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Médée de Charpentier
au Théâtre des Champs Elysées
21 octobre 2012

par Frédéric Norac

 

On s'ennuie beaucoup dans la première partie de cette Médée.

La musique elle-même paraît un plat décalque de celle de Lully, sans le génie si particulier du Florentin. Il faut attendre l'acte III, celui où la tragédie prend corps avec le basculement de l'héroïne dans la vengeance et le crime pour qu'enfin les personnages gagnent un peu en consistance.

On découvre alors à Michèle Losier, jusque là bien terne et handicapée par une diction floue, une authentique voix et des fulgurances qui redonnent une certaine dimension au rôle-titre.

La délicieuse Créuse de Sophie Karthäuser s'affirme également dans la souffrance et sa scène de mort reste un des grands moments de l'opéra.

Stéphane Degout dans le rôle un peu secondaire d'Oronte ne peut renouveler sa magnifique performance d'Hyppolite et Aricie mais sa voix de bronze et sa diction impeccable imposent chacune de ses interventions.

Que dire d'Anders Dahlin et de son émission droite et tendue comme un arc, sinon qu'il paraît bien léger pour les exigences de Jason, malgré un beau timbre et un style impeccable ?

Laurent Naouri compose un Créon ambivalent, bonasse et autoritaire.

Les petits rôles comme les chœurs et l'orchestre de L'Astrée sont impeccables mais on reste souvent à la surface d'une œuvre qui semble ne se révéler que partiellement.

Médée, Théâtre des champs Élysées

Pierre Audi traite Médée en drame psychologique contemporain. Sa mise en scène peine à s'imposer, peu aidée par le décor branché de Jonathan Meese. On se croirait à la FIAC ; c'est de saison. Les collages, les néons, la neutralité des costumes modernes nous installent dans un univers branché très grand bourgeois que quelques (bonnes) idées comme les lingots d'or omniprésents devenant les cercueils des victimes de Médée ne parviennent pas à sauver d'un certain simplisme. On retient de beaux effets — les croix de fer descendant des cintres pour suggérer le pouvoir totalitaire de Créon, l'apparition de l'Amour sur son lingot d'or, et l'espèce de grand obturateur par lequel Médée semble près d'être décapitée en lieu et place du char dans lequel elle est censée échapper à ses poursuivants à la fin de l'opéra.

Médée, Théâtre des champs Élysées

Mais il manque à la production un décorum que ne lui apportent pas même les quelques éléments de ballet bien conventionnels et que seuls quelques tableaux élaborés des derniers actes arrivent à suppléer. Ce spectacle assez tiède ne nous fera pas oublier la production — certes plus académique mais autrement plus efficace — de Jean Marie Villégier à l'Opéra Comique en 1993 que défendait, sous la baguette de William Christie, une Lorraine Hunt, guère plus compréhensible que Michèle Losier mais avec un tout autre potentiel vocal et dramatique.

Médée, Théâtre des champs Élysées

 

Frédéric Norac
22 octobre 2012

Reprise à l'Opéra de Lille, du 6 au 15 novembre

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