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25 novembre 2011, par Eusébius

Menahem Pressler et le Fine Arts Quartet à Dijon

Il me faut l'avouer, j'attendais ce concert depuis des mois. Tout d'abord pour Menahem Pressler, que j'apprécie tant depuis plusieurs dizaines d'années, et dont la presse avait signalé, (et fustigé) plusieurs défections consécutives, après qu'il eut dissout le Beaux Arts Trio dont il était l'âme. En substance, nos « bons » critiques écrivaient : Est-il sain un âge avancé — 88 ans dans quelques semaines — de vouloir « raccrocher » ? Avec pudeur (la santé fragile de Sara, son épouse) il avait tu la raison de ses défections. Aurions-nous encore le privilège de l'écouter ?

Le concert s'ouvrait sur le quatuor en sol majeur, le premier de l'opus 77, de Haydn. N'allait-on pas subir un quatuor de routine, propre permettre aux instrumentistes de faire leurs vocalises ? Ce fut — au contraire — une grande et belle leçon. Une interprétation proprement inspirée : un premier mouvement enjoué souhait, le deuxième empreint d'une élégante gravité, le menuet (presto) où Haydn, dans sa soixante-dixième année s'inscrit dans le courant le plus audacieux de son temps, et enfin un finale dansant jusqu'au paroxysme, dont l'écriture très savante paraît simple et naturelle. L'évidence lumineuse, une interprétation rayonnante.

Les qualités exceptionnelles du Fine Arts Quartet, modèle d'homogénéité, de plénitude, de distinction et d'engagement, allaient se confirmer dans le 3e quatuor de Bartók. Malgré mon goût pour le 4e, sommet de sa création, l'émerveillement redécouvrir son prédécesseur fut total. Certes, c'est le plus audacieux des six, mais on oubliait la perfection formelle pour se baigner dans cet enchevêtrement de lignes, de courants, pour goûter tous les climats, des plus froids aux torrides, des sereins aux tourmentés ou aux désespérés. Avec, en filigrane, l'annonce de Kurtag et de Ligeti, par la modernité de l'écriture. Robuste et aérien la fois, le jeu des quartettistes était particulièrement convainquant. Une réalisation exemplaire.

Enfin, parut Menahem Pressler, toujours alerte, souriant, le regard pétillant, pour le second quintette de Dvorak. D'emblée, le miracle se confirme : son jeu n'a pas pris la moindre ride, le musicien est plus jeune que jamais. À la différence de nombre d'interprétations communes, le piano du meilleur chambriste se fond littéralement dans l'ensemble. Et la musique nous prend. Peu nous importe qu'elle soit de Schumann, de Brahms — dont la marque est parfois évidente — ou de Dvorak, c'est un régal. La connivence est absolue entre les partenaires. L'andante — la dumka — est admirable, avec son contraste nerveux et souple de l'incise vivace. Et les deux derniers mouvements, dont la marque slave est permanente, sont irrésistibles, particulièrement le finale dont la joie tourbillonnante aboutit une apothéose.

Les ovations sont telles que, malgré la richesse du programme, les musiciens nous offrent un bis. Quel beau cadeau !

Un intense bonheur. Merci, Monsieur Pressler de nous donner encore et toujours le meilleur de vous-même, et merci au Fine Arts Quartet pour cette soirée inoubliable.

Eusebius
26 novembre 2011
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