyons-nous, ne représentent pas l'ensemble des œuvres hymnographiques. Nous pouvons affirmer, sans crainte d'être contredit, que même si Diawaku n'a pas laissé beaucoup des chants liturgiques de sa propre musique (et paroles), 46 titres pour celui qui aimait, qui travaillait, qui se réveillait, et qui en marchant, s'arrêtait pour écrire la musique même sous l'inspiration de chants d'oiseaux, ne sont pas grand chose. Nous croyons que nombre de ses hymnes sont enfouis quelque part et plus tard nous découvrirons ses traces non répertoriées.
Il est aussi avantageux de signifier que par rapport à l'indication des années où Diawaku s'était mis à hymnographier, bien qu'il existe des hymnes non datés, la période entre des années 1975 et 1980 ne nous fournit pas assez d'informations hymnographiques. Tandis que les années 1980 à 1989, montre que Diawaku a toujours été présent par ses hymnes dans les célébrations diverses de l'Église protestante congolaise. C'est à cette année 1989 qu'il semble entrer vers dans l'entreprise hymnographique.
Aussi, relevons-nous avant de mettre un point à ce thème qui a porté sur le répertoire de Diawaku, que cette hymnographie est riche en thèmes. Environs dix titres portent sur la prière individuelle et collective. Dans ces hymnes, Diawaku prie Dieu et offre un moment d'intimité entre celle et celui qui chante et Dieu avec de mots très profonds et très bien choisis sur l'inspiration de la grâce. On peut aussi retenir que dix titres portent sur la louange à Dieu avec piété du cœur. L'auteur pense grand, il choisit les mots pour louer un Dieu très haut. Il semble être poussé par la passion de magnificence. Il veut agir. Il veut faire agir les mots dans les lignes mélodiques. Il veut faire descendre Dieu dans l'assemblée en prière. Il incite le peuple de Dieu à la louange à Dieu, dans sa grandeur, dans sa bonté inépuisable... Car il est digne de louange. Il ne suffit même pas de chanter mais de lire silencieusement ou à haute voix ses hymnes de louange pour se rendre compte de la grandeur de son âme et de la soif de s'approcher de Dieu qui l'habitait.
Dix autres par contre portent sur l'appel. Diawaku se présente ici dans son hymnographie comme celui qui appelle le peuple de Dieu à se rassembler près de Dieu. Il est entrain de prêcher et d'exhorter les femmes et les hommes à venir, à choisir Jésus-Christ. Car il n'y a de salut qu'en lui. Il insiste avec de mots comme
« Viens au Sauveur » , « Si tu aimes Jésus, viens » , « Venez auprès du Père » , « Ouvres ton cœur » (...). On sait dire qu'il n'est pas seulement hymnographe et chanteur, mais aussi et à la fois prédicateur qui par la voie hymnique, tient à obéir à l'ordre du Christ « d'aller (partout) faire de toutes les nations des disciples » .
Enfin les seize titres qui restent de ce répertoire traitent de thèmes divers. L'auteur écrit tantôt pour rappeler aux chrétiens de vivre l'amour du Christ, tantôt il écrit sur son expérience personnelle avec Jésus qui un jour l'a arraché de la mort. Tantôt il aborde le thème des actions de grâce à Dieu, tantôt il exalte la gloire de Jésus qui a vaincu la mort. Tantôt il confesse sa foi et sa confiance en l'Eternel, tantôt il chante Noël et répète le message des anges. Tantôt il appelle à l'ordre les soldats du Seigneur à la fidélité, tantôt il rassure l'Afrique que Dieu prend toujours soin d'elle.
Voilà ce que nous pouvons dire du contenu du répertoire hymnographique de Noé Diawaku. Au bout de l'énumération des titres et de la catégorisation de thèmes traités par l'auteur, de manière succincte, nous pouvons maintenant aborder le point qui porte sur l'hymnographie choisie. Nous prenons en compte quelques hymnes pour cette étude considérant le temps imparti.
Nous tirons de répertoire hymnographique de Diawaku un nombre réduit de titres que nous présentons sous forme d'anthologie des hymnes qui l'immortalisent d'une part et qui offrent, en effet, à notre étude, une moisson abondante et instructive, d'autre part. Dans un travail comme celui-ci, il ne pouvait être question de rassembler en vue d'un hymnaire tous les hymnes de Diawaku. Notre rêve s'est voulu modeste. Il a été celui d'entrer dans l'univers de Diawaku au travers de quelques -uns de ses hymnes pour qu'en nous appuyant sur le texte, la mélodie et surtout l'histoire nous puissions relever son style de pensée, son mode d'être ou d'agir, bref son Weltanschauung propre. Pour ce faire, un échantillon réduit de 17 hymnes a retenu notre attention et nous en donnons le contenu que voici : Les hymnes écrits en Kikongo, langue maternelle de l'auteur, sont plus ou moins littéralement traduits en français. Ceci par souci de la fidélité à l'idée exprimée par l'auteur. Ainsi, dans les lignes qui suivent, nous allons entrer dans la poésie qui, avec la musique fait l'hymnographie de Diawaku. Voici la liste des hymnes reprises dans cette étude.
No 01. Utusungika, e Tata
Utusungika, e tata
Muna nzil'aku
Twika mpeve a ku,
I mbombi kwa babo.
Wiza kala yeto,
Ntima siamisa.
Ngeye kaka mfumu a moyo,
Do ! Utusadisa.
Utukeba Tata, o
Do ! Utukeba
Utukebang'aka Tata,
Yamu Kwayele mvu ya mvu
Nsisi zingi zena munza
wonga, ntantu mpe,
Kansi nki twa vanga
Mulanda nge nade ?
Katula biabionso
Ntina vedisa
Ngeye kaka mfum'a moyo
Do! Utusadisa.
Utuvana zola yenge
Nlemvo ye biabio
Siamisa mintima
Mambi sakatula
Nkitwavang'e tata
Mukusadila ?
Ngeye kaka mfumu' a moyo
Do! Utusadisa
Kimpese,1952
Traduction
Conduis-nous droit, O père
Sur ton chemin
Laisses ton esprit
Pour nous guider
Viens et reste avec nous
Fortifies le cœur
C'est toi seul le Seigneur de la vie
Dieu, aides-nous.
Gardes-nous, père
Dieu, gardes-nous
Gardes-nous, père
Jusqu'à la fin de temps
Beaucoup d'angoisses dans ce monde
La crainte et les ennemis aussi
mais que ferons-nous
Pour te suivre vraiment?
Enlèves tout cela
Purifies le cœur
C'est toi seul le seigneur de la vie
Dieu, aides-nous.
Donnes-nous l'amour, la joie
Le pardon et tout
Fortifies nos coeurs
Enlèves le mal
Que faire O père
C'est toi seul le seigneur de la vie
Dieu, aides-nous
No 2. Matondo meto kwa dise
Matondo meto kwa dise
Nzodia lekwa biabio vanza
I Yandi watu veni ngolo
Wakedi yeto nwmano
Watusaknwri mpe
Tutonda yeku nsanisa
Tunsika mpe babo.
Matondo meto kwa dise
Y nkwa nlemvo ye ngemba mpe
Vo nitu zeti kwarnswa
Kwa mambu ma kinza
Vo ntima mpe mibivusi
Ye ninu kieti fwa
Mu kiese S'eto weti ta :
« Si yaluvundisa » .
Matondo meto kwa dise,
mwani a moyo a mwuyamwu
mu nzola yikozola nza wavana mwan'andi
ye wonso ukunkuikila kalendi bungwa ko
Tutondo nzambi tu babo, vo watuvulusa
Matondo meto kwa dise,
buna twena tuntond'eno :
mulau meto lumbu ki
i yandi veni nuo, Nga nki
tulenda vutula nui nkaila niandi
nuo kwa yandi tu kiyekula,
Tunlanda mwu ya mwu
Kimpese, 1965
Traduction
Rendons grâce à notre père
Le bien-aimé qui nous aime sur la terre
C'est lui qui nous donne grâce
Vie et tout consort
Il est avec nous
Il nous à donné des bénédictions
Louons-le, glorifions-le
Chantons-le tous
(Nous) rendons grâce à notre père
Lui qui nous pardonne et qui nous donne la paix
Même si le corps souffre
Et que la foi se meurt
Avec joie notre père dit :
« Je vous donnerai du repos » .
(Nous) rendons grâce à notre père
Lui qui nous donne la vie éternelle
Aimant le monde
Il donna son fils
Quiconque croira en lui
Ne se perdra pas
Louons-le tous ensemble
Car il nous a sauvé.
(Nous) rendons grâce à notre père
Tels que nous sommes , Louons-le
Notre joie d'aujourd'hui vient de lui
Qu'est-ce que nous lui rendrons
Pour tout ce qu'il nous a donné
Offrons-nous à lui
Et suivons-le pour toujours.
No 3. Yesu i mbombi
Kinsanga kiaku vo kidada
Kwa nkenda
Zabuka, zabuka kwa yesu
Mbombi a bantu babo
Wakamba : « luizeno babo luena bizitu
Luizeno,Luizeno babonsono
Yaluvundisa » .
Petelo buka dimina mu nlangu
Vuvu kiandi numa yesu kaka
Yandi vo:« E mfumu undalula »
Malia bu kadila mpangi andi
Ntim' andi wazala kwa kingongo
Kansi mfumu yesu wansiamisa
Mambu neto nakutukwamisanga
Bikeno tua vano mo kwa Yesu
Yandi kubamene nu sadisa
Traduction
Si tes larmes coulent à cause
de la tristesse
viens, viens vite à Jésus
Le consolateur de tout le monde
Il a dit : « Venez vous qui avez
des fardeaux; venez
vous tous que je vous donne du repos » .
Quand Pierre s'était noyé
il n'espérait qu'en Jésus seul
il avait crié : « Seigneur sauve-moi »
Quand Marie pleurait son frère
Son cœur était affligé
mais le Seigneur Jésus l'avait réconforté
Tous nos tourments
laissons-les à Jésus
Lui est à les porter pour nous aider.
+ 1970
No 4. Yesu wa nunga
E, Kiese vava nza
ye nkembo muma zulu
Yesu mvuluzi
wafulukidi kwa ndi
Mumfuluk'andi kaka
kamuna nsi a bafwa
Tu vedu swa mumbi
Yesu wena moyo
wa nunga, wa nunga, wa nunga
Kimona wonga ko
mu Yesu mbweni nzila
mu ntangu a lufwa
e mfum'umpana moyo
Lufwa lwa Mvuluzi
I mpulusu kwa beto
ye nzeyi kwame vo
mu Yesu ngiena moyo
Traduction
O joie ici sur la terre
et gloire dans les cieux.
Oh ! Jésus le Sauveur
est ressuscité.
De sa résurrection
du séjour des morts
il nous sauva du péché
Jésus est vivant
il a vaincu, il a vaincu
il a vaincu
Je n'aurai plus peur
En Jésus, j'ai vu le chemin
Au moment de la mort
O Seigneur donnes-moi la vie
La mort du Sauveur
C'est un salut pour nous
Je sais moi-même
qu'en Jésus j'ai la vie.
No 5. I nge izolanga
I nge izolanga
O Yesu Mvuluzi
ka vena mosi ko
ufwaname ye nge
Kwa ngeye nsidi vuvu
O Yesu mfumu a moyo
Umpano Mpeve aku
Yalwaka kwa nge
I nge izolanga
Ye nzeyi kwame vo
Luvuvamu lwalo
Mu nge imwena lo
I nge izolanga
Yesu ntanini
Kisola nzila ko
Vo ngeye kondolo
I nge izolanga
wame Mvuluzi
E zola kwaku mpe
Undongileti ko. Amen.
Traduction
C'est toi que j'aime
Jésus sauveur
Il n'y a pas un
qui soit comparable à toi
En toi, j'ai mis mon espérance
O Jésus Seigneur de la vie
Donnes moi ton Esprit
pour que à toi, j'arrive.
C'est toi que j'aime
Et je sais bien que
tout mon repos
c'est de toi que je l'ai.
C'est toi que j'aime
Oh ! Jésus mon protecteur
Je ne choisis pas le chemin
Si tu n'es pas là.
C'est toi que j'aime
Oh ! toi mon Sauveur
Dans ton amour aussi
apprends-le moi.
Amen.
No 6. Zola Kwantete
Zola kwantete
Kaluyambudiko
I lufulu lwa yenge munza
vo tombe kia nza kilu zietele
Nzol'a ntete
Kaluyambudi ko
Zola kwena mvibudulu
ye kwena nlembani
ntangu zazo
mu zola ko silwa
nunga mu mamonso
zolaka lufwa si ko
E zola kondolo maketo
ye kakusanga mpe
maya ko
mu zola ko silwa
nunga mu mamonso
zolaka lufwa si ko
E zola kondolo lulendo
ye kakulendi vangu
mambi ko
mu zola ko silwa
nunga mu mamonso
zolaka lufwa si ko
E zola kondolo zinsita
ye kakuyambudil'anga
mamo
mu zola ko silwa
nunga mu mamonso
zolaka lufwa si ko
E yesu weti kutulomba
tuzola Nzambi
ye baye to
mu zola ko silwa
nunga mu mamonso
zolaka lufwa si ko.
Décembre 1980.
Traduction
Le premier amour,
n'abandonne pas
Le lieu de la joie dans ce monde ici-bas
Si les ténèbres dans lesquelles vous avez marché
Le premier amour
n'abandonne pas
l'amour est patient
C'est plein de bonté
toujours
En le cherchant vous vaincrez en tout
Ne gâchez pas l'amour
l'amour n'est pas envieux
Il ne se vante pas non plus
En le cherchant vous vaincrez en tout
Ne gâchez pas l'amour.
l'amour ne s'enfle pas d'orgueil
Il ne fait point de mal
En le cherchant
Vous vaincrez en tout
Ne gâchez pas l'amour
l'amour n'est pas rancunier
Il pardonne toute chose
En le cherchant
Vous vaincrez en tout
Ne gâchez pas l'amour.
Jésus nous demande
d'aimer Dieu
et nos prochains
En le cherchant
Vous vaincrez en tout
Ne gâchez pas l'amour.
No 7. Sola nzila
Sola, sola nzila mpulusu
Wakota nu nzo a dise
Sola
Sola, sola nzila mpulusu
Wakota nu nzo aDise
Tata sola nzila a mfumu
Tata sola nzila a mfumu
Tata
Sola nzila a mfumu
E sola nzila ya Dise
Mama sola nzila a mfumu
Mama sola nzila a mfumu
Mama
Sola nzila a mfumu
E sola nzila ya Dise
Mpangi sola nzila a mfumu
Mpangi sola nzila a mfumu
Mpangi
Sola nzila a mfumu
E sola nzila ya Dise.
Nkundi sola nzila a mfumu
Nkundi sola nzila a mfumu
Nkundi
Sola nzila a mfumu
E sola nzila ya Dise.
Kinshasa,1er mars 1980
Traduction
Choisis, choisis le chemin du salut
(et) tu entreras dans la maison du Père
choisis
Choisis, choisis le chemin du salut
(et) tu entreras dans la maison du Père.
Papa choisis le chemin du Seigneur
Papa choisis le chemin du Seigneur
Papa
Choisis le chemin du Seigneur
O ! Choisis le chemin du Père.
Maman choisis le chemin du Seigneur
Maman choisis le chemin du Seigneur
Maman
Choisis le chemin du Seigneur
O ! Choisis le chemin du Père.
Frère choisis le chemin du Seigneur
Frère choisis le chemin du Seigneur
Frère
Choisis le chemin du Seigneur
O ! Choisis le chemin du Père.
Sœur choisis le chemin du Seigneur
Sœur choisis le chemin du Seigneur
Sœur
Choisis le chemin du Seigneur
O ! Choisis le chemin du Père
Ami (e) choisis le chemin du Seigneur
Ami (e) choisis le chemin du Seigneur
Ami (e)
Choisis le chemin du Seigneur
O ! Choisis le chemin du Père.
No 8. Gloire à Dieu
Gloire à Dieu ! Gloire à Dieu !
Gloire à Dieu ! Gloire à Dieu !
Gloire à Toi O Dieu Tout-Puissant,
par ton saint nom nous sommes vivants;
Nous t'adorons, O Roi des rois.
Et nous vivons à jamais pour toi.
O ! Seigneur, le Tout-Puissant;
Sois loué pour l'éternité
Oh ! quel bonheur de vivre en Toi :
Nous vivrons à jamais pour Toi.
Gloire à Toi, O ! Dieu Tout-Puissant
Par ton amour nous sommes sauvés
Oh ! quel bonheur de croire en Toi :
Nous vivrons à jamais pour Toi
Gloire à Toi, O ! Dieu Tout-Puissant
Rends-nous puissants et nous vaincrons.
Tes serviteurs diront avec foi :
Nous vivrons à jamais pour Toi.
Kinshasa, 25 juin 1980.
No 9. La parole de ce jour
La parole de ce jour
C'est mon pain de vie
Merci, merci mon Seigneur
le Seigneur m'a parlé,
Et je suis ravi
Merci, merci mon Seigneur
Le Seigneur, c'est ma victoire,
Dans le monde de combat
par sa parole, il me soutient,
Et je tiendrai
Jusqu'au bout.
No 10. O Mon Jésus
Jésus, Jésus,
O mon Jésus purifies-moi
Car je suis impur
Jésus, Jésus
A toi que je prie
Je t'aimerai
à jamais
Amen.
No 11. Je l'ai trouvé
Je l'ai trouvé
le Seigneur de ma vie
je l'ai trouvé
A lui je me confie
Je l'ai trouvé;
Je l'ai trouvé;
Je l'ai trouvé;
je suis sauvé.
Jésus m'a sauvé
du péché du monde;
son sang sur la croix
a tout lavé.
Je l'ai trouvé
Je l'ai trouvé
Je l'ai trouvé
Le Dieu d'amour.
Je l'ai trouvé
Le fils de Dieu vivant
Je l'ai trouvé
et il m'a pardonné
Je l'ai trouvé;
Je l'ai trouvé;
Je l'ai trouvé;
mon âme est pure.
Je l'ai trouvé;
La source de ma vie
Je l'ai trouvé;
Et maintenant je vis
Je l'ai trouvé;
Je l'ai trouvé;
Je l'ai trouvé;
et j'ai la paix.
28 septembre 1980.
No 12. L'Éternel est ma lumière
L'Éternel est ma lumière
Et mon salut;
Il est aussi le soutien de ma vie
Qui craindrai-je,
Quand je suis dans ses bras ?
Le Tout-Puissant veille
sur moi nuit et jour.
Oui, je glorifie le Seigneur
C'est bien lui qui guide mes pas
Dieu est mon secours
Dieu est mon secours
C'est Lui qui protège toute ma vie.
O ! Dieu est mon secours
Dieu est mon secours
Avec Lui, je gagnerai le combat.
Quand les méchants viennent
pour me dévorer
ce sont eux qui tombent
devant mon Dieu
Si une armée se campait
Contre moi.
Mon cœur n'aurait
jamais du tout de frayeur.
Ma prière à Dieu, c'est d'être
dans ses bras.
Qu'il soit mon protecteur
à tout moment.
Je vivrai avec Lui
jusqu'à la fin.
Alléluia que le Seigneur soit loué.
Juillet 1982.
No 13. Alléluia
Alléluia, alléluia !
Sois loué O Roi des rois
Alléluia
Alléluia, alléluia
sois loué o Roi des rois
Alléluia.
O mon Jésus
Je te suis soumis
mon Seigneur cœur angoissé
par les tourments
A connu ta paix
Seigneur
Mon Roi sois loué
pour l'éternité
pour ma vraie félicité
Tu vins ici bas
O mon Jésus,
C'est toi mon Sauveur,
Seigneur
Quand la mort fait violence
à ma vie
Je ne craindrai
aucun mal
Mon Dieu, tu as
assuré ma survie,
Le prince et roi d'anormal
N'aura pas ma peau.
O mon Jésus,
je te servirai
Seigneur
Mon être entier glorifie
ton nom
Alléluia
mon Seigneur
Mon Dieu, nui et jour
je prie en ton nom
Je donnerai tous mes jours
pour servir, toujours.
Décembre 1983.
No 14. Nzeyi dio vo Nzambi ami
Nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio vo Nzambi ami
Unzolele
O nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio, Nzeyi dio
vo Nzambi ami
Unzolele
Nitu yayi yikwamu swanga
ntangu zazonsono
vanza Nzambi unzolele
Kwei swami na mpasi
vo ya vuvama mumamonsono ?
Nzambi unzolele
Onzeyi dio
Vo i diatanga nkutu muna ndimba
a kini kia lufwa,
Nzambi unzolele.
Mwela ami kawena,
nkutu kani konso fiwonga ko
Nzambi unzolele
O nzeyi dio
Ngieti tonda kwa mfumu
bu kadiatanga yami mumamo
Nzambi unzolele
Ntantu miami kabena
Kani lendo kimosi nkutu ko
Nzambi unzolele
O Nzeyi dio
Vuvu kiami vo si ya landa
Klisto mu mvumiami
vanza Nzambi unzolele
Aleluya bumbeni mona
Nkembo a mvuluzi a nza
Nzambi unzolele
Nzeyi dio
Kinshasa, 22 août 1987.
Traduction
Je sais que mon Dieu m'aime
Je le sais, je le sais
Je le sais, je le sais
Je le sais, je le sais
Je le sais, je le sais
Je sais que mon Dieu
m'aime
O Je le sais, je le sais
Je le sais, je le sais
Je le sais, je le sais
Je le sais, je le sais
Je le sais
Je sais que mon Dieu m'aime
Ce corps souffre beaucoup
à tout moment
Dans ce monde Dieu m'aime
où fuirai-je
pour que j'aie le salut en tout
Dieu m'aime
Oui, je le sais.
Si je marche dans la vallée
de l'ombre de la mort
Dieu m'aime
Mon âme n'aura même pas
la moindre peur
Dieu m'aime
Oui, je le sais
Je remercie le Seigneur
Quand je marche ensemble avec Lui
Dieu m'aime
Mes ennemis n'auront plus
aucun pouvoir
Dieu m'aime
Oui, je le sais
Mon espérance est que je suive
Christ tous mes jours sur terre
Dieu m'aime
Alléluia, ici j'ai vu
La gloire du Sauveur du monde
Dieu m'aime
Oui, je le sais.
No 15. Soldats du Seigneur
Tiens ta bannière
soldats du Seigneur
Lutte, lutte sans cesse
Ton Dieu te soutient.
La victoire est à toi, la victoire est à toi
Marche, marche en avant,
O soldats du Seigneur
Tiens ta promesse
soldats du Seigneur;
Combats, combats sans cesse
Ton Dieu te soutient
Tiens ton cantique
soldats du Seigneur
Chante, chante sans cesse
Ton Dieu te soutient
Tiens l'Ecriture
soldat du Seigneur
Prie chaque, jour sans cesse
Ton Dieu te soutient
La victoire est à toi
la victoire est à toi
marche, marche en avant
Soldat du Seigneur.
11 janvier 1988
No 16. Oh, Afrika
Afrika sois bénie
Afrika sois bénie
ton Dieu t'a crée
pour tous ses bien-aimés.
Dieu des armées viens
O viens aujourd'hui,
tes enfants t'implorent
viens, on viens aujourd'hui (avec)
avec Toi l'Afrika ne périra point,
mais vivra à jamais
Afrika sois louée
Afrika sois louée
Dieu te gardera
Et te protégera
Afrika bien-aimée
Afrika bien-aimée
Dieu te sauvera
De tous tes ennemis
Afrika sois fière
Afrika sois fière
Ton Dieu t'aimera
Et ne t'oubliera point
Afrika, Afrika
Afika, Afrika
Lutte chaque jour
ne te fatigue pas.
Janvier 1988
No 17. Chantons notre Roi
Chantons notre Roi,
Oui, chantons, chantons à jamais
Louons notre Roi
Oui, louons, louons sa grandeur
Louons-le, chantons notre Roi
Oui, chantons, chantons à jamais.
Louons notre Roi
oui, louons, louons sa grandeur.
Nous chanterons à jamais,
un chant mélodieux.
Nous chanterons à jamais
un chant mélodieux
à jamais nous chanterons
pour le divin Roi des rois.
Nous chanterons à jamais
un chant mélodieux.
Chantons, nous chanterons à jamais
un chant mélodieux
un chant mélodieux
Nous chanterons à jamais
un chant mélodieux
Oui, chantons
Nous chanterons pour le divin Roi des rois
Nous chanterons à jamais
un chant mélodieux.
Chantons le Sauveur
oui, chantons; chantons à jamais
Louons le Sauveur
Oui, louons sa bonté
Louons-le, chantons le Sauveur
Oui, chantons; chantons à jamais
Louons le Sauveur
Oui, Louons; louons sa bonté.
Nous chanterons...
Chantons le Seigneur
oui, chantons; chantons à jamais.
Louons le Seigneur
Oui, louons. Louons-le toujours
Louons-le, chantons le Seigneur
oui, chantons; chantons à jamais
Louons le Seigneur
Oui, Louons; louons-le toujours
Nous chanterons...
Juillet 1989.
Nous venons de parcourir l'hymnographie de Diawaku. Cette hymnographie n'est qu'une partie de l'héritage qu'il nous a légué. Le trésor de son hymnographie contient nombre des hymnes oubliés dont la plupart ne seraient encore utiles à nos jours dans nos cultes. Mais, on peut se pose une question : parmi ceux qui se chantent encore aujourd'hui combien figurent dans un recueil ou dans les répertoires de chorales ? Nous pouvons affirmer que nos richesses sont encore très mal connues ou simplement méconnues; il y a encore un grand nombre des fidèles qui ont oublié Diawaku ou simplement ne le connaissent pas. Alors que son hymnographie rendue dans des textes en poésie et en prose, mise en musique, traduit l'effort d'un homme qui, hier comme aujourd'hui, veut communiquer le contenu de l'Evangile du Christ par les paroles compréhensibles. Dans ses compositions, les mélodies sentimentales et le texte se rencontrent pour la beauté du culte aussi bien collectif qu'individuel.
De l'hymnographie choisie de Diawaku, il ressort un enseignement, l'enseignement de l'hymnographie. Cet enseignement réside en la richesse de textes liturgiques composés qui, loin de s'adresser uniquement à la raison, parlent aussi directement et ouvertement au cœur de l'homme. L'homme est nourri de cette hymnographie pour vivre sa foi. L'homme est illuminé par cette hymnographie quand il fait minuit dans sa vie : il y retrouve la joie, la paix, l'espoir, la consolation dont il a besoin. Et comme la musique exerce sur lui une influence très grande, tant sur son esprit que sur son corps, la beauté du texte l'appelle à élever la voix pour louer Dieu.
En plus de l'enseignement de l'hymnographie choisie de Diawaku, il nous paraît indispensable de faire, à l'instar de Dom M. Gimenez (qui a fait une étude remarquable sur le chant liturgique byzantino-slave) 86, une brève présentation de cette hymnographie liturgique en vue de dégager son caractère, son historique et sa pratique.
1. De son caractère, une description de l'hymnographie liturgique basée sur l'essentiel de ce qu'on peut retenir nous inspire ces quelques observations :
— L'hymnographie liturgique choisie de Diawaku traduit en elle-même sa vie et surtout l'expérience religieuse 87 personnelle qu'il a faite avec Dieu dans sa vie. « Par opposition à ce qui, dans les religions est vécu d'une façon purement formaliste ou compris de l'extérieur, ou analysé de façon purement rationnelle, l'expérience religieuse » que fait Diawaku ici est le fait « immédiatement perçu, vécu intérieurement avant toute analyse et toute, formulation rationnelle. C'est la réponse vécue de l'homme concret qui se trouve (...) en face d'un mystère ou d'une puissance mystérieuse » 88. Mais, il est un fait à relever. Si nous faisons nôtre la pensée Heideggérienne de coexistence ( mitdasein), nous dirons que le monde auquel Diawaku se trouve est toujours celui qu'il partage avec d'autres, parce que l' être-au-monde est un être-au-monde-avec. Le monde de « dasein » est un monde commun où il est appelé à coexister. Il le fait dans l'esprit de « mitsein » - « être-avec-autrui » 89 dans la quotidienneté de la vie. Cela étant, l'expérience religieuse qu'il nous communique dans son hymnographie ne peut lui être exclusive même si elle lui est personnelle.
Car dans une certaine mesure, et comme l'écrit Michel Delahoutre,
Une étude des phénomènes religieux suppose toujours une certaine sympathie, c'est-à-dire la faculté de participer à une expérience donnée, un éprouvant dans une large mesure les mêmes sentiments et en expérimentant la même signification qu'éprouve l'homme religieux dans une situation donnée (...). 90
— Au coeur de l'hymnographie liturgique de Diawaku se trouve établi un dialogue constructif, à la fois, entre la composition hymnique et la composition mélodique d'une part et entre le texte et l'hymne même d'autre part; en ce sens qu'on assiste à une cohérence spirituelle de cette hymnographie qui se fonde sur l'omniprésence des Ecritures Saintes dans sa composition et débouchant ainsi à l'action liturgique.
— La spiritualité de cette hymnographie liturgique est liée à la vie spirituelle de l'auteur et de son peuple. Nous savons que la spiritualité d'un peuple, pour la définir, n'a des simplicités qu'apparentes. Car, rien qu'à la considérer globalement, nous nous rendons compte de sa complexité. Comme l'écrit Octave Ugirashebuja,
c'est, à la fois, sa religion, sa culture et son éthique. C'est tout ce qui permet à l'homme d'accéder à une pensée conceptuelle, à un vouloir délibéré, à la créativité artistique, à la réflexion philosophique et à l'expérience religieuse. Il s'agit donc de l'ensemble des valeurs de l'âme, aussi bien que des principes régulateurs de la vie dans toute sa complexité, biologique, politique et économique. 91
Considérant le texte des hymnes de Diawaku, nous pouvons ressortir entre les lignes, les émotions, la pensée religieuse profonde qui est l'héritage de la chrétienté. La culture dont la sphère de pensée est Kongo lui permet ainsi par la cohérence du langage, à accéder à une pensée conceptuelle et à la créativité artistique dans ses compositions hymniques en vue de traduire la vision et le contenu de sa foi en Dieu de Jésus-Christ mais à la fois, la foi de son peuple. La spiritualité de cette hymnographie est l'ensemble des valeurs de son âme qui est africaine, congolaise, Kongo et par dessus tout chrétienne, car si la spiritualité est ici culture, la foi chrétienne n'en est pas une. Mais elle est le ferment de toutes les cultures. Elle touche et transforme la culture africaine, congolaise et Kongo sans altérer l'éternelle nouvelle histoire et message de Jésus-Christ par rapport aux racines de cultures. 92
Enfin, un caractère particulièrement important est à relever : cette hymnographie est rangée dans la catégorie de l'hymnologie africaine d'inspiration judéo-chrétienne. Car elle est écrite pour qu'elle soit chantée en Afrique d'abord partant du Congo. Elle n'est pas européenne ni américaine, ni afro-américaine (...). Elle reste africaine et elle parle de la foi judéo-chrétienne vécue par nous.
2. De son historique, l'hymnographie liturgique de Diawaku se forme déjà un peu avant les années 1950 et s'arrête avant sa disparition. La mort met fin à cette entreprise, mais sans emporter l'héritage. Les sources de cette hymnographie sont occidentales quant à la théorie musicale et au principe de la composition hymnique voire l'isométrie strophique ou l'hétérométrie où les strophes s'ordonnent en groupe de vers, en nombre déterminé, avec un rythme propre qui forme un tout complet pour le sens et pour l'harmonie. 93
A l'instar de l'hymnologie et les hymnographies occidentales de tradition protestantes, l'hymnographie liturgique de Diawaku connaît la disposition harmonique de chant à 4 voix, note contre note et doit beaucoup à la poésie biblique. Et il faut dire que cette hymnographie dans ses débuts est liée à la traduction ou mieux à l'adaptation musicale des hymnes occidentaux. Ces hymnes traduits dans une rigueur de la fidélité et de la philologie et diverses dans les veines d'inspiration locale Kongo ont fait que le succès y soit présent, polyphonie aidant au milieu du peuple de Dieu rassemblée dans les Églises qui utilisaient le recueil « Nkunga mia Kintwadi » , un peuple qui naturellement est un peuple qui a le chant dans le sang et le rythme dans le muscle, comme le dit Senghor pour soutenir l'importance de la musique en Afrique. 94
La quête de la diversité des thèmes et genres hymniques est permanente dans le chef de l'auteur. Cette réalité permet d'offrir au culte des grandes célébrations hymniques où la solennité du moment liturgique impose un grand choeur - d'un peuple chantant ensemble à la fois et dans le rapprochement des coeurs des hommes et des femmes en prière.
3. De sa pratique, l'Église en prière peut trouver en cette hymnographie liturgique, poésie chantée, un matériau de textes appropriés pour tel ou tel moment liturgique. Et cette poésie chantée ne peut s'exécuter que dans un cadre liturgique donné. L'appréciation de textes doit en tenir compte en plus des aspects musicaux.
La pratique de l'hymnographie de Diawaku connaît, jusqu'à ce jour, un succès dans les coeurs de celles et ceux qui la chantent. Il faut avouer que les textes et la vie de l'auteur constituent l'exemple à suivre de par son vécu sur cette terre. Nous convions l'Église et les fidèles protestants du Congo de s'en inspirer toujours individuellement aussi bien que collectivement. Car Diawaku offre dans son hymnographie des opportunités pour que la femme ou l'homme qui prie soit à même d'élever l'esprit en le pacifiant, pour entrer, par la contemplation en contact avec l'Autre 95. N'est-ce pas qu'elle répond à des exigences de la vie chrétienne et ne vise pas seulement à exprimer le sentiment ou les émotions humaines fussent-elles profondes ? Cet élan de prière par la chanson est aussi l'invitation à la culture de paix pour ce monde marqué par des conflits divers.
Nous voudrions, par ce point, très heureusement souligner quelque chose d'importance capitale autour des hymnes. Les hymnes, les cantiques (...), sont des formes les plus anciennes de ce qu'on peut appeler poème religieux ou non ayant pour support la musique. Car ce poème est chanté. Mais c'est du domaine de la musique ou mieux de l'art qu'il est question ici. Or, nous savons que tout art est porteur d'une histoire et d'un message. L'expression artistique est aussi criante dans l'expérience religieuse. C'est ainsi qu'il est insupportable de penser qu'il existerait des formes de vie religieuse dénouée de tout art. La musique est une science. Mais beaucoup plus un art. Roland de Candé soutenant cette affirmation, va plus loin quand il écrit :
La musique est un art merveilleux où même les professionnels les plus endurcis trouvent à tout âge des émotions neuves, des sujets d'étonnement et des raisons d'apprendre. Immatériel, ou presque, cet art est pourtant plus direct et pénètre plus profondément en nous que les autres (...). Certes la musique peut faire naître en nous des sentiments, lorsque l'émotion artistique nous élève vers une sorte d'identification au créateur. La musique est « exprime » en effet la personnalité du créateur, inconsciemment chez les classiques, volontairement chez les romantiques. Mais cette expression ne constitue pas son essence. Le « sentiment »musical est ineffable, inséparable de sa forme. C'est pourquoi il est absurde d'opposer, en musique, fond et forme, contenu et contenant. 96
La pensée qui peut sortir de cette citation est que la musique est liée à (la vie de) son créateur et aussi elle est toujours porteuse d'émotions neuves et des raisons d'apprendre. Car elle communique toujours une histoire, un message.
Depuis les temps bibliques, les hymnes, les chants, les cantiques ont toujours exprimé entre autres la personnalité et l'expérience religieuse (...) de leurs auteurs ou créateur. Qu'on se rende compte ou pas un message y est toujours accompagné d'une histoire, socle de l'œuvre. C'est ainsi que nous pouvons prendre, à titre illustratif, les expériences religieuses immortalisées de femmes et hommes bibliques ci-après pour nous permettre de cerner ce que nous voulons relever par rapport aux hymnes de Noé Diawaku; car avons-nous dit les hymnes ont leur vie cachée.
Dans Luc 1: 46, Marie s'écrie : « Mon âme exalte le Seigneur » . Ces simples mots combien profonds sont les fruits d'une expérience religieuse que Marie relate à Elisabeth. En effet c'est de la visitation l'ange Gabriel et du message de la naissance d'un fils à qui elle donnera le nom de Jésus qu'il s'agit ici. La liturgie romaine nomme ce cantique magnificat. L'expérience religieuse de Zacharie dans Luc 1: 68 le pousse à chanter en ces mots : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël de ce qu'il a visité et racheté son peuple (...). C'est le Benedictus Dominus Deus Israël.
André Verchaly 97 a fait un travail remarquable dans ce domaine et de son travail nous pouvons compléter cette liste avec :
En plus de ceux-ci, ajoutons le cantique de Débora (Juges 5) où elle chante son hymne de victoire sur les ennemis de Dieu d'Israël, le cantique de David (2 Samuel 1), où il pleure Saül et Jonathan son ami, les Maccabées, les Psaumes (...) pour ne citer que ceux-là.
L'énumération que nous avons faite ici constitue pour nous les quelques entrées paradigmatiques soutenant l'idée selon laquelle derrière un chant, un cantique, un hymne qui est un message où l'homme (ou la femme) trouve la voie pour s'exprimer en parlant de lui-même, car, se trouvant dans plusieurs situations, ou parlant de l'autre voire de quelque chose ou à quelqu'un d'autre (...) il y a toujours une histoire cachée. Et, encore, l'histoire - socle de la composition - est toujours connue, si pas par un sphère réduit de gens, mais par l'auteur lui-même qui est le locuteur dans sa musique. Ainsi il est important, pour mieux aborder le sujet, » d'analyser d'abord le statut de celle ou celui qui parle dans l'hymne (le locuteur). Qui est-il dans la locution ? Que dit-il et (ou) de quoi parle-t-il ? C'est le premier temps. Ensuite, chercher et trouver le statut du destinataire, de celles et ceux à qui ou de qui l'on parle dans l'hymne. Cette façon de procéder, que nous puisons dans les travaux de Tshonga Onyumbe quand il écrit sur « l'homme vu par l'homme dans la musique zaïroise moderne de 1960 à 1981 » 98 , est notre méthodologie pour arriver à approcher Diawaku et son hymnographie en vue de découvrir ses différentes figures de locuteur d'une part, et ses destinataires et les causes du message, d'autre part. En cela, nous arriverons à saisir, ne fût-ce que, quelque chose dans la vie cachée de l'hymnographie de Diawaku. Pourquoi pas de lui-même.
En tout état de cause, la question qui se soulève ici est celle de savoir (quel est) le statut de celui qui parle, le locuteur, dans cette hymnographie de Diawaku. Car dans une musique qui s'exprime, on le sait, rien ne se fait, au hasard. Dans son expression, elle traduit la pensée de son créateur qui parle de quelqu'un et de ce fait de quelque chose. Mais comme nous l'avons dit ci haut, l'auteur peut aussi parler à quelqu'un qui soit supérieur à lui pour l'implorer ou simplement le louer.
De l'hymnographie retenue, il ressort un seul type de locuteurs : un homme ou une femme anonyme, avec différents statuts pour quatre types de destinataires. A savoir le chrétien universel non identifié, Dieu le Père, le Seigneur Jésus-Christ et l'Afrique.
Dans l'anonymat, ce locuteur comme dans un sermon, englobe tout homme sans que personne ne se sente particulièrement visé. Tshonga Onyumbe dit que dans ce cas « on a affaire, en quelque sorte, à un homme non identifié. Un homme qui est tout le monde et personne à la fois » 99. C'est de l'homme ou de la femme en général qu'il s'agit. Dans ces hymnes, à l'instar des « Maskîl hébraïques » où coule l'instruction, l'hymnographie de Diawaku renferme des conseils, des exhortations, des appels, des témoignages (...) qui ont « valeur universelle dans le temps et dans l'espace » 100 dans la vie de tout chrétien.
Ici, l'auteur de l'hymnographie se présente avec la figure de locuteur anonyme dans nombre de ses hymnes pour encourager, exhorter (...) le chrétien en général et cela dans les situations diverses. Entrons maintenant dans le monde de ses hymnes.
Analyse du locuteur
Dans le sillage de ces hymnes, cependant, on découvre l'exhortation, l'appel, le témoignage que le locuteur fait à ce « tout chrétien » , l'homme et la femme chrétienne en général. La fondamentalité de l'exhortation que fait le locuteur anonyme, ici, trouve aussi sa source dans les langues bibliques. Exhorter de l'hébreu « niham » qui se traduit par consoler, trouve dans son équivalent grec « parakaleô » le sens d'encourager. Dans les textes vétérotestamentaires, les discours prophétiques, sacerdotaux, et sapientiaux s'assignaient pour fin l'exhortation du peuple d'Israël à écouter Dieu et à rester lié à Dieu dans leur marche avec lui (Es 1, 16ss; Jr 4; Dt 4-11; Pv 1,9). 101
Diawaku qui se présente en figure de locuteur anonyme dans cette hymnographie joue le rôle d'exhortateur au sens du parakaleô auprès de ce chrétien universel. Il se fait son consolateur c'est-à-dire quelqu'un qui - par ses mots, son vécu, ses expériences religieuses diverses - vient l'aider, l'encourager, le sortir du désespoir, lui rappeler que Dieu le soutient et que Jésus-Christ est sa victoire devant ses ennemis. Il lui dit en ces termes :
Tiens ta bannière soldats du Seigneur
Lutte, lutte sans cesse, ton Dieu te soutient.
La victoire est à toi,
La victoire est à toi
Marche, marche en avant,
O soldats du Seigneur.
Tiens ta promesse, soldats du Seigneur;
Combats, combats sans cesse
Ton Dieu te soutient
Tiens ton cantique, soldats du Seigneur
Chante, chante sans cesse
Ton Dieu te soutient
Tiens l'Ecriture, soldat du Seigneur
Prie chaque, jour sans cesse
Ton Dieu te soutient
La victoire est à toi
la victoire est à toi
marche, marche en avant
O Soldat du Seigneur.
Les différents sens du parakaleô sont aussi indiqués dans les écrits néotestamentaires. Car, dans l'ensemble avec ses trois principaux sens, parakalêo qui traduit :
1o l'idée d'inviter ou de prier quelqu'un de faire quelque chose comme dans Mc 6,56; 8, 22 où l'on suppliait Jésus de guérir les malades;
2o l'idée de conseiller, reprendre quelqu'un aimablement comme le fait Paul dans 2 Co 5, 20; Ph 4, 2; 1 Tim 5, 1 pour aider Evodie et Suntyche à vivre une vie chrétienne modèle en ayant et gardant le même sentiment dans le Seigneur, d'une part et montrer à Timothée comment travailler et réprimander les vieilles personnes dans l'Église, d'autre part.
3o l'idée de consoler, encourager comme nous l'avons dit ci-haut. C'est ce travail que fait Dieu : il nous console de toute affliction pour que nous puissions nous aussi consoler les autres en affliction. L'exhortation dans ses différents sens est une recommandation pour l'Église et surtout pour tous les chrétiens dans la quotidienneté de leur vie. C'est pour cela Paul recommande à tous les chrétiens de s'exhorter mutuellement et de s'exhorter toujours. Et tous ces sens qui jaillissent en parakaleô nous font entrer profondément dans la compréhension du travail des apôtres qui ont longtemps, si pas toujours, fait de l'exhortation et de l'enseignement leur cheval de bataille dans l'œuvre de la mission parmi les nations où ils exhortaient les croyants à mener une vie de persévérance dans la vérité et à une conformité à l'enseignement pour que la vie chrétienne demeure une consécration à Dieu.
De là, on comprend que Diawaku, en locuteur anonyme, a joué et continue à jouer ce rôle d'exhortateur quand il s'adresse à un chrétien universel découragé dans le temps et dans l'espace, comme s'il lui disait :
Je te dis, soldat du Seigneur « tiens ta bannière. Lutte, lutte sans cesse, ton Dieu te soutient. La victoire est à toi. Tiens ta promesse, combats, combats sans cesse. Tiens, ton cantique, chante, chante sans cesse... Marche en avant la victoire est à toi » .
Ou quand il le reprend aimablement et l'encourage à garder le premier amour et de ne jamais le gâcher. Car, l'amour, dit-il, est le lieu de la plénitude dans ce monde ici-bas. Il le dit en ces termes :
Zola kwantete kaluyambudiko
I lufulu lwa yenge munza vavanza
vo tombe kia nza kiluzietele
Nzol'a kwantete kaluyambudiko
Le premier amour, ne l'abandonne pas
C'est la plénitude de la joie dans ce monde ici-bas, même
Si les ténèbres de ce monde vous ont fait marcher
Le premier amour ne l'abandonne pas.
Or en locuteur, il joue le rôle d'exhortateur - conseiller aussi quand il supplie son interlocuteur de choisir le chemin du salut qui n'est pas seulement en Jésus-Christ mais qui est Jésus-Christ lui-même. Car pour arriver au Père Eternel, c'est Jésus-Christ qui est le chemin comme l'Evangile le dit : « Nul ne vient au Père que par moi » . Il est donc le passage obligé pour rencontrer Dieu. C'est pourquoi le locuteur l'exhorte :
Sola, sola nzila mpulusu
Wakota mu nzo a Dise
Sola
Sola, sola nzila mpulusu
Wakoka mu nzo a Dise
Tata sola nzila a mfumu
Mama sola nzila a mfumu
E sola nzila ya Dise
Choisis, choisis le chemin du salut
pour entrer dans la maison du Père
choisis
Choisis, choisis le chemin du salut
pour entrer dans la maison du Père.
Papa, choisis le chemin du Seigneur
Maman, choisis le chemin du Seigneur
O Choisis le chemin du Père.
L'histoire cachée veut que cette chanson soit dédiée à la consécration du pasteur Lusakueno qui longtemps était lié à Diawaku dans le domaine du chant liturgique. L'auteur a voulu, en quelque sorte, immortaliser cet événement pour que, d'une manière ou d'une autre, chaque fois que cet hymne sera chanté le destinataire principal puisse se rappeler de ses voeux envers l'Eternel . Mais aussi que le destinataire anonyme prenne, lui, la décision de recevoir Jésus le chemin du salut.
Cette hymnographie, en fait, exhorte l'interlocuteur pour qu'il sache que quand même les tribulations de ce monde le mettraient dans le collimateur de la persécution et de la souffrance; quand même son cœur serait troublé et que sa foi se mourrait à petit feu, le Père de Jésus-Christ lui promet le repos par la paix du cœur que Jésus donne pour cette vie terrestre. Et même si ce repos ne lui serait accordé qu'avec la voie de la mort, Diawaku veut débarrasser de la vie du chrétien ,ce qu'on peut appeler, la peur de la mort quand il écrit :
Lufwa lwa Mvuluzi
I mpulusu kwa beto
ye nzeyi kwame vo
mu Yesu ngiena moyo
Mumfuluk'andi kaka
muna nsi a bafwa
tu vedu swamumbi
O Yesu wena moyo
wa nunga, wa nunga (..)
La mort du Sauveur
est un salut pour nous
Je sais moi-même que
En Jésus, j'ai la vie.
De sa résurrection
du séjour des morts
Il nous sauva du péché
O Jésus est vivant
Il a vaincu, il a vaincu.
Le locuteur veut dire que si Jésus vit à jamais, sa résurrection du séjour des morts est notre fondement de l'espérance pour notre vie à venir, mais bien plus notre victoire sur la mort. Car Jésus lui-même a vaincu la mort. De ce fait, plus question de craindre encore comme le chantait déjà G.F. Händel (Judas Maccabée, avril 2207) :
Craindrai-je encore ?
Il vit à jamais
Celui que j'adore
Le prince de paix
Il est ma victoire,
Mon puissant soutient,
Ma vie et ma gloire
Non, je ne crains rien.
Et nous de dire, mêmes morts nous vivrons avec et comme lui, le ressuscité.
Dans 'Kiazayami woko', le locuteur anonyme, exhorte dans le sens d'inviter le chrétien universel à suivre Jésus-Christ. Il fait cette exhortation par son propre témoignage où un Jésus dont il doutait encore peut-être de son amour en action, est venu miraculeusement l'arracher de la mort. Le locuteur veut nous rassurer que Jésus nous aime plus que quiconque. Et que même quand son silence régnerait à son comble alors que nous aimerions qu'il se manifeste, il prend soin de nous. Il est vrai, le silence de Dieu. C'est pour cela le roi David a dû réserver une place importante dans son hymnographie quand il soulève cette question en termes de « jusques à quand Eternel ? ... » . Ce Dieu qu'on attend voir agir dans notre vie pour que nous nous sentions aimés par lui est celui que Bonhoeffer a expérimenté dans sa vie quand il écrit : « Le Dieu qui est avec nous est le Dieu qui nous abandonne (...). Nous vivons en présence de Dieu, avec lui et sans lui » . Et Mushila Nyamankank, de qui nous tirons cette citation de Bonhoeffer, à l'instar de traître Hermes en quête de comprendre aussi bien et mieux les présupposés de Bonhoeffer écrit que ce Dieu (de Bonhoeffer) est « Le Dieu qui est à la fois présent et absent, souffrant, faible et fort » 102. Même dans son silence, il est là pour nous. Même quand nous le croyons absent, très loin... il arrive à temps et toujours à temps opportun pour nous tirer d'embuscade et nous prouver de son amour. L'amour est un autre nom qu'il porte. C'est pourquoi, le locuteur exhorte par son témoignage :
Kiazayami woko
Kiazayamiko vo Mfumu Yesu
wuku nzolanga
Nkasi lumbu kiya vuka mu meto
ma lufwa
yazaya vo wu nzolele nade.
Landa Yesu o tomalanda
mu yandi tuna nunguswa babo
Kami ntantu wuna kwiza mufuku
e vo mpia
mu yandi tuna nunguswa babo.
Je ne le savais pas
Je ne savais pas que le Seigneur Jésus
m'aimait
Mais le jour où il m'arracha de la mort
J'ai su vraiment qu'il m'aimait.
Suis Jésus, oui suivons-le
par lui nous allons tous vaincre
Quand l'ennemi viendra la nuit
Par lui nous serons sauvés.
« Kiazayami woko » est le témoignage vivant de l'amour de Dieu en Jésus-Christ, Dieu avec nous en tout temps. Le locuteur, en appelant le chrétien universel à suivre Jésus qui nous protège contre l'ennemi dans la nuit sombre de la vie, a lui-même expérimenté cette présence et amour permanents de Dieu. Il nous rassure que celui qui l'arracha entre les dents de la mort par son amour, alors que la mort l'attendait à bras ouvert, celui-là sait ce qui est bien pour nous, à la limite ce que c'est -aimer en profondeur. Comme le fait observer Oswald Chambers depuis plus d'un demi-siècle, dans son ouvrage « Tout pour qu'il règne » , quand il écrit par rapport à l'amour de Jésus qui coule de source :
L'amour véritable n'a rien de prémédité, il coule de source. Il se manifeste de cent manières merveilleuses. Il n'a rien d'un calcul mathématique (...). ce qui caractérise l'amour c'est sa spontanéité (...). La source de l'amour est en Dieu, et non pas en nous. Notre cœur naturel est incapable de produire l'amour, il faut qu'il nous vienne d'en haut. Quand nous faisons des efforts pour prouver à Dieu que nous l'aimons, c'est le signe certain que nous ne l'aimons pas. La preuve de notre amour, c'est son absolue spontanéité. 103
Cette spontanéité en amour qui se recherche encore parmi les humains est une autre qualité exceptionnelle de Dieu. Dieu nous aime et nous aime vraiment. Diawaku a fait une expérience mystique avec lui. L'hymnographie de ce chant en dit tout.
Je ne le savais pas. Je ne savais pas que Jésus m'aimait. Mais le jour où il m'arracha de la mort, j'ai su vraiment qu'il m'aimait. Ce qui vient d'être dit dans les pages qui précèdent, montre que Diawaku, dans son hymnographie, s'est souvent présenté comme un exhortateur à sens différents dans le seul but d'amener le chrétien universel à une vie attachée à Jésus-Christ et à celui qui est devenu notre Père par lui, le Christ, dans le temps et dans l'espace.
Cependant il arrive que le locuteur, pour une raison profonde et personnelle, s'adresse, comme le fait remarquer Tshonga Onyumbe, à quelqu'un qu'il connaît bien. Dans ce cas, il s'adresse directement à lui comme s'ils étaient en train de dialoguer. C'est à peu près, l'idée d'une face à face qu'on se fait ici. Le locuteur utilise, alors, pour ce cas le langage de la prière d'adoration, de louange à Dieu voire celui de la bénédiction.
Il nous sera facile dans ce point de prendre comme point de départ l'établissement de la différence entre ce type de locuteur et premier abordé dans cette étude. En un sens, si le premier locuteur anonyme s'adressait à un « connu de l'inconnu » que nous avons appelé chrétien universel, où le locuteur s'adressait à lui, à tout le monde et à personne à la fois, celui de ce point appelé encore locuteur anonyme ne s'adresse pas à tout le monde et à personne à la fois. Il s'adresse à Dieu directement ou à quelque chose d'autre (cas de la chanson Oh! Afrique). Et cette catégorie qui est le summum de l'hymnographie de Diawaku. Il s'adresse à Dieu dans le chant selon que son Erkenntnisleitendes Interesse104 est poussé par le haut et le bas de la vie. Il trouve les mots pour s'exprimer avec tout son for intérieur. Retenons quelque hymne en extrait dans cet ordre.
( « Utusungika, e tata »)
Utusungika, e tata
Muna nzil'aku
Twika mpeve a ku,
I mbombi kwa babo.
Wiza kala yeto,
Ntima siamisa.
Ngeye kaka Mfumu a moyo,
Do ! Utusadisa.
Utukeba Tata,
Do ! Utukeba
Utukebang'aka Tata,
Yamu Kwayele mvu ya mvu
Conduis-nous, O Père
Sur le droit chemin
mets en moi ton esprit
qui est le protecteur de tous
Viens et restes avec nous
Nos coeurs, encourages-les
C' est toi le Seigneur de vie
Dieu, aides-nous.
Gardes-nous, Père
Père, gardes-nous
Gardes-nous, Père
Jusqu'à jamais
(« O mon Jésus »)
Jésus, Jésus, o mon Jésus
purifies-moi
Car je suis impur
Jésus, Jésus
C'est à toi que je prie
Je t'aimerai à jamais
Amen.
(« Alléluia, Alléluia »)
O mon Jésus
Je te suis soumis, Seigneur
mon Seigneur cœur angoissé
par les tourments
A connu ta paix, Seigneur
Mon Roi sois loué
pour l'éternité
pour ma vrai félicité
Tu vins ici bas
O mon Jésus,
C'est toi mon Sauveur, Seigneur
Quand la mort fait
violence à ma vie
Je ne craindrai aucun mal
Mon Dieu, tu as assuré
ma survie,
Le prince et roi d'anormal
N'aura pas ma peau.
O mon Jésus,
je te servirai Seigneur
Mon être entier
glorifie ton nom
Alléluia, mon Seigneur
Mon Dieu, nuit et jour
je prie en ton nom
Je donnerai tous mes jours
pour servir, toujours.
( « I nge izolanga »)
I nge izolanga
O Yesu Mvuluzi
Ka vena mosi ko
Ufwaname ye nge
Kwa ngeye nsidi vuvu
O Yesu mfumu a moyo
Umpana Mpeve aku
Yalwaka kwa nge
I nge izolanga
Ye nzeyi kwame vo
Luvuvamu lwalo
Mu nge imwena lo.
C'est toi que j'aime
O Jésus sauveur
Il n'y a pas un
qui soit semblable à toi
En toi, j'ai mis mon espérance
O Jésus Seigneur de vie
Donnes-moi ton Esprit
pour que j'arrive à toi.
C'est toi que j'aime
Et je sais bien que
tout mon repos
c'est de toi que je l'ai.
(« Nzeyi dio »)
Nzeyi dio, Nzeyi dio
Nzeyi dio vo Nzambi ami
Unzolele
Nitu yayi yikwamu swanga
ntangu zazonsono vanza
Nzambi unzolele
Kwei swami na mpasi
vo ya vuvama mumamonsono ?
Nzambi unzolele, o nzeyi dio !
Vo idiatanga nkutu muna ndimba
a kini kia lufwa,
Nzambi unzolele.
Mwela ami kawena,
nkutu kani konso fiwongako
Nzambi unzolele, o nzeyi dio !
Je le sais, je le sais
Je sais que mon Dieu
m'aime
Ce corps souffre beaucoup
à tout moment
Dans ce monde Dieu m'aime
où fuirai-je ?
pour que j'aie le salut en tout ?
Dieu m'aime, oui, je le sais.
Si je marche dans la vallée
de l'ombre de la mort
Dieu m'aime
Mon âme n'aura pas peur
Dieu m'aime, oui, je le sais
( « Gloire à Dieu »)
Gloire à Dieu !
Gloire à Dieu !
Gloire à Dieu !
Gloire à Dieu !
Gloire à Toi, O Dieu Tout-Puissant,
Par ton saint nom nous sommes vivants;
Nous t'adorons, O Roi des rois.
Nous vivrons à jamais pour toi.
O Seigneur, le Tout-Puissant;
Sois loué pour l'éternité
O quel bonheur de vivre en Toi :
Nous vivrons à jamais pour Toi.
Gloire à Toi, O ! Dieu Tout-Puissant
Par ton amour nous sommes sauvés
O quel bonheur de croire en Toi :
Nous vivrons à jamais pour Toi
Gloire à Toi, O Dieu Tout-Puissant
Rends-nous puissants et nous vaincrons.
Tes serviteurs diront avec foi :
Nous vivrons à jamais pour Toi.
( « Oh ! Afrique )
Afrika sois bénie
Afrika sois bénie
ton Dieu t'a crée
pour tous ses bien-aimés.
Afrika sois louée
Afrika sois louée
Dieu te gardera
Et te protégera
Afrika bien-aimée
Afrika bien-aimée
Dieu te sauvera
De tous tes ennemis
Afrika sois fière
Afrika sois fière
Ton Dieu t'aimera
Et ne t'oubliera point
Afrika, Afrika
Afika, Afrika
Lutte chaque jour
Ne te fatigue pas.
Que dire de ces locutions ? Après ce trop rapide survol des extraits de hymnes « diawakiens » nous constatons que le locuteur anonyme s'adresse à quelqu'un qu'il connaît bien, quelqu'un qu'il détermine par l'utilisation de son nom voire ses attributs pour désigner son destinataire. Essayons maintenant, à travers le processus d'analyse, de reconstituer le statut du locuteur, même si nous ne chercherons pas à analyser les locutions dans tous leurs détails, nous allons nous attarder sur quelques locutions où le locuteur nous donne des matières et de défis.
Analyse du locuteur
Dans l'analyse précédente, nous avons reconstitué le statut du locuteur anonyme, et fondamentalement nous lui avons collé le statut d'exhortateur dans tous les sens que revêt ce mot. Et cette reconstitution du statut s'est faite en pénétrant les locutions pour se faire une idée plus proche de l'auteur. C'est à dire que nous avons fait un effort de converger vers le sitz im leben de l'auteur pour prétendre, par l'herméneutique, comprendre aussi bien et mieux ses locutions. Cependant, pour ce locuteur anonyme qui s'adresse à quelqu'un qu'il connaît bien, nous procéderons autrement : nous déterminerons le statut du locuteur par le leitmotiv de la locution. Mais avant d'en arriver là, il est avantageux, et cela dans le souci de la clarté, de relever quelque chose d'importance générale dans cette catégorie. Nous disons d'emblée que les locutions qui seront traitées maintenant sont du type de prière d'une part et du type prophétique d'autre part. C'est à cause de la forme et du fond de la locution qui n'a de parallèle nulle part dans l'ensemble de l'hymnographie « diawakienne » que nous fondons notre argumentation. Nous pouvons dire que le sens à donner à la prière dans cette analyse est celui d' « entrer par la foi en la présence de notre Père céleste, lui ouvrir notre cœur, avoir un entretien intime avec lui » 105 comme le fait Jésus dans sa prière sacerdotale telle que rapportée dans Jean 17: 1-26. Aussi, comme l'illustre Emile Brunner quand il écrit :
Des enfants sont perdus dans les bois; l'ombre les inquiète, et tout à coup, une voix retentit dans les ténèbres, voix connue, aimée, voix de la mère qui les cherche et vient à leur secours. La prière est la réponse à cette voix de Dieu qui, soudain, en Jésus-Christ, a retentit dans les ténèbres universelles.106
Après ce sens donné à la prière, abordons à présent le sens à donner à la locution prophétique.
A l'instar des écrits des prophètes bibliques qui nous font voir et dire qu'ils sont les porte-parole de Dieu d'Israël - car ils parlent de la part de Dieu aux hommes et femmes, leurs semblables - nous appelons locution prophétique le message où le locuteur, vivant dans une intimité constante avec Dieu, a été appelé par lui, dans des circonstances particulières, à communiquer une parole de condamnation ou de justification, une parole de promesse de paix, de prospérité, d'espoir, ou encore de malheur (...) sur un individu pris entre mille ou sur tout un peuple donné. Ce message peut lui être transmis par Dieu dans une vision voire par l'illumination de l'intelligence 107. Aussi, comme aux temps bibliques, nombre de ces messages dans leur contenu visent l'avenir et le devenir heureux ou malheureux selon qu'on y prend garde ou pas. Le locuteur prophétique juge le présent et prépare le lendemain pourvu qu'on y prenne garde. Dans son message, il peut traiter de tous les domaines de la vie des hommes et des femmes; le social, le politique, le religieux (...) tout peut être évoqué.
Au terme de cette mise au point sur le sens à donner à la locution du typique prière et prophétie, nous pouvons maintenant passer à la reconstitution du statut du locuteur des hymnes.
Dans cet hymne, Diawaku en locuteur anonyme s'adresse à quelqu'un qu'il connaît bien. Il appelle « Tata » , Père. Sa locution est une prière. Il sait que ce « Père » est le seul qui puisse le conduire et le conduire bien. Ce « Père » qui n'est autre que Dieu qui est différent de nos pères mortels, qui souvent nous regardent impuissants alors que nous avons besoin du secours; différent de nos pères mortels qui nous assistent impuissant devant la mort. Le mot « Père » dans cette locution n'est pas un titre de respect. Mais le locuteur trouve en ce mot l'attribut du créateur de l'univers avec tout ce qui s'y trouve. Il le considère comme celui qui engendre et garde avec un amour excellent celles et ceux qui deviennent, par la nouvelle naissance, ses enfants spirituels, car nés de l'Esprit et non de la chair et ses convoitises (Rom 8: 15; Gal 4: 6...). Il est Père par rapport au Christ avec qui il établit un rapport mystique et ineffable de paternité divine. Il est pour le locuteur, ce Père, celui pour qui le psalmiste Moïse appelle Seigneur quand il dit :
Seigneur, tu as été pour nous un refuge de génération en génération. Avant que les montagnes fussent nées et que tu eusses créé la terre et le monde, d'éternité en éternité, tu es Dieu. Tu fais rentrer les hommes dans la poussière, et tu dis : fils de l'homme, retournez ! Car, mille ans sont, à tes yeux comme le jour d'hier, quand il n'est plus, et comme une veille de la nuit (...). 108
C'est à ce Père que le locuteur se confie pour son pèlerinage sur la terre avant qu'il lui soit dit : « fils de l'homme, retournez ! » .
Utusungika, e tata
Muna nzil'aku
Twika mpeve a ku,
I mbombi kwa babo.
Wiza kala yeto,
Ntima siamisa.
Ngeye kaka Mfumu a moyo,
Do ! Utusadisa.
Utukeba Tata,
Do ! Utukeba
Utukebang'aka Tata,
Yamu Kwayele mvu ya mvu
Conduis-nous, O Père
Sur le droit chemin
mets en nous ton esprit
qui est le protecteur de tous
Viens et restes avec nous
Nos coeurs, encourages-les
C' est toi le Seigneur de vie
Dieu, aides-nous.
Gardes-nous, Père
Père, gardes-nous
Gardes-nous, Père
Jusqu'à jamais
Quiconque connaît bien Dieu comme Père peut prier en ces mots de Diawaku. Nous y reviendrons sur le sens à donner au Père dans une des prochaines locutions.
Dans ce chant, le locuteur vient à Jésus pour qu'il soit purifié. Il reconnaît en Jésus seul le pouvoir de le rendre pur. Car se reconnaissant lui-même dans sa nature pécheresse, il connaît bien Jésus et l'histoire de la puissance de son sang - qui rend pur les péchés les plus sombres. Et sa prière se termine par une promesse : celle d'aimer son Jésus à jamais. C'est un locuteur pécheur qui prie ici et tout pécheur peut prier avec lui en ces termes :
Jésus, Jésus, o mon Jésus
purifies-moi
Car je suis impur
Jésus, Jésus
C'est à toi que je prie
Je t'aimerai à jamais
Amen.
Cette hymnographie a une grande valeur liturgique. Son moment liturgique est celui de la confession où le pécheur est appelé à reconnaître humblement son péché devant le Seigneur et demander pardon pour obtenir miséricorde.
O mon Jésus
Je te suis soumis, Seigneur
mon Seigneur cœur angoissé
par les tourments
A connu ta paix, Seigneur
Mon Roi sois loué
pour l'éternité
pour ma vrai félicité
Tu vins ici bas
O mon Jésus,
C'est toi mon Sauveur, Seigneur
Quand la mort fait
violence à ma vie
Je ne craindrai aucun mal
Mon Dieu, tu as assuré
ma survie,
Le prince et roi d'anormal
N'aura pas ma peau.
O mon Jésus,
je te servirai Seigneur
Mon être entier
glorifie ton nom
Alléluia, mon Seigneur
Mon Dieu, nuit et jour
je prie en ton nom
Je donnerai tous mes jours
pour servir, toujours.
L'analyse de la locution dans cette hymnographie d' « Alléluia, alléluia » nous révèle un tableau d'une vie qui d'un côté est agitée par l'angoisse, les tourments, et aussi la violence de la mort; de l'autre côté la bienveillance et l'amour spontané d'un Jésus qui donne la paix à un cœur angoissé par les tourments de la vie et tout ce qui l'entoure; un Jésus qui assure la survie alors que pour le locuteur, la mort fait violence à sa vie afin que le prince et le roi d'anormal ait sa peau. Le locuteur qui parle ici est en train de louer Jésus pour ce qu'il a fait et fait dans sa vie. La compréhension de cette locution nous amène à tenter de ressortir le leitmotiv qui est dans cet hymne : la présence permanente de l'adversité vaincue par Jésus-Christ dans son cœur. N'est-ce pas qu'il dit :
O mon Jésus,
Je te suis soumis, Seigneur
Mon cœur angoissé
par les tourments
a connu ta paix, Seigneur.
Le locuteur parle de l'angoisse de son cœur. L'angoisse du cœur. « Lebbi » ou « Lebhabh » de l'Hébreu et « Kardia » du grec 109, le cœur occupe une place très importante dans la Bible. Il y revient plusieurs fois non pour désigner l'organe ou l'appareil pompeur du sang qui circule dans les veines, mais pour désigner l'homme intérieur.
Le sens donné au cœur comme l'homme intérieur a fait couler beaucoup d'encres dans la littérature vétéro-testamentaire et néotestamentaire. La conception hébraïque qui concevait l'homme comme un tout avec la somme de ce qu'on peut appeler ses attributs physiques, intellectuels et psychologiques, plaçait le cœur au centre de contrôle de tout. C'est pour cela, selon cette conception, qui dit cœur, en termes modernes, dit caractère, personnalité, volonté, pensée, émotions (...) dans le sens profond de l'être. La conception néotestamentaire du cœur n'est pas éloignée de celle dite vétéro-testamentaire. En terme moderne, le sens néotestamentaire s'approche de la « personne » . Raison pour laquelle, certains exégètes et traducteurs préfèrent dire par rapport au grand commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, c'est-à-dire de toute ton âme et de toute ta pensée et de toute ta force » (Mc 12. 30) 110.
De ces deux mondes bibliques, le cœur implique la dimension rationnelle (compréhension, pensées, intelligence, conscience); la dimension affective (désirs, amour, inquiétude, chagrin); la dimension volontaire (décision et engagement, résolution, intention) 111.
Quand notre locuteur parle du cœur angoissé par les tourments, nous comprenons dès lors que l'effet d'enchaînement est large dans sa vie. Il sait bien que de l'angoisse du cœur toutes les dimensions humaines peuvent être ébranlées. La présence permanente de l'adversité dans son cœur l'avait poussé à Jésus de Nazareth, le donneur de la paix du cœur. Car connaissant bien Jésus son destinataire, et sachant que Jésus accomplit toujours son œuvre dans le cœur pour le purifier, donner la paix, la joie et répandre l'amour (...), Diawaku, en lui se confia. Et, ayant expérimenté cette paix et l'assurance que Jésus donne et il se sent fortifié jusqu'à ne plus avoir peur de la mort qui fait violence à sa vie de façon aussi permanente qui soit, et il dit :
Alléluia, alléluia
Sois loué, O Roi des rois
Alléluia !
O mon Jésus, c'est toi mon Sauveur
Quand la mort fait violence
à ma vie, je ne craindrai aucun mal.
Quiconque vivant avec la présence permanente de l'adversité provoquant en lui l'angoisse du cœur, peut toujours frapper à la porte de Jésus-Christ et expérimenter son amour comme l'a fait Diawaku. Une fois bénéficiaire de cet amour de Jésus, il témoignera tout haut en retour, son amour envers Jésus-Christ, comme s'il avait eu un choix à faire entre mille. Cette déclaration d'amour sera comme celle qui ressort dans « I nge izolanga » , quand Diawaku dit :
I nge izolanga
O Yesu mvulusi
Ka vena mosi ko
Ufwanane ye nge.
C'est toi que j'aime
O Jésus (mon) Sauveur
Il n'y a pas un
qui soit semblable à toi.
Notre locuteur a choisi son amour. C'est Jésus le Sauveur. Et, il va plus loin jusqu'à déclarer qu'il n'y a pas un qui soit comme son Jésus. En lui, il a mis toute son espérance. Il sait bien que tout son repos vient de Jésus son Sauveur. C'est pour cela il chante de tout son cœur et de toute son âme:
Kwa ngeye nsidi vuvu
O Yesu Mfumu a moyo
En toi, j'ai mis mon espérance
O Jésus Seigneur de vie.
I nge izolanga
Ye nzeyi kwame vo
Luvuvamu lwalo
Mu nge imwema lo
C'est toi que j'aime
Et je sais bien que
tout mon repos
c'est de toi que je l'ai.
Cette locution qui s'était déjà réservée une page et un numéro dans le recueil « Nkunga mia kintwadi » (édition, novembre 1974), traduit la personne de Diawaku, par rapport à son amour pour Jésus-Christ, quand il a eu pour mots que cet hymne lors du culte en guise de remerciement à Dieu à l'occasion du rétablissement de sa santé après une intervention chirurgicale à cœur ouvert suite à une angine de poitrine. Nous sommes là, le samedi 20 février 1988 à la paroisse de l'Église du Christ au Congo, Communauté Baptiste du Congo Ouest, ECC/CBCO, Kinshasa-Kintambo. 112
Diawaku, locuteur anonyme dans cet hymne, s'adresse à Jésus le Seigneur de la vie. Il l'aime bien plus que tout, et ne voit que lui, source de son repos et le refuge de son espérance dans ce monde.
Il faut dire que l'hymnographie « diawakienne » dans la diversité de ses thèmes n'a pas manqué de parler de la souffrance humaine qui accompagne l'humain de la naissance à la mort. Dans ce domaine, examinons la locution dans l'hymne « Nzeyi dio vo Nzambi ami » .
Nzeyi dio, nzeyi dio
Nzeyi dio vo Nzambi ami
Unzolele
Je le sais, je le sais
Je sais que mon Dieu
m'aime.
L'analyse de cette locution nous exige, pour une meilleure compréhension, d'entrer dans ce que C. Pantillon appelle « l'école de la souffrance » , comme nous le fait remarquer Masiala ma Solo, son ancien étudiant à l'Université de Genève dans son ouvrage portant sur le dialogue pastoral (1991). Et si nous nous efforçons de comprendre aussi bien et mieux les présupposés pantillonniens par rapport à « l'école de la souffrance » , vite nous nous rendons compte qu'il s'agit là de la maladie. Masiala répétant la pensée de Pantillon nous dira en ces mots :
(...) Quand la maladie s'annonce et éclate, elle suscite une foule de réactions pour l'éviter, la refouler, la marginaliser ou l'escamoter à l'échelle sociale et individuelle. Car la maladie fait peur, dérange, déconcerte, met en question, fait mal, met à nue notre finitude et notre fragilité, coup d'arrêt, menace ou rupture, il est d'autant plus difficile de l'accueillir et de la prendre réellement en compte et de l'assumer, elle met en branle, réactive une série de représentations, d'images, de symbole, d'interprétations, d'expériences, d'attitudes charriées par notre histoire, notre culture, notre être-au-monde. 113
Afficher complet, de cette pensée, nous dirons que la maladie bouleverse l'homme, dérange l'ordre de choses en lui. Et cela pas seulement en lui, mais encore dans tout son entourage. Le problème c'est celui de l'accueillir. Car l'accueillir et lui trouver un sens, écrit Masiala ma Solo, cela peut être une démarche d'espérance. Cette espérance est indispensable 114 car elle est comme « une expression de confiance dans le présent, ce présent qui contient en germe tous les futurs » 115. C'est de cette réalité que le locuteur soulève dans cet hymne de souffrance du corps malmené par la maladie mais aussi celui de l'espérance d'un homme qui sait que Dieu l'aime. Quand on se donne la peine de lire profondément cette locution, et si l'on comprend bien et mieux le locuteur, on réalise qu'il ne s'adresse ni à Dieu qu'il connaît bien, ni à personne mais à lui-même. Il s'adresse cette locution par rapport à sa situation de la maladie qui plus tard l'emportera. Il se parle pour forger son espérance et mieux s'assumer. Il se parle en se rappelant l'amour de Dieu envers lui dont il est lui-même témoin. Il dit ou mieux il se dit « Je le sais (...) je sais que mon Dieu m'aime » :
Nitu yayi yikwa muswanga
ntangu zazonsono vanza
Nzambi unzolele
Kwei swami na mpasi
vo ya vuvama muma monsono
Nzambi unzolele, o nzeyi dio
Ce corps souffre beaucoup
à tout moment dans ce monde.
Dieu m'aime
où fuyerai-je pour que
j'aie le salut en tout ?
Dieu m'aime, oui, je le sais.
Diawaku, poussé par la maladie, se voit renvoyé à lui-même. « C'est un autre soi-même » 116 que la maladie révèle en lui. « Comme devant un miroir, son propre moi, sa fragilité et sa finitude s'y révèlent » 117. C'est ici le terrain de reniement et de remise en question. Il s'interroge sur sa vie. Faut-il chercher la cause de la maladie dans le péché ? Mais, on sait aussi que la maladie frappe même des gens qui n'ont rien à se reprocher. Pour dire que toute maladie n'est pas nécessairement le résultat d'un péché personnel. La Bible dit que Job était intègre, droit, craignant Dieu, détournant son pied du mal... La maladie le frappa. Paul était malade. Une écharde lui rendait la vie difficile jusqu'à sa mort. Timothée souffrait très fréquemment de l'estomac... Lazare l'ami de Jésus était malade à en mourir. Les exemples peuvent s'ajouter pour soutenir cette façon de lire la problématique très antique dans la vie des humains. Mais, chercher à cerner aussi cette problématique de la maladie n'est que vanité de vanité. La maladie nous prépare à mourir en ordre avec Dieu, de bien utiliser le temps. Elle offre le temps (difficile) de passer tout en revue, et de bien utiliser le temps. Elle nous rassure que la mort vient et vient certainement à nous. Elle nous fait marcher dans la vallée de l'ombre de la mort et nous fait voir la mort en face de nous. Pleine de force et forte de son aiguillon que nul ne peut résister jusqu'au jour où nous l'interrogerons avec Paul : « O mort où est ton aiguillon ? » (1 Co 15, 55b). Diawaku vivait cette réalité. Et pour prendre courage, fondant son espérance sur l'amour de Dieu envers sa personne, il se console et assure sa propre psychothérapie en empruntant les mots chers au Roi David dans Psaumes 23 :
Vo idiatanga nkutu muna
ndimba a kini kia lufwa
mwela ami kawena
nkutu kani konso fiwonga ko.
Si je marche dans la vallée
de l'ombre de la mort
mon âme n'aura pas
la moindre peur.
Le locuteur sait que Dieu l'aime et peut garder sa vie sauve. C'est pour lui une assurance fondamentale. Quand il dit Dieu m'aime, il sait de quoi il parle par rapport à la puissance, la toute-puissance de Dieu. Diawaku sait de qui il parle. C'est d'un Dieu Tout-Puissant. Celui-là qui un jour, l'arracha entre les dents de la mort lors de son accident de circulation entre Lukala et Kimpese dans les années 60. Diawaku lui fait confiance et compte sur son amour. Quiconque souffre, dans le temps et dans l'espace, peut bien trouver en cette psychothérapie hymnique « diawakienne » des mots capables d'agir sur son esprit malade ou sur le corps par l'action de l'Esprit afin de semer les grains de la paix du cœur, de la foi, de l'espérance et de l'amour dont il a besoin pour s'assumer ou pour s'en sortir de cette situation de « Mitsein » , « d'être-avec » la maladie.
Quittons à présent le monde de la maladie et tout son cortège de souffrance, d'angoisse, du bouleversement psychique pour entrer dans celui de la célébration où coulent les mots de foi d'un homme qui, s'efforçant de connaître Dieu son destinataire, vient comme dans un credo forgé afin de confesser tout haut son Dieu dans sa toute puissance. Et pour ce faire, il formule sa définition de Dieu et présente les arguments théologiques en faveur de son existence. C'est de la locution de l'hymne « Gloire à Dieu » qu'il s'agit ici où nous parlons largement de la toute puissance de Dieu.
Diawaku, comme, entrant dans une doxologie trouve les mots que lui dictent ses raisons profondes pour rendre honneur et célébrer le saint nom de Dieu de qui toute l'humanité tient son existence. Il lui rend hommage et reconnaît que s'il faut vivre, s'il faut être sauvé c'est Dieu seul qui peut le faire en nous. Ainsi, dit-il :
Gloire à toi, O Dieu Tout-puissant
Par ton saint nom nous sommes vivants
Nous t'adorons O Roi des rois
Nous vivrons à jamais pour toi
Diawaku veut donner un sens et une signification particulière à cela. Comme le dit Henry C. Thiessen dans son ouvrage intitulé « Esquisse de théologie biblique » et cela par rapport à la définition et l'existence de Dieu :
Un des termes les plus largement employés pour la divinité, c'est El et ses dérivés Elim, Elohim, et Eloah. Il est similaire au mot grec theos, au mot Latin Deus et au mot français Dieu (...). Le pluriel Elohim est employé régulièrement par les auteurs de l'Ancien Testament avec des verbes et des adjectifs au singulier pour indiquer une notion au singulier (...) Le nom composé El - Elion désigne Dieu comme le plus élevé le très - haut (Ps 78.35) et El - Schaddai comme le Dieu Tout - Puissant (Gé. 17.1). 118
Alors que le Nouveau Testament et ses auteurs remplacent El, Elohim et Elion par theos. Quant au nom de Dieu Tout-puissant, « Nzambi a mpungu » que Diawaku choisit dans cette locution de « Gloire à Dieu » son « Doxa theos » , El-Schaddai se traduit par « theos pantokrator » , en grec.
Comme le fait observer Thiessen la formulation de la définition de Dieu est impossible d'être unanime. S'il faut en trouver une qui en donnerait un portrait complet et exhaustif. Ce qui est bien c'est d'essayer toujours de le définir dans la mesure où nous le connaissons et où nous connaissons de choses à son sujet 119. Chacun a sa définition de Dieu selon l'expérience religieuse profonde qu'il a fait et fait avec lui. C'est la raison pour laquelle Vibila Vuadi nous fera remarquer que le Dieu de la création est celui qui n'est pas toujours connu dans sa totalité. Il se révèle toujours dans le temps et dans l'espace, mais en partie. Ainsi, en principe, personne ne peut oser dire qu'il le connaît fort bien 120. Fort de cette façon de voir les choses de Dieu, nous dirons que la totalité de la révélation de Dieu ne peut pas se contenir dans un discours humain. Car Dieu est plus grand que cela. Si Strong, cité par Thiessen, trouve une définition à la fois courte et détaillée de Dieu en ces termes : « Dieu est l'Esprit infini et parfait en qui toutes choses ont leur origine, leur soutien et leur fin» 121, nous nous permettons de rallier cette définition à celle qui ressort de cette locution « diawakienne » . Car, pour Diawaku le theos Pantokrator est l'origine de toutes choses mais aussi le soutien permanent dans une « unité articulée de l'a-venir, de l'avoir - été et du présenter, qui sont ainsi donnés à penser ensemble » 122 dans la vie de l'imago dei et cela par rapport à la problématique de la temporalité de l'existant humain. Pour Diawaku le Dieu Tout-Puissant est celui qui nous fait vivre seulement par son nom, et qu'à cause de cela nous vivrons à jamais. Ce Dieu dans sa toute - puissance crée et soutient l'existant humain. C'est autrement avouer que sans lui, le theos Pantokrator, l'existant humain ne peut vivre. Dieu tient le monde dans sa main et le gouverne à bras étendu. Malgré tous les vents contraires, malgré l'oppression, la persécution, la disette, la maladie (...) Diawaku trouve en la toute puissance de Dieu le dernier mot de qui sont toutes choses. Il est celui-là qui ne peut abandonner ni délaisser son imago. Sa toute-puissance domine toutes celles de ce monde. Dans cette locution c'est clairement donné que le locuteur s'adresse à Dieu et croit en lui avec bonheur quand il dit :
Gloire a toi, O Dieu Tout-Puissant
Par ton amour nous sommes sauvés
O quel bonheur de croire en toi
Nous vivrons à jamais pour toi.
C'est ici que le credo « diawakien » peut être considéré comme un fleuve qui se déverse dans l'océan du symbole des apôtres pour y trouver son fondement théologique. Cette locution que nous pouvons appeler le « Doxa theos Pantokrator diawakien » est pour nous le summum de son hymnographie. En ce sens que l'on assiste ici à un résumé du Symbole des Apôtres. Relevons quelques traits en ayant pour ouvrage d'appui le document de Foi et Constitution no 140, l'œuvre pensante du Conseil Oecuménique des Églises, « Confesser la foi commune » (Genève, 1988).
Gloire à Toi, O Dieu Tout-puissant (...)
O quel bonheur de CROIRE EN TOI !
C'est autrement dire :
Gloire à Toi, O Dieu Tout-puissant
Quel bonheur, j'ai, de croire en Toi !
Alors que le Symbole des Apôtres à son article 1er dit : « Je crois en Dieu le Père Tout-puissant » . Nous trouvons qu'il y a lieu de converger les présupposés. Sans nous permettre d'entrer dans le débat grammatico-théologique sur l'appellation du « Père Tout-puissant » comme une épithète du Père, d'une part et « Père, le Tout-puissant » qui sont d'ailleurs toutes deux valables de sens, d'autre part .Valables toutes deux ,car « on retrouve ces deux interprétations tout au long de l'histoire de l'Église. Chacune a sa place » 123. L'une des formes nous invite à tenir en compte les significations distinctes des mots « Père » et « tout-puissant, l'autre forge une complémentarité de sens que chacun des termes apporte à l'autre. 124
L'histoire liée au Symbole des Apôtres nous renseigne qu'il y avait, au temps de l'Église primitive
Beaucoup de prétendants à la souveraineté universelle. On y compte le panthéon hellénique, la destinée déterministe, les formes platoniques, le moteur immuable d'Aristote, le monde - raison impersonnel de la philosophie stoïque, les enseignements et rituels ésotériques des religions de mystère, les éons gnostiques, sans oublier l'apothéose de la domination terrestre dans le culte impérial romain. 125
C'est pour dire que c'est face à eux tous que l'Église et le Symbole ont affirmé en la personne du père de Jésus-Christ seul, et nul autre le nom de Pantokrator 126. Cette identité confesse qu'en Pantokrator, Dieu est le père Tout Puissant en ce sens que c'est lui seul qui est le créateur du ciel et de la terre. Lui seul est le commencement et la fin de toutes choses. Lui seul règne et doit être adoré. Car comme Jean l'écrit dans l'Apocalypse 18: 8 « Je suis l'alpha et l'oméga, dit le seigneur Dieu, celui qui est, qui était et qui vient » . Il n'y a pas quelqu'un d'autre. Il n'y a que lui seul, le Pantokrator. Il l'est en paroles et en actes: Ce qu'il dit il le fait. Ainsi, quand Diawaku dit dans sa locution hymnique que nous avons appelé 'Doxa theos Pantokrator:
Gloire à toi, O Dieu Tout - Puissant
Par ton saint nom nous sommes sauvés
Quel bonheur de croire en toi
Nous vivrons à jamais pour toi.
Voire quand il dit encore plus fort que cela :
Gloire à toi, O Dieu Tout - Puissant
Rends- nous puissants et nous vaincrons
Tes serviteurs diront avec foi :
Nous vivrons à jamais pour toi;
et à l'instar de l'esprit du symbole nous remarquons qu'il s'agit là d'une affirmation théologique fondamentalement biblique qui contient à la fois un nombre de connotations. De ces deux strophes, il ressort :
— Une connotation d'affirmation doxologique qui soulève en cette locution un appel à la célébration, à la louange et à l'adoration de Dieu.
— Une connotation d'affirmation d'espérance d'un peuple opprimé par la souffrance, par la faim, la guerre, l'injustice, la maladie, l'économie, le politique, l'idéologie où règne la loi du plus fort dans un monde où chacun pour soi et rien pour tous impose son diktat.
— Une connotation d'affirmation de foi de tous les serviteurs de Dieu Pantokrator, qui malgré les réalités contraignantes du monde avec son chaos permanent capable de réduire à néant tout ce qui existe en un clin d'œil, les serviteurs de Dieu confesse qu'ils vivront à jamais par le Père Pantokrator. Cette affirmation est à la fois parousiaque. Dans ce sens qu'elle anticipe de manière implicite le retour du Messie pour vivre à jamais avec lui. C'est de l'eschatologie qu'on a affaire ici.
— Une connotation d'affirmation de la souveraineté de Dieu qui constitue en l'Église et les fidèles de Jésus-Christ, le lieu par excellence où le règne de Dieu est manifesté pour montrer que tout l'univers est entre ses mains et qu'il contrôle toutes choses. Il détrône tous les imposteurs à la souveraineté universelle. Il maîtrise le monde dans son histoire et dans sa destinée.
— Une connotation d'affirmation de confiance en la toute puissance de Dieu qui crée, recrée et sauve en Jésus-Christ pour que le monde, dans sa quotidienneté, retrouve la triade la foi - l'espérance - l'amour et vive dans la sérénité afin d'offrir aux existants humains, mais aussi à toute la création qui gémit encore, un oasis de repos où il fait beau vivre.
En fermant l'analyse de cette locution du « credo diawakien » , nous dirons que c'est comme cela que nous avons compris le contenu de cet hymne que nous avons qualifié, à raison ou à tort, le summum de l'hymnographie « diawakienne » .
Nous arrivons à la lie de notre analyse de locutions « diawakiennes » . Dans les pages qui précèdent, et par rapport au locuteur anonyme qui s'adresse à un « connu », où l'hymnographie de Diawaku est prédominante, nous avions épinglé une particularité locutionnelle. Celle-ci porte sur la locution de « Oh! Afrique » . Cette locution, en conjecture, nous fait penser à quelqu'un qui s'adresse non pas à Dieu pour l'implorer ou pour l'adorer, mais plutôt à un peuple nombreux d'un vaste et vieux continent : l'Afrique. Cette Afrique, à qui Diawaku s'adresse, est prise ici globalement. Elle est prise comme l'ensemble de peuples formant les nations du continent. Elle est prise globalement comme pour mentionner ses politiques, ses économies, ses idéologies, ses cultures, ses religions (...). C'est une Afrique qui tient compte de son non - avancement au progrès sinon aux conflits armés à cause de la course au pouvoir et /ou à cause des mines enfouies dans son sous-sol. C'est une Afrique qui dort le jour et la nuit sans penser à ce qu'il adviendrait dix, quinze, vingt ans après dans l'intérêt de ses filles et fils. C'est une Afrique malade car battue et dépouillée de ses richesses par celles et ceux qui soumettent le monde entier sous leur diktat. C'est une Afrique où les ennemis du peuple règnent sans partage et même sans le vouloir de gouvernés; une Afrique fatiguée par l'injustice, l'exclusion, l'exode, la fuite de cerveau, la guerre, la famine, le sida, le chômage, la dictature, la torture, l'exploitation de l'homme faible par l'homme fort, la marginalisation de la femme et son oppression par de coutumes injustes, l'exploitation abusive de l'homme; fatiguée par la violence aux femmes et aux enfants qui peuplent les rues car ils sont orphelins de parents vivants . La liste peut s'allonger.
Face à cette situation que connaît l'Afrique depuis les décennies, Diawaku vient en locuteur - prophète pour transmettre le message de Dieu à l'Afrique entière qui est en train de gémir. Il apporte le message d'espoir à un peuple qui en a plus un. Il lui dit, comme dans un dialogue, en lui tapotant sur l'épaule:
Afrika sois bénie (x2)
Ton Dieu t'a créée
Pour tous ses bien aimés.
Afrika sois louée(x2)
Dieu te gardera
Et te protégera
Afrika bien-aimée (x2)
Dieu te sauvera
De tous tes ennemis.
Afrrika sois fière (x2)
Ton Dieu t'aimera.
Et ne t'oubliera point.
Afrika, Afrika
Lutte chaque jour
Ne te fatigue pas.
Une lecture de fond que nous pouvons faire de cette locution relève quelques préalables. Diawaku comme locuteur - prophète de theos Pantokrator vient lever le soleil de l'espoir, de la joie, de l'amour et l'estime de soi,... au plus profond d'une Afrique sombre des ténèbres comme à une nuit sans astres pour éclairer. Le soleil qui vient éclairer livre les messages comme « Dieu te gardera, et te protégera; Dieu te sauvera de tous tes ennemis; Ton Dieu t'aimera et ne t'oubliera point » . Les promesses de Dieu sont comme dans une maison à deux portes. L'une de devant et l'autre de derrière. Il faut entrer dans la maison, prendre le sac de promesses et sortir pour se reposer au jardin derrière la maison et prendre son temps avec le contenu de ce sac de promesses. Examinons les portes.
1o La porte de devant. Cette porte qui donne accès à la maison et au sac soulève une très grande problématique. Et c'est étonnant de réaliser que Diawaku en 1988 déjà voyait les choses dans ce sens. Pour lui, l'Afrique devrait d'abord accepter que Dieu l'avait crée pour tous ses bien aimés comme terre d'asile de tout le monde en danger comme ce fût avec Joseph, marie et l'enfant Jésus (Mt 2, 13- 55). Mais encore comme la terre qui secourt l'affamé. L'histoire des patriarches en dit long (Gn. 12: 10ss; 46: 1ss). En un sens, nous pouvons dire que l'Afrique doit s'ouvrir aux autres et partager avec les autres. Peut-être faut-il qu'elle trouve son compte, dans cette entreprise, condition première pour accéder à ses bénédictions.
2o La porte du jardin. Celle - ci réveille l'Afrique qui dort profondément, comptant sur les autres plus que sur elle - même. Le locuteur lui lance un appel à la lutte pour ses droits, son progrès, son mieux-être (...) qui ne dépendent que du travail.
Il est aussi avantageux de relever la couleur religieuse non partisane de cette locution d'un chrétien qui parle à tout le monde d'Afrique sans choquer la conscience religieuse des celles et ceux qui ne sont pas chrétiens. Diawaku dans cette locution est d'un esprit d'ouverture car implicitement il s'ouvre à d'autres religions pour qu'elles reçoivent le message du Seigneur pour l'Afrique. Un musulman répéterait la même locution, p. ex, en y remplaçant Dieu par Allah et rien ne modifierait le sens du message. L'Afrique peut illustrer beaucoup des cas qui montrent qu'elle n'a pas encore compris que Dieu l'avait créée pour tous ses bien - aimés du monde entier afin qu'en elle le monde entier trouve son asile d'une part et pourquoi ne pas y trouver son aide d'autre part.
A en croire Diawaku, l'Afrique a un grand avenir aux yeux de l'Eternel Dieu, pantokrator. Il suffit qu'elle apprenne à croire en elle-même d'abord et ensuite. Diawaku rêve; mais il ne rêve pas du passé. Il rêve plutôt de l'avenir brillant de l'Afrique. Cet avenir et devenir sont tout à fait possibles sous certaines conditions: savoir pourquoi elle a été créée et apprendre à lutter sans se fatiguer pour qu'elle atteigne le niveau de son plus -avoir, plus -savoir, plus -être afin que le combat du progrès puisse continuer et qu'elle puisse vivre réellement libre, heureuse et prospère pour ce temps comme pour les temps à venir.
Maurice MONDENGO Iyoka B.
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Notes
83. J. BERLANDINI nous a également inspiré quand elle traite sur la place des hymnes dans la littérature religieuse égyptienne. Voir Dictionnaire des Religions de Paul POUPARD, PUF, Paris, 1984, p. 744.
84. Ibid.
85. * Les chants en astérisque indiquent leur appartenance dans le recueil de Nkunga mia Kintwadi, édité par CEDI, Kinshasa, 1974 et portent respectivement le numéro 13, 49, 52, 261, 267, 346, 673, 822, 826. Ces textes portent le nom de Noé DIAWAKU et datent d'avant 1960.
86. D.M.GIMENEZ, Brève présentation du chant liturgique byzantino-slave, in https:// fr.google.com/bin/query_fr?p=hymnologie .
87. Cf. M. DELAHOUTRE, « Expérience religieuse » , in Dictionnaire des religions, Ouvrage déjà cité, p. 560.
88. Ibid.
89. Cf. Pour ce faire l'œuvre de M. HEIDEGGER, L'être et le temps, 1ère partie, section I, chapitre IV §27 où il traître de l'être - soi quotidien et le « on » , traduction de R. BOEHM et A. de WAELHENS, éd. Gallimard, Paris, 1964, pp. 159-160.
90. Cf. Dictionnaire des religions, op. cit., p. 560.
91. Octave UGIRASHEBUJA, « L'Afrque et ses formes de vie spirituelle », Art. In Revue Zaïre-Afrique, Cepas, Kinshasa, septembre 1984, p. 405.
92. KIAZAYILA Kingengo, Cours de théologie spirituelle, (inédit), dispensé en L2 théologie, UPC, 2001-2002.
93. D. M.GIMENEZ, https://fr.google.com /bin/query_fr?p=hymnologie.
94. MENGI Kilandamoko, Op. cit., p. 46 .
95. MUSHILA Nyamankank, Cours de Théologie mystique, Dispensé en 3e Graduat Théologie (inédit), Kinshasa, UPC, 1999-2000.
96. R. D. CANDE, op. cit., pp. 5-6.
97. A. VERCHALY, « Le cantique » article in La musique à travers ses formes, Ouvrage déjà cité, p. 34.
98. TSHONGA Onyumbe, « L'homme vu par l'homme dans la musique zaïroise moderne de 1960 à 1981 » , art. In Revue Zaïre-Afrique, no 186, juin-juillet-août, St. Paul, Kinshasa, 1984, pp. 357-365.
99. TSHONGA Onyumbe, op. cit., p. 358.
100. Ibid.
1013. NGOY Mwaka, Cours de Tradition liturgique, Dispensé en L1 Théologie (Inédit), Kinshasa, UPC, 2000-2001.
102. Cf. MUSHILA Nyamankank, « Traits caractéristiques de la société moderne et critique postmoderne », in RCTP, no 12, 1998. P. 38.
103. O. CHAMBERS, Tout pour qu'il règne, Neuchâtel, Ed. Delachaux & Niestlé, s.a., 1940, P. 121.
104. Ce terme technique allemand est utilisé, en théologie, pour signifier la motivation ou mieux la raison d'être voire l'intérêt d'une étude. C'est MUNDUKU Ngamayamu Dagoga qui l'emploie dans son article intitulé « Recherches sur l'Église du Christ au Zaïre. Essai bibliographique » , in Revue Zaïroise de Théologie Protestante, no 5, 1991.
105. Ph. DUVANEL, La clé des psaumes, Genève, La Maison de la Bible, 1961, p. 109.
106. E. BRUNNER, Notre foi, Lausanne, Editions La Concorde, 1951, p. 106.
107. Nouveau Dictionnaire Biblique, op. cit., p. 1071.
108. Psaumes 90.
109. Cf. Nouveau Dictionnaire Biblique, op. cit., p. 267.
110. Ibid., pp. 267-268.
111. Nouveau Dictionnaire Biblique, op. cit., pp. 267-268.
112. Cf. MASIALA ma Solo dans son étude sur le dialogue pastoral, in Manuel africain de Théologie, no 1, Kinshasa, CEDI, p. 137.
113. Cf. MASIALA ma Solo, op. cit., p. 35.
114. Ibid., p. 36.
115. Ibid.
116. MASIALA ma Solo, op. cit., p. 21.
117. Ibid.
118. H. C. THIESSEN, Esquisse de théologie Biblique, Paris, Ed. Farel et Béthel, 1985, p. 28
119. Ibid., p. 29
120. VIBILA Vuadi, Cours de Dieu dans sa création, Dispensé en L1 Théologie (Inédit), Kinshasa, UPC, 2000-2001
121. H.C. THIESSEN, op cit., p. 30.
123. C'est J. LADRIERE, un grand philosophe de notre époque, professeur honoraire de l'Université Catholique de Louvain qui nous donne cette citation quand il s'appuie sur les célèbres analyses de Heidegger dans « Sein und zeit » telles que commentées par P. Ricoeur dans le troisième volume « Temps et récit » , intitulé « le temps raconté, pour étayer ses autour du thème temps et histoire, in Actes des Vèmes journées philosophiques de Bamanya du 29 mars au 1er avril 1989, Mbandaka, p. 19.
124. Document de foi et constitution no 140, Genève, COE, 1988, p. 20 (39).
125. Ibid., p. 40.
126. Document de foi et constitution no 140, p. 40.
127.
127. Ibid.
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Dimanche 17 Mars, 2024