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Maurice MONDENGO Iyoka B.

Université protestante au Congo, Faculté de Théologien B.P. 4745n Kinshasa II

Pour une hymnologie protestante congolaise efficiente. Lecture de l'hymnographie de  Noé Diawaku

Table des matières 

Chapitre II. Regard sur l'hymnologie protestante congolaise

En abordant ce chapitre, nous voulons - par le fait même - jeter un coup d'œil analytique sur l'hymnologie protestante congolaise. Notre effort est de nous rendre compte de ce qu'est le contenu de cette hymnologie. En  d'autres termes, nous voulons examiner les hymnes qui se chantent, dans les cultes, constituant  ainsi, dans l'ensemble, ce qu'on peut appeler l'hymnologie des communautés issues de la Réforme au Congo. Après examen, notre souci est aussi de relever l aussies traits caractéristiques qui font la particularité de cette hymnologie aujourd'hui. Dans cette démarche, il y a lieu d'apprécier, à sa juste valeur, l'apport de cette hymnologie dans l'œuvre d'évangélisation missionnaire au Congo d'une part, et cerner  les perspectives d'avenir dans ce domaine, d'autre part.

Ainsi, en clair, ce chapitre s'articulera autour de cinq points, à  savoir: Compréhension du thème, quiddité de l'hymnologie protestante congolaise, traits caractéristiques, autre main  de l'évangélisation missionnaire, et  enfin, avenir  en danger ?

Ce chapitre s'avère comme une aide à l'hymnologue, car son contenu sert de lampe témoin en ce sens qu'il donne une information largement afférente à la connaissance de l'hymnologie protestante congolaise et à la fois il permet, de par son contenu, d'apprécier la contribution particulière de Noé Diawaku dans cet édifice. Ainsi, lançons- nous au saisissement du thème hymnologie protestante.

2.1 Compréhension du thème hymnologie protestante

Pour mieux comprendre le sens et la signification du thème de ce point, il est indispensable de donner une explication de ces deux termes clés, car, ils sont constitutifs de cette étude. Nous parlerons, en effet, et successivement, de « l'hymnologie » et de l'épithète « protestant ».

2.1.1  De l'hymnologie

Il ne nous sera pas aisé de trouver une définition fouillée de l'hymnologie dans ce travail. Car les encyclopédies et les dictionnaires, même les plus respectables, n'en font, malheureusement, pas cas à ces jours.  Toutefois, disons que, le vocable hymnologie vient de deux mots grecs : humnos et logos. Le premier se traduit par cantique, chant, poème d'invocation et d'adoration et le second  par discours, science... 33  . L'hymnologie se définit comme étant l'art de créer et d'étudier les hymnes, les chants les poèmes d'invocation et d'adoration.

Ces différentes appellations convergent en ce quelque chose qu'on peut appeler «air chanté, composition musicale destinée à la voix, généralement sur des paroles » et remplissent aussi la fonction de ce qu'on peut appeler au sens hébreu «  maskil » c'est à dire, « poème didactique » qui attire l'attention et rend intelligent  comme c'est le cas dans le titre des psaumes 32 ; 42 ; 44 ; 45 ; 52 ; 53 (...). Si de l'hébreu «  maskil » traduit le sens de méditation poétique, un autre sens de près semblable voit en ces mots qui traduisent l'idée du chant ou de l'hymne le sens grec υμυηοις  ou encore υμυηο (verbe), hymner. C'est de cette forme qu'on fait sortir le mot hymne ou chanter un hymne, un psaume ou un cantique spirituel à Dieu. 35

De ce qui précède, nous dirons en définitive que, les chants ou mieux les hymnes sont des messages chantés en vue d'une communication d'un contenu donné à l'endroit de celles et ceux de contemporains ou non. Ils sont de l'apanage de l'hymnologie qui les crée et les étudie avec art pour la beauté du culte public.

2.1.2  De l'épithète   «  protestant »

Ce terme dénote d'abord un adjectif relatif, à celui et celle ou ce qui proteste. Chrétienne, chrétien appartenant à religion reformée et qui rejette l'autorité du pape de Rome 36. On y compte les anglicans, les calvinistes, les évangéliques, les luthériens, les presbytériens, les puritains (...). Leur pluralité forme dans leur ensemble ce qu'on peut appeler le protestantisme. En effet, le protestantisme est le fruit de la grande révolution, le séisme religieux qui a eu lieu en Allemagne en XVI e siècle sous la houlette de Martin Luther, moine catholique de l'ordre de Saint Augustin. Ce protestantisme de Luther bien que forgé pour de motifs religieux, il s'est vu changé et chargé par la révolte des paysans dont la situation sociale avait déjà provoqué des jacqueries en Angleterre et en France au XIV e siècle, en Frise, en Suisse et en Alsace vers 1490. C'est dans le cadre de la lutte pour l'abolition des droits seigneuriaux, la suppression du servage et la réduction des impôts et de corvées que le protestantisme s'est vu placé aussi sur le terrain politique et social alors que Luther le plaçait sur le plan exclusivement religieux. 37

Dans le souci de bien cerner le sens et la signification du mot protestant, un recul dans l'historicité de la Réforme nous sera très avantageux. Il faut chercher et trouver le sens du mot protestant et sa signification dans le soutien légendaire des princes allemands qui avaient souscrit pour la cause de Martin Luther. Ils avaient bravé l'injonction qui leur avait été faite par l'empereur Charles Quint de condamner les doctrines de Luther. Nous sommes là à la diète de Spire, en 1529. Comme le fait observer Ellen G. White : « Le courage, la foi et la fermeté de ces hommes de Dieu ont assuré la liberté de conscience aux siècles suivants. Cette protestation mémorable, dont les principes constituant, l'essence même du protestantisme, donna son nom aux adhérents de la Réforme dans le monde entier ». 38

Cette déclaration ou mieux protestation solennelle que Ellen. G. White appelle « essence même du protestantisme » était rédigée et présentée devant l'assemblée nationale réunissant tous les princes. Et, sans tenir compte de l'absence du roi Ferdinand qui, après avoir annoncé les volontés de la hiérarchie et celle de la papauté, se retira sans donner aux adjuvants de Luther l'occasion de lui répondre, les princes déclarèrent :

La déclaration de princes ajoute :

Il n'est de doctrine certaine que celle qui est conforme à la parole de Dieu, (...) Les Seigneur défend d'en enseigner une autre ; (...) chaque texte de la Sainte Ecriture devant être expliqué par d'autres textes plus clairs, ce Saint Livre est, dans toutes les choses nécessaires au chrétien, facile et propre à dissiper les ténèbres. Nous sommes donc résolus, avec la grâce de Dieu, à maintenir la prédication pure et exclusive de sa seule parole, telle qu'elle est contenue dans les livres bibliques de l'Ancien et du Nouveau Testament, sans rien ajouter qui lui soit contraire. Cette parole est la seule vérité; elle est la norme assurée de toute doctrine et de toute vie, et ne  peut jamais ni faillir ni se tromper. Celui qui bâtit sur ce fondement résistera à toute puissance de l'enfer, tandis que toutes les vanités humaines qu'on lui oppose tomberont devant la face de Dieu (...). Voilà pourquoi nous rejetons le joug qu'on nous impose. 40

Au regard de cette déclaration de protestataire de la diète de Spire, dénotons l'esprit et le sens de la liberté mais aussi ceux  du courage. Humainement influencés par le nationalisme allemand au côté de Luther, d'une part, et, spirituellement rencontrant et faisant leur les doctrines de Luther d'autre part, les princes allemands ont forgé par le contenu de leur célèbre protestation l'essence même du protestantisme. L'on comprend dès lors que cette déclaration confessante « s'élève contre deux abus de l'homme dans les choses de la foi : l'intrusion du magistrat civil et l'autorité arbitraire du clergé. A la place de ces deux abus, le protestantisme établit, en face du magistrat, le pouvoir de la conscience; et en face du clergé, l'autorité de la parole de Dieu... ». 41

Le texte récuse l'amalgame de choses entre le pouvoir civil et les choses divines. Et à l'instar des prophètes et des apôtres, il stipule : il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Le protestantisme priorise non seulement le fait de croire et celui de pratiquer la foi mais aussi la liberté d'exprimer librement ce que l'on estime être la vérité et conteste à quiconque le droit de l'en priver. Il  trouve en la Bible la seule autorité suprême en la matière de la foi. Il prône la tolérance religieuse et affirme clairement le droit de tout homme à servir Dieu selon sa conscience. Par rapport à la Bible, l'Ecriture Sainte, Luther dira même que « tous les Pères de l'Église ne vaudraient pas contre un seul verset » car elle est au dessus de tous et à la base de notre foi. Elle doit toujours contrôler notre foi qui est l'expérience religieuse  personnelle de tout homme.

Eu égard à tout ce que nous avons dit, ci haut, en rapport avec le protestantisme, on voit bien que c'est le protestantisme qui accueille les femmes et les hommes, leur enseigne le sens et le contenu de sola scriptura, sola gratia, sola gloria et sola fidei ; leur communique les moeurs et le sens de la piété, l'amour de la vérité et l'obéissance à Dieu plutôt qu'aux hommes (...) comme c'est éloquemment prescrit dans le texte de protestation des princes qui en constitue son essence. Le protestantisme est donc une autre vision de la chrétienté dans le christianisme où la notion de la liberté sert de toile de fond. C'est de là que sortent depuis la Réforme les protestantes et protestants. Libérés de la soumission, ils jouissent de leur liberté. Et, comme l'explique Luther, qui se base du texte de 1 Co 9, 19 et celui de Rom 13, 8 qui ont trait à la liberté et à la soumission, en ces termes :

C'est cela même l'éthique de l'être protestant. Et comme le dit Roger Mehl que « Les réformateurs visaient une réévaluation de la doctrine chrétienne » dans leur combat. Nous dirons que le protestantisme vise fondamentalement la sauvegarde de la doctrine chrétienne. Mais, quid  hymnologie  protestante ?

2.1.4 Quiddité  de l'hymnologie protestante

Avec la compréhension de ces termes - hymnologie et protestant pris séparément - nous pouvons maintenant aborder le thème hymnologie protestante pour le cerner globalement dans notre entendement. Ainsi, nous pouvons affirmer, dans la démarche définitionnelle, que parler de l'hymnologie protestante c'est voir, selon la mode de vie, la conception, l'éthique et la liberté...  l'art de créer et d'étudier les hymnes protestantes.

Néanmoins, il se dégagera ici d'emblée un problème à la fois de repère historique contextuel, de tendance confessionnelle, et celui de la liberté de penser et de s'exprimer. Repère historique contextuel de l'hymnologie protestante, car se situant au XVI e siècle avec la Réforme dont il ne faut en parler sans nommer Luther qui en est le ferment principal. La tendance confessionnelle de l'hymnologie protestante qui se crée en démarcation par rapport à l'hymnologie d'avant Réforme basée sur le mouvement  et chant grégorien et d'autres du genre. La liberté de penser et de s'exprimer dans l'hymnologie protestante comme pour évoquer le sens de la spontanéité et d'improvisation dans l'activité hymnique où l'un des pères de l'Église trouvait de mots justes pour dire que « chacun était invité à chanter à Dieu, au milieu de l'assemblée, un chant tiré des Saintes Ecritures ou de sa propre inspiration ».

Est-il nécessaire de rappeler que c'est du chant liturgique, l'expression de la voix de femmes et d'hommes dans un culte public, faisant monter vers Dieu la louange et l'adoration mais aussi les actions de grâce d'un côté, et, les échos de la souffrance de l'humanité en crise, de l'autre côté dont il est question ? Point n'est besoin d'en rappeler, car c'est à cela aussi que se fonde la spécificité de l'hymnologie protestante nous léguée par la Réforme (protestante) depuis ses débuts.

Par rapport aux débuts et au contenu de l'hymnologie protestante, Olivier Calame fait observer dans son article sur « Musique et liturgie » que :

Et Philippe Roulet de renchérir que :

Dès lors qu'on fait siennes les pensées de ces deux auteurs, on se rend compte que le souci majeur qu'avait animé les réformateurs à la grande révolution du XVI e siècle pour rétablir l'autorité de l'Ecriture, était le même souci que celui de l'orthodoxie théologique protégeant l'objet de la foi qui dominait dans les thèmes et le contenu des hymnes liturgiques. C'est pour cela Charles R. Swindoll s'efforçant de comprendre aussi bien la quiddité de l'hymnologie protestante, reprend ces mots chers à Martin Luther :«  Next to the Word of God, music deserves the highest praise. The gift of language combined with the gift of song was given to man that he should proclaim the Word of God through music  » 46  pour dire que près de la parole de Dieu, la musique mérite la plus haute louange. Car le don de langage associé au don du chant étaient donnés à l'homme pour qu'il proclamât la parole de Dieu par la musique.

Ainsi, nous pouvons affirmer dans les lignes qui suivent que l'hymnologie protestante proclame l'évangile. Elle s'attache à la parole de Dieu. Elle vise par dessus tout Dieu seul dans ses aspects mélodique et hymnographique. Elle est attachée au temple. Elle fait que celle ou celui qui cherche le moyen de dialoguer avec Dieu puisse s'en servir pour exprimer sa louange, sa repentance et sa foi. Elle est très éloignée de la vénération  des femmes et hommes furent-ils saintes ou saints. Elle se fonde sur les psaumes comme aux temps d'Israël biblique pour y puiser les différents thèmes.  Et pourquoi? Car, comme Jeannine Auboyer nous fait observer dans son ouvrage sur « l'histoire générale des religions », les psaumes ne nous sont connus que par le peuple d'Israël. Ils furent composés spécialement pour les cérémonies du temple. Tout au long de son existence, le peuple d'Israël a transformé en psaumes  sa vie. Et comme la vie offre des aspects divers, les psaumes sont aussi très divers. 47

D'après Auboyer, on y compte les psaumes de louange à Dieu parce qu'il aime son peuple; les psaumes d'actions de grâce individuelle ou collective. Ceux-ci se chantent quand le peuple a été libéré d'un danger, de la maladie, du péril de la mort ou d'une attaque de l'ennemie; Les psaumes accompagnent aussi la marche du pèlerin vers Jérusalem, le lieu où Dieu est présent pour son peuple; les psaumes se transforment aussi en mélopées pour le temps de recueillement où l'on médite sur l'amour de Dieu, sur l'alliance qu'il a faite avec les patriarches et Israël; les psaumes deviennent aussi un cri d'espérance, de certitude indéfectible que Dieu, un jour, par son messie établira son règne sur le monde troublé; les psaumes sont la mémoire du peuple d'Israël, parce que l'histoire devient prière, elle peut demeurer dans la mémoire. Ils constituent en eux seuls la grande partie de l'ensemble de l'Ancien Testament. Ils sont pour les générations passés, contemporaines, et futures les mots de foi de tous ceux qui ont adhéré la foi du peuple d'Israël. De ce fait tout peuple de Dieu, à l'instar d'Israël, répète les psaumes pour expérimenter ce que Dieu a été avec Israël.

A en croire Auboyer, les psaumes qui nous aident, nous qui ne sommes pas d'Israël, à entrer dans l'expérience religieuse d'Israël avec Dieu et d'une manière d'une autre à expérimenter nous aussi ce que Dieu a été avec Israël, éclatent donc le sens d'individualisme des nations pour former la communion de foi, d'esprit de tous les peuples de Dieu unis en Dieu par les psaumes. 48

Nous comprendrons maintenant pourquoi le protestantisme, à ses débuts, a opté les psaumes pour sa liturgie et son hymnologie. Mais pas seulement les psaumes de peuple d'Israël mais aussi avoir pris en compte que le contenu de ses Saintes Ecritures contrairement au Catholicisme (même si ce débat semble avoir évolué ) qui dans son canon reprend beaucoup plus de livres que les juifs et les protestants.

A la question de savoir pourquoi les psaumes sont  au centre  de l'hymnologie de la Réforme, en plus de  Jeannine Auboyer, une citation de  Chouraqui  peut nous aider à nous rapprocher près de raisons cachées de réformateurs quand il dit :

En d'autres mots, les psaumes  ouvrent  l'homme et la femme à Dieu mais aussi  ils ouvrent l'homme et la femme créés  à son image  et sa ressemblance  aux autres. Le retour aux Ecritures Saintes  prôné par la Réforme et celle-ci faisant passer son hymnologie  au crible des psaumes  s'appuie aussi sur la vie du maître  Jésus Christ. On sait que pour Christ  les psaumes étaient les mots de sa vie.

Beaucoup de références le montrent clairement qu'il s'agisse de prier ou de chanter avec ses disciples ou seul, Christ connaissait  le secret des psaumes  et s'en servait. N'est-ce pas que Chouraqui a raison quand il dit à propos  de psaumes  qu'ils sont  les  « 150 miroirs  de nos révoltes  et de  nos fidélités, de nos  agonies et de nos résurrections » ? 50

Avant de mettre un point à  ce thème  qui a porté  sur la compréhension  de ce qu'on peut appeler  hymnologie  protestante, il est avantageux pour nous  de porter une précision.  Comme  on sait le voir, jusqu'ici nous  nous sommes penchés  sur la valeur de texte de l'hymnologie protestante  à partir de la Réforme. Car nos raisons  sont évidentes. C'est de la question de l'hymnographie  que nous soulevons dans cette étude. La Réforme, on le sait, avait procédé à « la campagne d'épuration, en condamnant la trop grande complexité des mots et de la polyphonie (....). On voulut à juste titre  que les textes  saints  soient intelligibles pour tous les fidèles (...) » 51.  C'est ainsi que nonobstant la diversité de formes musicales (comme air, cantique, chanson  polyphonique, choral, psaume, récitatif...) l'effort  était convergé sur  la  recherche de solutions à la problématique  du texte qui devra  être  intelligible pour tous les fidèles.

Toutefois, sans nous lancer dans le débat des experts en hymnologie pour les rejoindre, ou mieux, nous adjoindre à leurs  contradictions, signalons que l'hymnologie  protestante a su créer et conserver une certaine dignité.  Elle  a provoqué avec le cantique, une extraordinaire extension en XVIè Siècle  suscitant  ainsi  la Contre-réforme  du  catholicisme  dans le domaine  du  chant qui  s'est vu  épanoui dans la  littérature  de  noëls, odes et cantiques spirituels  en vue d'abolir  dans le monde  les chansons profanes  et déshonnêtes. 52

— L'hymnologie  protestante  a créé  et conservé  le choral protestant  dès 1517 par Martin  Luther et ses collaborateurs.  Luther dans  son ecclésiologie  réserva  une large place  à la musique  de cette  forme. « Cette  forme deviendra  progressivement un principe structurel et restera jusqu'à nos  jours  l'apanage de la musique protestante.  Au XVI e Siècle, la Réforme religieuse est suivie de la Réforme scolaire » 53.  L'apprentissage de la musique est assuré par les maîtrises en vue de la diffusion de la liturgie. Dans cette forme J. S. Bach, qui disposant de 5000 chorals protestants appropriés à toutes les fêtes et évoquant les principes fondamentaux de la foi protestante, est une figure de proue.

— L'hymnologie protestante a créé et imposé pour le culte l'harmonisation de chant à 4 voix dans une structure strophique, note contre note.

—, L'hymnologie protestante (de langue française) s'est beaucoup plus penchée sur les psaumes davidiques dans un travail d'adaptation et d'harmonisation de mélodies. Le psaume, destiné au culte, est syllabique et strophique. Ici, les paraphrases françaises, des psaumes davidiques sont l'œuvre de Théodore de Bèze, Clément Marot, Jean Calvin (pour le recueil de 1539). Mais aussi Loys Bourgeois qui composa quelques mélodies des psaumes pour les textes de Bèze et Marot.

—, L'hymnologie protestante, à travers les siècles, est l'apanage de recueils pour lutter contre le chanter par cœur.

Pour terminer, reconnaissons avec Louis Emery que l'hymnologie protestante au cours de siècles n'a pas manqué à avoir ses hauts et ses bas. Elle a réussi à susciter

Ces deux génies de l'hymnologie protestante la plus haute en couleur s'imposent de par leurs travaux jusque aujourd'hui. Et leur force se prouve même aussi bien dans leurs hymnographies que dans leurs hymnologies. Leur histoire semble étonnante. Le destin  a voulu que  Händel naisse et meurt une année avant JS Bach, et cela après avoir rempli leur mission : celle de donner une contribution protestante de haute facture à l'hymnologie et l'hymnographie chrétienne universelle. Car leurs œuvres dépassent les barrières humaines et les immortalisent.

2.2 Quid, hymnologie protestante congolaise ?

Nous venons, dans les pages qui précèdent, de brosser en grande ligne ce que nous comprenons par l'hymnologie protestante en général. Mais, nous ne saurions prétendre que nous avons tout dit dans ce domaine. C'est pourquoi il nous faudra par devoir de modestie avouer que tout ce que nous avons pu écrire sur l'hymnologie protestante ne constitue qu'une goutte d'eau dans l'océan de ce qu'il fallait dire. Aussi n'est-il que juste de le relever d'avance.

L'hymnologie protestante s'est déclenchée à l'aube de la Réforme, si pas au même moment que la Réforme. Elle est intrinsèquement biblique. Comme c'est dit ci haut, l'effort était convergé vers la recherche de voies et moyens afin que le texte ou mieux l'hymnographie soit intelligible par tous les fidèles. C'était cela la mission assignée à l'hymnologie de la Réforme. Car une hymnographie comprise emballe et unit celles et ceux qui la chantent en célébration hymnologique.

Quittons la généralité de l'hymnologie protestante pour entrer dans l'hymnologie protestante mais congolaise. On voit qu'il s'agit ici de la contextualisation. Car, il faut parler de la viabilité de ce qu'on peut appeler hymnologie protestante congolaise. D'emblée, nous voulons dire que nous procéderons différemment.

Comme l'hymnologie protestante est vaste, celle dite congolaise ne peut être cernée que dans le sens de la particularité. La prendre autrement, c'est aller loin de l'essentiel de sa signification. Qu'est-ce que l'hymnologie protestante congolaise ? La compréhension de cette question pour une réponse attendue nous impose un recours à la rhétorique et à l'une  de ses figures. C'est de la métaphore que nous parlons. La métaphore, on le sait, « a pour base une ressemblance entre deux objets ou deux actes, caractérisant l'un d'entre eux à l'aide de ce qui appartient à l'autre » 55. L'exemple éloquent est dans l'expression de l'homme de Nazareth quand il dit: « Je suis le (vrai) cep, et vous êtes les sarments » (Jn 15, 5). Avec Eric Lund et Paul C. Nelson pour bien pénétrer la compréhension de cette image, il faut nous poser quelques questions : « Qu'est-ce qu'il caractérise le cep et quelle fonction a-t-il principalement ? » 56. Nous savons que le cep « sert à communiquer la sève et la vie aux sarments, afin que ceux-ci puissent porter des grappes » 57.  On comprend dès lors que, sans le cep, il n'y a pas de vie pour les sarments qui devraient porter des grappes.

Cette image est une aide à la réponse à notre question sur la compréhension de l'hymnologie protestante congolaise. En clair, L'hymnologie protestante est le cep et celle dite congolaise est l'un  des sarments de ce cep. Le cep, l'hymnologie protestante, sert à communiquer la sève et la vie au sarment congolais depuis l'époque de l'œuvre évangélisatrice protestante au Congo en janvier 1878, avec pour artisans George Grenfell et son confrère Thomas Comber de la BMS, sans oublier « deux autres missionnaires, cette fois appartenant à la Livingstone Inland Mission (LIM) : Le danois J. Ström et un autre Anglais  H. Craven, arrivés sur les lieux un mois plus tard. Ils furent les premiers à fonder une mission protestante sur le sol congolais : ce poste est Mpalabala » 58. Mais, il faut aussi signaler l'apport, en 1884 des autres sociétés missionnaires, « l'une américaine, l'Américain Baptist Foreign Mission Society (ABFMS) et l'autre suédoise, la Svenska Missions Förbundet (SMF) » 59 qui arrivées au Congo, reprirent les postes et les effectifs de la Livingston Inland Mission (LIM) et « le groupe de ceux qui allaient former la Christian and Mission Alliance (CMA) et en 1886, les missionnaires de la Garanganze Evangelical Mission (GEM) qui précédaient les troupes de L'EIC au Katanga » 60.  Nous situons et croyons que L'hymnologie protestante congolaise est née avec l'œuvre évangélisatrice protestante au Congo. Elle n'a que 124 ans au sens large. Elle est l'œuvre des missionnaires d'abord. Car, ces derniers amenèrent au Congo les chants du protestantisme occidental 61 et prirent soin de les traduire dans nos langues et voire nos dialectes congolais. Comme le fait observer MUNAYI Muntu-Monji, «  deux autres importantes sociétés protestantes provenant des Etats-Unis: les presbytériens en 1891 et les disciples du Christ en 1899 qui eurent leur champ d'apostolat respectivement dans le Kasai et dans l'Equateur » 62 vinrent s'ajouter sur la liste des sociétés missionnaires. Mais aussi, « les méthodistes au Sud et au centre du Congo respectivement en 1907 et en 1914, l'Africa Inland Mission en 1912, la Mission au Cœur de l'Afrique en 1913, et la Mission Baptiste Suédoise en 1919 » 63 qui comme les précédentes ont contribué largement à l'érection d'une hymnologie protestante congolaise, sarment du cep de la Réforme.

Nous n'avons donc pas l'intention, dans cette étude, de donner l'impression comme si toute l'hymnologie protestante congolaise n'est que l'œuvre des missionnaires. Ce n'est pas vrai. Car ne voir cette hymnologie que dans cet angle, c'est à la fois contester un fait capital : le sarment du cep n'a pas porté de grappes. En clair, c'est affirmer que l'hymnologie protestante congolaise des missionnaires n'a pas suscité de vocations pour les hymnologues et les hymnographies autochtones, filles et fils du Congo protestant. En 124 ans de l'œuvre évangélisatrice au Congo, n'avons-nous pas compté quelques figures de proue dans ce domaine ? Anticipons! Cette question trouvera, sans doute, sa réponse dans le prochain chapitre de cette étude, où nous parlerons de celui que nous appelons le paradigme hymnographique de l'hymnologie protestante congolaise. Mais, pour l'instant, notre préoccupation consiste à tracer les caractéristiques de l'hymnologie protestante congolaise. De prime abord, comme nous le démontrons, il n'y a indubitablement aucune différence majeure entre les caractéristiques de l'hymnologie protestante, « cep » et celle de l'hymnologie protestante congolaise que nous nommons « sarment ».

2.2.1 Traits caractéristiques de l'hymnologie protestante congolaise.  

Dans ce point, nous nous proposons de relever les grandes lignes caractéristiques de l'hymnologie protestante congolaise. Nos lecteurs se rendront compte que la liste de ces traits n'est pas exhaustive. Car nous avons presque fait allusion à ces caractéristiques générales lorsque nous avons parlé de la compréhension de l'hymnologie protestante. Que dire de traits caractéristiques ? Ce sont les repères qui nous aident à déterminer les hymnes protestants. De ces repères Nous pouvons relever, entre autres que l'hymnologie protestante congolaise, à l'instar du protestantisme en général, est :

1. basée sur le texte biblique magnifiant les hauts faits de Dieu, son amour manifesté en Jésus Christ. Aussi sur l'amour de Christ et l'œuvre du Saint-Esprit.

2. généralement réunie en recueils de chants traditionnels traduits en langues vernaculaires.  

3. forgée de textes intelligibles, pour tous les fidèles et souvent les hymnographies sont des prédications à part entière.

4. composée pour la communauté en prière et arrangée pour un accompagnement à trois ou quatre voix créant une sorte de polyphonie dans l'exécution.

5. écrite en vers mesurés autour de psaumes  et autres types, mais souvent et malheureusement sans musique.

6. faite de mélodies, souvent  empruntées à des mélodies populaires occidentales, récupérées pour le temple.

7. présentée, dans son contenu, suivant un ordre de thèmes : les chants pour louanges à Dieu, personne et œuvre de Jésus-Christ, personne et œuvre du Saint-esprit, évangélisation, vie  chrétienne et le miroir de tous ses moments : prière, parole de Dieu, épreuves et consolations, confiance, combats et victoires, consécrations (...) espérance chrétienne, chants de circonstances, chants pour enfants de l'école du dimanche. En plus de ces thèmes, on y trouve les noms de compositeurs et/ou traducteurs ou hymnographes (...) souvent une table des matières y est présentée.

8. pour beaucoup c'est l'œuvre de traduction ou de l'hymnographie à partir de la musique des auteurs compositeurs occidentaux. C'est pour cela la plupart de ses recueils de cantiques reprennent les sources ci-après selon que le recueil est produit par telle ou telle mission 64 :  

9. Elle est aujourd'hui plus qu'hier, et en particulier le centre cosmopolite. Car, influencée par le kimbanguisme, le catholicisme et les églises dites de réveil ou mieux le pentecôtisme, elle est sujette à subir la dynamique de la société. Toutefois, comme toujours, elle s'accroche à son identité traditionnelle  avec ses quelques rares recueils de cantiques existant. Sa particularité peut aussi s'épingler tant bien que mal dans ses styles  traditionnels congolais, et, Kua Nzambi résume bien cette position en ces  termes :

Ces quelques traits essentiels marquent l'hymnologie protestante congolaise d'hier et d'aujourd'hui. Celle de demain n'est pas encore là. Il faut la chercher pour toujours conserver le « chanter l'utile » dans nos communautés protestantes. Toutefois, il est à souligner que l'avenir ne dépend pas seulement d'aujourd'hui mais aussi du passé.

2.2.2  Autre main de l'Evangélisation

Dans les pages qui précèdent, et, au fur et à mesure de l'avancement de notre réflexion, nous avons tenté de montrer que l'hymnologie protestante était née avec la Réforme. Nous avons également montré que si elle était née, l'un des ses buts était celui de proclamer l'Evangile de Jésus-Christ dans son intégralité. Il nous faut cependant avancer dans notre réflexion.

Nous devons, ici, parler de l'hymnologie protestante  congolaise comme une autre main de l'Evangélisation. Car si l'hymnologie protestante ne visait que la proclamation de l'Evangile, nous nous posons la question de savoir si entre l'Evangile et l'évangélisation il y a combien de pas ? Nous considérons que l'évangélisation est une démarche qui  s'opère autour et avec la parole de Dieu pour faire de l'homme et de tout homme participant au salut et au règne de Dieu. Dans cette démarche la prédication est une des mains et l'hymnologie en est une autre. Les deux sont complémentaires. L'hymnologie avec sa musique est aussi puissante que la prédication. Elle place la liturgie à un niveau élevé. Elle joue un rôle important parfois plus que la prédication en ce sens qu'elle arrive toujours à braver les murs de la contextualisation. La prédication est au pasteur. Elle est contextuelle. Elle est limitée dans le temps et dans l'espace. Ce qui n'est pas le cas avec la musique. L'hymnologie avec sa musique et la liturgie sont à la communauté chrétienne entière rassemblée en célébration. A l'instar de credo et la liturgie, l'hymnologie offre vraiment un moment unificateur à l'Église et à ses membres. Elle rapproche le genre humain de différentes générations. Elle n'a pas de frontières.

Sans nous permettre d'entrer dans les méandres de définition entourant les mots « évangélisation » et « mission » qui pour les uns sont très éloignées l'une de l'autre de sens et de signification, et pour les autres (sont) synonymes, nous avons préféré parler de l'évangélisation à l'intérieur du Congo en ce sens que le mot évangélisation n'est pas éloigné de l'Evangile aux temps de l'œuvre missionnaire au Congo. Et nous nous appuyons ici sur l'étude de Bosch sur la « dynamique de la mission chrétienne ». Bosch écrit par rapport à l'évangélisation, et, cherchant à comprendre le contenu de l'Evangelii Nuntiandi 66 que « l'évangélisation est comprise comme concept englobant toute l'activité de l'Église envoyée au monde : 'un mot unique - évangélisation - définit toute la mission  du Christ' (...) de la même façon, Geijbels (...) réunit sous le terme évangélisation la proclamation, la traduction, le dialogue, le service et la présence » 67.  Cette lecture nous est utile. Elle rencontre notre compréhension de l'œuvre missionnaire au Congo. Nous croyons que, nonobstant quelques faiblesses inhérentes à la nature humaine, l'œuvre de l'évangélisation missionnaire au Congo avait englobé toute l'activité de l'Église et cette activité contenait aussi proclamation et la traduction de l'Evangile dans nos langues. La compréhension que nous faisons des idées de Bosch68  et surtout considérant ses thèses  forgées par rapport à l'évangélisation et mission, nous faisons nôtres en rapport avec cette étude quelques unes :

 (1)  « L'évangélisation peut-être considérée comme une dimension essentielle de l'activité globale de l'Église ». C'est l'idée de  l'action sociale au côté de l'Evangile qui est soulevée ici. « Car l'évangélisation ne saurait avoir une vie propre, indépendamment du reste de la vie et du ministère de l'Église » 69.  

(2) « L'évangélisation comprend le témoignage envers ce que Dieu a fait, fait et fera » c'est l'idée de la considération de l'évangélisation selon sa propre nature, comme transmettant la vie, proclamant en parole et en action, que le Christ nous a libérés quand Dieu, créateur et Seigneur de l'univers est intervenu personnellement dans l'histoire humaine en Jésus-Christ. 70

(3) « Et cependant, l'évangélisation appelle une réponse » 71. Sans réponse à l'évangélisation qui consiste en la conversion, bien que processus continu de toute une vie, l'évangélisation perd sa raison d'être.

(4) « L'évangélisation est toujours une invitation » 220.  Elle porte un message positif. Elle communique de la joie. Elle est un espoir offert au monde en désolation. Elle apporte Christ lumière dans le monde ténébreux de coeur humain.

(5) « L'évangélisation offre le salut comme un cadeau actuel et une assurance de joie  éternelle » 73. Car, « même sans le savoir, les gens cherchent désespérément un sens à la vie et à l'histoire; cela les pousse à vouloir trouver un signe d'espérance au milieu de la peur omniprésente de catastrophe mondiale et d'absence de sens » 74. Devant cette situation, loin d'être un tranquillisant ou un procédé, une thérapeutique psychologique, elle offre le salut et la joie intérieure prélude de l'éternité.

Ces quelques thèses de Bosch ont été même sans s'en rendre compte à l'œuvre dans l'évangélisation missionnaire protestante au Congo. L'œuvre d'évangélisation missionnaire se voulait comme une dimension essentielle de l'activité globale de l'Église. Elle comprenait le témoignage envers Dieu auprès de peuple congolais. Leur dire ce que Dieu a fait, ce qu'il fait et ce qu'il fera. Elle (l'évangélisation) se voulait aussi demeurer dans la recherche de la réponse du peuple évangélisé qui devrait en donner par des conversions. Dans ce sens elle tenait toujours à inviter le peuple par la proclamation de l'Evangile afin de leur offrir, par Jésus-Christ, le salut et la joie que Jésus apporte dans un cœur.

Mais, parce que nous parlons de l'autre main de l'évangélisation, faisant allusion à l'hymnologie protestante congolaise, une des thèses boschiennes est à prendre. C'est celle qui dit que « l'évangélisation authentique est toujours contextuelle » 75. C'est la question de ne pas  séparer les gens de leur contexte, leur culture (...) qui se soulève ici. Loin de nous l'intention de dire que l'œuvre d'évangélisation missionnaire en a totalement tenu compte. Car, à en croire Mengi Kilandamoko, il y a eu certes un problème ou une tendance d'acculturation dans le chef  des évangélisateurs 76. Toutefois, l'hymnologie protestante congolaise s'est vue, à travers les époques, comme servante de l'évangélisation au Congo. L'évangile n'a pas été seulement proclamé en parole parlée. Il a été aussi proclamé en parole - prédication, exhortation, méditation, prière - chantée. Ceci est d'autant plus frappant. Car l'hymnologie protestante congolaise, en parole chantée de l'Evangile, elle a pénétré le peuple comme au jour de la Pentecôte où on écoutait même les  étrangers  parler dans la langue des autochtones.

Quelques entrées paradigmatiques de recueils de chants publiés en langues congolaises sont importantes. Ces recueils dans la majorité ne contient que les chants traduits de langues de Pays de missions voire leurs hymnes nationaux que les congolais prenaient pour les cantiques religieux 77. D'après le Centre Protestant d'Editions et Diffusion, en sigle CEDI, L'œuvre d'évangélisation missionnaire au Congo avait publié jusqu'aux années soixante dix les recueils aux titres suivants :

1. Njembo na Njambe (1949, 1952, 1956, 1958,)
2. Ngimbo jia Yutumbwisa (1949, 1961) (Mennonite)
3. Nyimbo ya Imani na Safi  (1953)
4. Tumutumbishe ne Mïsambu (1956, 1976,... Mennonite)
5. Bankunga ya Kintwadi (1965, AMBM, BMM)
6. Nsao ya Nzakumba (1964, 1973, CADELU)
7. Tosanjola Nzambe (Mombongo, IBIA 1974)
8. Njembo na Njambe (CBFC, 1978)
9.  Njembo ji Njambe (CBFC, 1978)

Depuis les années 80 jusqu'à plus au moins 2000, il y a eu un ajout important dans ce domaine. Cet ajout s'est fait tantôt en impression revue et augmenté ou simplement en de nouvelles initiatives dans la publication de recueils. Prenons les cas de:

Remarquons que l'hymnologie protestante congolaise n'a pas disposé de recueil unique. Les recueils étaient publiés selon le besoin du milieu où le culte s'organisait soit le dimanche soit à des occasions particulières. Et même quand nos Églises se voyaient augmentées en nombre et aussi avec ce qu'on peut appeler le « va et vient  » des chrétiens venant de différentes traditions chrétiennes, L'Église  du Christ au Congo qui est, dans la légalité, la tête du protestantisme congolais n'a pas encore réussi à s'imposer dans ce domaine. Les recueils anciens et connus en milieu protestant ne sont plus re-imprimés ni vendus sur le marché. Peut être que l'Église est entrain de s'interroger en cette matière. Car un recueil qui servirait de repère des patrimoines spirituels protestants, traduisant l'expression de l'unité du corps du christ au Congo est plus qu'attendu. Mais il faudra y inclure, plus qu'au temps des recueils des missionnaires, les hymnes écrits et chantés par les filles et fils de la grande famille protestante. Un fait est à déplorer: nos recueils ne sont pas publiés avec musique. Et, cette faiblesse de nos recueils favorise si pas l'oublie de mélodies anciennes, mais  certainement la déviation trahissant ainsi la quintessence de cette hymnologie qui se retrouve (presque) plus.  

L'hymnologie protestante congolaise a constitué en beaucoup une autre main de l'évangélisation. L'œuvre des missionnaires en est une preuve. Si l'évangélisation est la vie même de l'Église jusqu'à la parousie, nous croyons que l'hymnologie aussi qui excelle dans la communication, dans ce sens qu'elle trouve facilement la place dans le souvenir du genre humain, continuera son bonhomme de chemin accompagnant l'évangélisation et l'évangile jusqu'à la parousie. Mais, elle peut aller au-delà de la parousie. Il y a lieu de souligner cette réalité, car la parole, qui certes ne passera pas, cessera  pour céder sa place  à la louange qui demeurera à jamais dans le règne éternel  de Dieu.

2.2.3 Hymnologie persécutée. Avenir en danger ?

Il ne s'agit pas, ici, de nous laisser entraîner dans une peur du lendemain par rapport à l'hymnologie protestante congolaise. C'est pourquoi nous nous bornerons à lancer un cri d'alarme. Car le danger nous guette ! Notre identité se perd lentement mais sûrement.

On sait que toute hymnologie est liée à une liturgie et la liturgie elle même est une dimension de la religion comme la religion est  aussi  une dimension de la vie. Car, on ne comprend ou mieux on ne peut comprendre la religion que par rapport à la vie qui l'influence.

De cette manière, on est tenté de dire que la religion naît avec l'homme, la liturgie avec la religion et l'hymnologie avec la liturgie. C'est pourquoi la religion, la liturgie et l'hymnologie sont  liées avec la vie sociale de la femme et de l'homme. Et comme la vie sociale et ses hénomènes sont toujours totaux  globaux, la religion, la liturgie et l'hymnologie, dans leur vécu quotidien, ne peuvent être isolées de flux sociopolitique, socio-économique et socioculturelle qui les entourent et qui sont aujourd'hui causes fondatrices des Églises, nouveaux mouvement religieux.

Léon de Saint Moulin analyse bien cette situation par rapport à la signification sociale des nouveaux mouvements religieux 78. Pour lui, la religion

De l'analyse de Léon de Saint Moulin  retenons pour ce travail, faute de temps, et de manière détachée, le désir d'un nouveau style de célébration plus participatif et faisant plus de place à l'affectif et à l'émotif où nous voyons venir ou  mieux où nous trouvons le lieu de la persécution de l'hymnologie congolaise d'Église. Les initiatives à propos de  la composition hymnique dans ce désir de nouveau style de célébration n'est plus à démontrer aujourd'hui. L'hymnologie des Églises de réveil en parle plus. Poussée par l'expérience religieuse et la crise multidimensionnelle de notre pays, l'hymnologie de ces Églises se fonde sur la quête de nouveautés, de ce qui est en vogue, de ce qui se chante facilement et partout dans les cultes, les fêtes, les campagnes d'évangélisation. Car, c'est facilement connu de tous. C'est moderne. C'est spirituel (...). Ça emballe bien le moment de louange et d'adoration 80.  Elle veut se forger des hymnes qui ne soient ni catholiques, ni kimbanguistes, ni protestants (...). Les chants de recueils anciens sont déclarés dépassés : Il faut une rupture avec les Églises traditionnelles dans ce domaine d'hymnologie.

Mais le problème que nous voulons soulever ici est celui de l'inattention des Églises historiques. Quand l'hymnologie protestante est chassée de chez les Églises de réveil,ou, postmissionnaires, consciemment ou inconsciemment, l'hymnologie de ces Églises élise domicile dans notre liturgie protestante. L'hymnologie protestante congolaise est persécutée dans la rue et dans la maison. Nous nous sommes rendus compte que nombre de nos Églises protestantes aujourd'hui n'ont que faire de chants traditionnels. Elles préfèrent l'hymnologie des Églises de réveil avec leurs chants populaires. Car, elle fait danser. Elle provoque la participation de tous et de chacun. Il faut avouer que  c'est ici où règne le syndrome du «  peuple qui chante et qui danse ».

De manière succincte, il nous sera avantageux de cerner le sens à donner  à ce qu'on entend  par chants populaires. Nkulu Kankote, au cours d'un de ses exposés sur  l'impact de la communication traditionnelle africaine dans l'Église du Christ au Congo, nous livre cette définition :

Ce sont  ces genres des chants qui remplissent des bruits au nom de la louange à Dieu, nos temples  aujourd'hui  et c'est comme qui dirait tout est à la mode.

L'hymnologie protestante congolaise qui brille par le manque de formation, manque de la vision dans le travail de la conception de recueils ou de révision pour obtenir de recueils revus et augmentés sur le marché. C'est par inattention ou par négligence qu'elle cherche en l'hymnologie des Églises de réveil une couverture qui cache la réalité d'un moment de crise profonde de son histoire depuis les temps missionnaires. Et c'est sans illusion que nous pouvons l'affirmer. Mais affronter cette crise, c'est courir le risque en vue sauvegarder notre identité hymnologique protestante. Car, comme l'écrit Bosch,

C'est l'esprit de Koyama japonais qu'il faut soulever ici si l'on veut sauver l'hymnologie protestante congolaise de mains de ses persécuteurs comme le propose  Bosch. Ne pas agir, comme semble être le cas  jusqu'à ces jours, c'est implicitement avouer la faiblesse du protestantisme congolais dans ce domaine.

Maurice MONDENGO Iyoka B.
Table des matières 

 

Notes

33.Cf. Dictionnaire Robert méthodique, Paris, Ed. Larousse,  1983, p. 698.

34. Nouveau Dictionnaire Biblique, Lausanne, Saint Légier, 1992, p. 20.

35. Ibid. p. 210

36. Dictionnaire Robert méthodique, Paris, Ed. Larousse, 1983, p. 1148.

37. L. EMERY, Histoire du christianisme, Bruxelles, Imprimerie Mathieu, 1954, p.99

38. E. G. WHITE, La tragédie des siècles, Idaho, Pacific press, 1990, p. 207.

39. E.G. WHITE, op. cit., p. 213.

40.  Ibid., pp. 213-214.

41. E. G. WHITE, op. cit.,  pp. 213-214.

42. M. LUTHER, De la liberté du chrétien, Paris, Aubier Montaigne, 1969, p. 43.

43. R. MEHL, La théologie protestante, Coll. Que sais-je ?, no 1230, Paris, Presses universitaires de France, 1967, p. 5.

44. O. CALAME, « Musique et liturgie », in Cahier de l'IRP no 22, Lausanne,  1995,  p. 10.

45. Cf. P. ROULET, « Editorial de Une autre musique d'Eglise ? », in Les cahiers protestants, Nouvelle série no 5, Lausanne, Octobre 1985, p. 2.

46. M. LUTHER, cité par Charles R.  SWINDOLL, in The hymnal for Worship and Celebration, Texas, Wordmusic, 1986, p. 2.

47. J. AUBOYER et all, Histoire générale des religions,  Paris, Librairie Aristide Quillet, 1960

48. J. AUBOYER et all, Op. cit. p.166.

49. Cette citation de CHOURAQUI est tirée de l'ouvrage intitulé Aujourd'hui la Bible, Paris, Ed. Livre de Paris Tome IVe, p. 145

50. Ibid.

51.R. de CANDE, La musique, histoire, dictionnaire, discographie, Paris, Seuil, 1969, p. 35.

52. A. VERCHALY traite de ce point dans son article, sur « le cantique » publié dans l'Encyclopédie Larousse sous le titre « la musique à travers ses formes », Paris, Ed. Larousse, pp. 35-36.

53. E. WEBER, Même Ouvrage, pp.49-51.

54. L. EMERY, op. cit. p. 158.

55. E. LUND et Paul  C.  NELSON, Herméneutique, Comment interpréter la Bible, Bois d'Arcy,  Ed. VIDA, 1988, p. 91.

56. Ibid , p.  92.

57. Ibid..

58. Lire MUNAYI Muntu-Monji quand il écrit sur « Les vingt-cinq ans de la faculté de théologie protestante au Zaïre 1959-1984 », FTPZ, Kinshasa, 1984, pp. 11-12.

59. Ibid. p. 12.

60. Ibid., pp. 11-12.

61. Lire MENGI Kilandamoko, L'évangélisation missionnaire face à la culture Kongo, Thèse de doctorat, présentée à l'Université de Laval, Canada, 1981, p. 91.

62. Ibid.,  p. 13.

63. Ibid.,  p. 14.

64. En 1974, le recueil de cantiques nommé « Nkunga mia Kintuadi » était imprimé pour les communautés ci-après : CBZO, CBFC, CEC et EEC de la République Populaire du Congo. Et nous nous servons de ce recueil pour sa liste.

65. KUA NZAMBI Toko, « Coups de projecteur sur le mouvement choral en République Démocratique du Congo », in International choral bulletin, Namur, Vol. XX, number 4, July 2001, p. 6.

66. Evangelii Nuntiandi (EN) est le message du Pape Paul VI. Cette exhortation apostolique publiée en 1975 constitua un tournant notoire, d'après Bosch, dans le domaine de  la conception de l'évangélisation.

67. D. J. BOSCH, Dynamique de la mission chrétienne, Ed. Labor et Fides, Genève, 1995, p. 533.

68. Bosch a étayé 18 thèses pour cerner la quiddité de l'évangélisation. On peut trouver ces thèses dans son livre déjà cité, pp. 554-564.

69. Ibid.

70. Ibid.,  p. 555.

71. Ibid.

220. Ibid., p. 555.

73. Ibid., p. 557.

74. Ibid.

75. Ibid, p. 560.

76. MENGI Kilandamoko, op. cit., p. 14.

77. Ibid.,  p.  91.

78. L. D S. MOULIN s.j. a fait une brillante étude sur « Les églises de réveil et l'environnement social, économique et politique de la fin du XXe siècle en RDC : relation dialectique »  Cf. Conférence faite le 8 mai 2002 à la Faculté Catholique de Kinshasa  d'où nous  tirons cette citation.

79. L.D. S. MOULIN s.j., op. cit.

80. Cf. Maurice MONDENGO Iyoka, « La problématique du chant à l'Ecole du dimanche », TFC, Théologie, UPC, 2000.

81. Cf. NKULU Kankote Kisula ,  « L'impact de la communication traditionnelle africaine » dans l'ECC , exposé fait  Lors des Journées scientifiques interfacultaire de l'UPC et Journée annuelle de l'ECC, du 25 au 28 avril 2001.

82. D. J. BOSCH, op. cit., p. 13.

 

 


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Dimanche 17 Mars, 2024

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